Au lendemain de l'annonce de l'abandon du dernier candidat à la reprise, les fondeurs de Poitou alu sont venus soutenir à Bercy d'autres métallos, déjà en liquidation. La société aveyronnaise de métallurgie (SAM) avait rendez-vous avec le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.
Ils ne sont que huit à avoir pris la route de Châtellerault vers Paris, ce mercredi. "On attendait l'annonce d'hier, confie Gery Begeault, secrétaire du CSE de la Fonderie alu d'Ingrandes-sur-Vienne. "On s'est décidés tard. Besoin de se coordonner avec les autres. On vient soutenir les SAM".
Les SAM, du nom des salariés de la Société aveyronnaise de Métallurgie (SAM), n'ont pas non plus trouvé de repreneur. En liquidation, l'usine en est à son 51e jour d'occupation. Ils arrivent en masse devant Bercy, le ministère de l'Économie : quatre bus en tout, pour soutenir leur délégué syndical qui rencontre à 15h le ministre Bruno Le Maire.
L'imposante colonne de cols bleus est ovationnée par les autres délégations de métallos, qui se salue et échangent des nouvelles - le secteur vient de perdre 1000 salariés en un an. "V'là les camarades de Cléon, lancent les Poitevins. Ça va ? L'année se présente bien ?" Tristesse des sourires. Crispation. "C'est un carnage, souffle le délégué de Cléon. Ils nous ont annoncé un plan, il n'y a qu'eux qui y croient".
Nous aussi, on se fait déglinguer
Un salarié de Renault-Cléon aux délégués de la fonderie Poitou-alu
"Ils", c'est Renault avec son usine normande de Cléon : la Régie était l'unique client des SAM, de MBF (Jura) ou Poitou-fonte, déjà fermées, et de Poitou-alu. Le délégué de son intersyndicale, Jean-Philippe Juin, se souvient bien des termes employés par Renault il y a quelques mois : "Cela ne l'arrange pas, que l'on ferme, ils disent qu'ils ont du boulot pour nous jusqu'en 2025."
Un SAM encourage les Poitou : s'il reste une commande, "c'est là qu'il faut pousser ! Nous, en mai, ils nous payaient encore nos jours de grève." Depuis, tout s'est effondré pour les Aveyronnais. Tout, sauf leur combat. Ils installent un logo géant, branchent une alarme, avec de lourds bruits d'explosion. Soignent l'image, avec un fondeur habillé d'alu qui sort les fumigènes devant Bercy. "On voit qu'ils ont l'habitude", souffle un Poitevin, qui s'éloigne un peu.
Comme si SAM, c'était eux, dans quelques mois - ils n'en sont pas encore là. "C'est encore flou, explique Catherine Thomas, 21 ans d'ancienneté à la Fonderie alu d'Ingrandes-sur-Vienne. Même si l'annonce d'hier était attendue, les salariés ont du mal à digérer. L'impact sur la famille, pas toujours facile de mettre des mots..." À ses côtés, Jean-Philippe Juin tape du pied en rythme quand la sono s'allume. "Ça amène un peu de chaleur."
C'est l'heure des discours : les SAM, puis le délégué national CGT. "Un salut particulier pour les camarades de la fonderie du Poitou, crie Philippe Martinez, qui sont dans la même situation que les SAM. C'est un scandale d'État : ils sont actionnaires, ont les moyens d'agir et se défilent !" Le leader syndical repart en lâchant un clin d'œil aux Poitevins. Le délégué de l'Intersyndicale n'en attendait pas davantage. "On a demandé aux administrateurs une réunion avec l'État et Renault dans les 15 jours, détaille Jean-Philippe Juin. Ils doivent les voir demain. On veut une nationalisation temporaire", le temps de se diversifier vers des modèles électriques ou hybrides, "puisque l'administrateur nous en dit capables".
De quoi susciter aussi le soutien des écologistes. Yannick Jadot est là, avec sa porte-parole, Sandrine Rousseau, qui vient passer ses coordonnées aux Poitevins. Le candidat a déjà fait le voyage vers Châtellerault. Il valide cette idée de nationalisation temporaire, "adossée à un plan qui redonnerait de l'activité. Ils vont disparaître et ne reviendront plus. Le vrai enjeu, c'est de trouver les moyens".
Le dernier recours, c’est la nationalisation temporaire
Yannick Jadot, candidat EELV à la présidentielle, à propos de Poitou-alu
C’est aussi ce que réclame le PCF : Florence Harris, conseillère départementale du canton de Poitiers-3, a écrit hier au président de la République pour lui demander de prendre temporairement le contrôle des fonderies, " joyaux nationaux ". Quand, jusqu’à présent, l’Etat a préféré " subventionner les délocalisations de Renault ".