Dans la Vienne, le bassin industriel châtelleraudais subit de plein fouet la crise des secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. Les menaces sur l'emploi se multiplient et les salariés vivent dans l'inquiétude. Nous leur donnons la parole pour faire entendre leur désarroi et leur colère.
Fonderies du Poitou, Mecafi puis cette semaine Thalès, les mauvaises nouvelles s'enchaînent pour les entreprises du bassin châtelleraudais travaillant pour l'automobile et l'aéronautique. L'industrie, c'est la locomotive pour les emplois de ce secteur du nord Vienne. En 2019, 40,5% des salariés du Grand Châtellerault travaillaient dans l'industrie et le taux de chômage y était parmi les plus bas du département. Une conjoncture positive qui fait du Châtelleraudais le deuxième bassin industriel de Nouvelle-Aquitaine, mais qui pourrait bientôt être mise à mal par la crise que traversent les deux filières de l'aéronautique et de l'automobile, leaders de l'emploi industriel dans notre pays.
Dans le Châtelleraudais aujourd'hui, on compte plus de 1.500 emplois directs dans le secteur automobile et 3.800 pour l'aéronautique. Des chiffres auxquels, il faut ajouter les nombreux sous-traitants qui travaillent pour ces entreprises et qui, eux aussi, sont touchés par les baisses d'activités provoquées par la crise sanitaire de la Covid-19.
Nos journalistes François Bombard et Antoine Morel sont allés pendant plusieurs jours à la rencontre des salariés de ces entreprises, aujourd'hui en pleine crise. Ils ont partagé des moments de leur vie au travail, chez eux, et aussi sur les piquets de grève. Ils ont rencontré des hommes et des femmes souvent désabusés et inquiets face à l'avenir pour eux, pour leur famille et pour leurs collègues.
Laurent Flamant : vingt-neuf ans à la Fonderie Fonte et demain ?
Beaucoup de ses salariés ont commencé à travailler alors qu'ils étaient jeunes dans l'usine où ils sont encore employés aujourd'hui. Pour eux, perdre leur travail, c'est perdre une grande partie de leur vie et peut-être même perdre la maison qu'ils ont fini par acheter.C'est le cas de Laurent Flamant. Il a aujourd'hui 49 ans et travaille depuis 29 ans à la Fonderie Fonte d'Ingrandes-sur-Vienne. Il est aujourd'hui chef d'équipe et a pu acheter avec son épouse, postière, une maison à St-Genest-d'Ambière, à 20 minutes de Châtellerault.
La Fonderie Fonte, qui fabrique des carters pour les véhicules diesel, est confrontée depuis de nombreuses années à des difficultés. En avril 2019, le rachat des deux unités des Fonderies du Poitou (Alu et Fonte) par le groupe anglo-indien, Alvance Liberty, avait suscité des espoirs qui ont vite été déçus, plombés par les crises successives du diesel puis du coronavirus. Aujourd'hui, le secteur de la fonte est menacé de fermeture et les seuls plans de reconversion proposés aux 315 fondeurs, fiers de leur savoir-faire, visent à les réorienter vers la maintenance de téléphones portables ou de voitures d'occasion.
Après des mois de chômage partiel, Laurent Flament retourne aujourd'hui au travail mais il l'avoue, c'est "avec la boule au ventre" face à l'incertitude et la crainte d'une mauvaise nouvelle. Lui, ne souhaite qu'une seule chose, reprendre le travail "comme avant" avec les trois-huit.
Recevoir des mails ou des textos, ça donne la boule au ventre.
Une réunion de tous les acteurs de ce dossier va se tenir le 12 octobre prochain à la préfecture de la Vienne, à Poitiers.On a subi la crise du diesel puis la crise du Covid, les volumes qui ont diminué de 75% donc effectivement on comprend leur anxiété par rapport à l'avenir.
Mecafi, des salariés en grève depuis le 21 septembre
A quelques kilomètres des Fonderies, chez Mecafi, une entreprise sous-traitante de l'aéronautique, les salariés sont sous tension depuis plusieurs semaines. Au début de l'été, les employés ont appris la décision de la direction de supprimer 242 emplois, des licenciements secs alors que le groupe Nexteam, qui a racheté Mecafi en 2018 se "porte bien" selon les syndicats.Les salariés sont en grève et bloquent le site, jours et nuits, depuis le 21 septembre pour dénoncer les conditions du PSE (Plan de Sauvegarde de l'Emploi) proposé par la direction du groupe. Les négociations ont abouti à sauvegarder 29 postes mais pour les salariés qui devront partir, chacun espère que la chute sera amorte grâce aux négociations des conditions de licenciements.
Tous se demandent s'ils feront partie de la charette des licenciements, c'est le cas de Romain Deniort qui est aujourd'hui âgé de 32 ans.On veut pas partir avec zéro. Il y a des couples qui travaillent dans l'usine depuis vingt ans...On se bat pour avoir un minimum.
Seule note un peu optimiste de ces entretiens, elle nous vient de la mairie de Châtellerault où Jean-Pierre Abelin, maire depuis 2008, se montre persuadé que les entreprises du bassin vont surmonter l'épreuve comme cela s'est passé en 2008, 2009 quand 2.000 emplois avaient été laminés par la crise des subprimes.Je peux être sauvé par mon ancienneté, car beaucoup de gens ont des petits contrats chez Mecafi mais je suis célibataire et sans enfant, donc c'est quelque chose qu'ils peuvent prendre en compte.
Voir l'intégralité du reportage de François Bombard, Antoine Morel et Philippe Ritaine.
Les chiffres des secteurs en difficulté
La préfecture de la Vienne communique les chiffres des entreprises et des salariés concernés par les indemnisations de chômage partiel dans le département, entre les mois de mars 2020 et juillet 2020 en raison de l'épidémie de Covid-19.- Pour le secteur de l’automobile : 12 entreprises indemnisées représentant1275 salariés soit 290 225 heures
- Pour le secteur de l’aéronautique : 3 entreprises indemnisées représentant 110 salariés soit10629 heures
- Pour le secteur de la métallurgie et de l'électricité : 135 entreprises représentant 3725 salariés soit 1 002 209 heures
- Nombre d'emplois liées aux secteurs automobile et aéronautique dans l’arrondissement de Châtellerault :
- 1.595 emplois directs dans la filière automobile
- 3.800 emplois directs dans l’aéronautique (y compris sous –traitants).