2600 élus ont été victimes de violences l'an dernier en France. Dans la Vienne, ces délits ont explosé : + 60 %. Ces bracelets d'alerte permettent de prévenir immédiatement les forces de l'ordre ont été distribués aux élus en danger.
Cela ressemble à une montre toute simple. « On peut la porter au poignet ou en pendentif ». Sacha Houlié, le député (non-inscrit) de la 2e circonscription de la Vienne, la laisse plutôt posée sur le bureau de sa permanence. Elle profite ainsi à tous ses collaborateurs.
Un bracelet qui dissimule en fait un bouton d’alerte en cas de menace ou d’agression. Il suffit juste d’appuyer dessus et les forces de l’ordre sont immédiatement prévenues et un enregistrement sonore déclenché. Les policiers ou les gendarmes peuvent immédiatement juger de l’importance de l’intervention et s’adapter. L’enregistrement servira également de preuve en cas de procédure judiciaire.
Cet accessoire est couplé à une application de géolocalisation dans laquelle l'élu peut définir des tiers de confiance qui seront alertés en parallèle aux forces de l'ordre. Cela peut être une secrétaire de mairie par exemple, un collaborateur... L'ensemble de ce pack sécurité est financé directement par le Ministère de l'Intérieur et attribué gratuitement aux élus les plus menacés.
Sacha Houlié n’a pas encore eu besoin de l’utiliser mais il est l’un des premiers à en disposer dans le département. « Pour les élus qui font l’objet de menaces au point qu’il faille un accompagnement, nous distribuons désormais ce bracelet », explique Jean-Marie Girier, le préfet de la Vienne. Le département en a reçu cinq en 2024. Trois sont déjà attribués.
Je n'aurais pas fait la demande, mais dans les statistiques, j'arrive "en tête"
Sacha HouliéDéputé (non inscrit) de la Vienne
Pour Sacha Houlié, les menaces ont émaillé ses mandats de député : en cinq ans, 18 dégradations commises à sa permanence (et une fois à son domicile). Depuis, un auteur a été identifié, arrêté et condamné. Mais le bouton d’alarme l’accompagne désormais. « J’ai choisi de ne pas le porter au quotidien », confie le parlementaire. « Mais je le garde avec moi lorsque je suis à mon domicile car c’est l’endroit où on a le plus de risque d’avoir des problèmes d’intrusion, de dégradation et d’injure ».
Et le reste du temps, le bracelet est à la permanence, aussi particulièrement visée. Ce qui rassure ses équipes. «C’est discret, pas visible». Ryan Lequien, l'assistant parlementaire, est satisfait de ce dispositif. Il complète les passages fréquents des forces de l’ordre qui surveillent discrètement la permanence du député depuis la première agression. « Ce fut difficile sur le coup, mais il nous en faut plus pour nous intimider », ajoute-t-il. « C’est quelque chose qui renforce au contraire notre engagement. »
Menacé avec un couteau et un fusil
À Saint-Secondin, petit village au sud de Poitiers, au contraire, le découragement s'est installé. Jean-Louis Bourriaux en est à son premier mandat de maire mais doute de se représenter. « Nous subissons beaucoup de menaces verbales et le Covid n’a pas arrangé les choses. Les gens maintenant, on leur doit tout et tout de suite » Et la dernière fois, ce n’était pas plus tard que la semaine dernière. « Les gens ne font pas toujours des choses bien dans la loi, notamment au niveau urbanisme et quand on leur dit qu’ils auront des contrôles, le ton monte et pour le faire redescendre, c’est compliqué ».
Et puis, Jean-Louis Bourriaux a déjà été menacé avec un couteau, puis un fusil. Ça marque un homme. « Heureusement, il y a aussi de belles personnes mais il n’y a pas beaucoup de gens qui sont contents de ce qu’on fait à la mairie. Parfois le matin, j’y vais à reculons. Ça m’agace, même si le travail de maire me plaît quand même ».
Des agressions en très forte hausse
Les agressions contre les élus ont particulièrement augmenté en France et dans la Vienne. « En l’espace de deux ans, nous avons une augmentation de plus de 60 % des violences, des outrages et des menaces contre des élus », déplore Jean-Marie Girier, le préfet de la Vienne. « Il y a eu une trentaine de procédures en 2023 et pour 2024, nous sommes sur le même rythme ».
Ça veut dire que les élus signalent mieux, ça veut dire que ces tensions sont aussi très fortes, tout particulièrement sur les réseaux sociaux. Il y a une forme de parole libérée, anonymisée.
Jean-Marie GirierPréfet de la Vienne
Et dans cette trentaine d’agressions, 40 % ont concerné des maires, 60 % des parlementaires : « C’est dû aux débats de société comme la crise agricole ou la crise des retraites qui ont fait du parlementaire une cible », explique encore le préfet de la Vienne. Dans cette proportion et cette hausse, se cachent notamment les multiples dégradations contre la permanence de Sacha Houlié.
Savoir gérer les conflits
Depuis sa petite mairie, Jean-Louis Bourriaux est content lui aussi qu’un tel bracelet d’alerte soit disponible dans la Vienne. « Ça fait un gain de temps d’au moins 5-6 minutes pour l’intervention des gendarmes, c’est énorme !!! Surtout si vous avez quelqu’un devant vous qui est dangereux. »
Jean-Louis Bourriaux, lui, va bénéficier d’un autre dispositif des forces de l’ordre : une formation avec la gendarmerie sur la gestion des conflits. « Il faut savoir parler aux gens quand ils sont énervés pour que la tension descende et qu’ils se calment. » Et peut-être que l'édile retrouvera le goût de rempiler pour un second mandat.