Installation agricole : à 21 ans, Théophile Baudoin rejoint la ferme familiale, pour perpétuer les valeurs de son père et imprimer ses idées pour l’élevage

À Lathus-Saint-Rémy, dans la Vienne, la ferme des Baudoin s’agrandit. En septembre prochain, le fils cadet, rejoindra son père et son frère dans cette exploitation bovine où naissent jusqu’à 200 petits veaux chaque année.

Dans certaines exploitations agricoles, la transmission n’est pas un problème. À la ferme du Bouchage, près de Montmorillon, Pascal Baudoin peut être serein face à l’avenir : son fils Victor travaille déjà avec lui depuis deux ans, et en septembre, son cadet Théophile apportera une paire de bras en plus, et beaucoup d’idées fraîches. Alors que la profession semble traversée par une crise des vocations, surtout dans l’élevage, le jeune homme de 21 ans n’a pas hésité à choisir cette vie au grand air, au contact des animaux, et auprès de ses proches.

Un parcours tout tracé ?

Pour Théophile, le choix d’orientation n’a pas été très compliqué. Habitué au travail de la ferme et baigné dans son ambiance depuis son enfance, il a toujours été passionné par les animaux. Il a bien sûr eu le choix de mettre ses pas, ou non, dans ceux de son père, mais la question ne s’est pas posée très longtemps : "Ça paraissait une évidence, ce qui m’attire, c'est le contact aux animaux, ça rythme nos journées, et le fait de produire l’alimentation, c'est vachement noble quand même, on a tous besoin d’une alimentation, de faire ça de façon saine," confie-t-il. "Et puis il y a une idéologie derrière, une petite volonté politique aussi, de produire autrement, de ne pas garder des systèmes standards, d’essayer de réfléchir un peu."

Je suis passionné par d’autres choses, j’aime le sport, j’aime la mécanique, j’aime d’autres choses, mais pour moi ça s’imbrique dedans aussi. Ce qui est bien, c'est qu’on est vraiment polyvalents, on fait une multitude de tâches dans la journée, et puis on gère notre temps qu’on veut.

Théophile Baudoin

Agriculteur

Son bac technologique en poche, dans le domaine de la production animale, Théophile a ensuite effectué un BTS en gestion d’une exploitation agricole, puis il s’est tourné vers une licence à Angers, autour de la valorisation, l’innovation et la transformation des produits. Résolument curieux, il a complété son cursus avec un certificat de spécialisation autour de l’élevage ovin, à Bellac en Haute-Vienne. Cette succession de formations lui a permis d’acquérir des savoirs tant théoriques que pratiques, et de découvrir différents métiers au contact de ceux qui les pratiquent.

Au sein du GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) familial, il compte développer deux nouveaux ateliers, en élevant des brebis et des poules pondeuses. C'est un peu sa façon à lui de s'émanciper, tout en s'intégrant dans la ferme de ses proches : "J’ai la passion pour beaucoup d’élevages, c’était plutôt les petits animaux, depuis tout petit, parce que mon frère était plus sur la partie des bovins à aider mon père, et moi je ne trouvais pas forcément ma place, je faisais un petit peu d’élevage à côté, un petit peu de volaille, un petit peu de lapin, et puis j’ai toujours été un peu passionné par le mouton."

Pour créer son propre modèle dans le cadre familial, il a étudié le marché, l'offre et la demande sur son territoire, et ambitionne d'avoir 350 brebis et 150 poules dès septembre prochain.

La famille : un soutien pour s’épanouir

Théophile n’était toutefois pas obligé de rejoindre l’exploitation familiale, fondée en 1996. Il y a deux ans, son grand frère Victor s’est associé à son père, pour rejoindre son élevage de vaches allaitantes. Accompagnés d’un salarié, ils pratiquent une agriculture raisonnée et favorisent la vente directe et les circuits courts. C’est ce cadre qui attire aujourd’hui le jeune homme : La volonté qu’ont mise aussi nos parents à construire tout ce qu’ils ont construit, ils ne nous ont jamais demandé, ils ne nous ont jamais forcés, mais quelque part, c’était aussi pour nous derrière, c’était logique", admet-il. "De voir ce qui se faisait déjà aujourd’hui sur la ferme, ça donnait envie, et puis le plaisir de travailler aussi en famille, on est famille qui est assez unie, travailler ensemble, c’est continuer ça."

C’est vraiment un projet familial qui vient d’eux. Ce n'était pas du tout calculé, ils étaient complètement libres même s’ils ont fait des études agricoles avant d’avoir ce projet d’installation, mais oui c’est vraiment une satisfaction, surtout qu’ils ont des idées qui vont dans le sens qu’on a pu bâtir jusqu’à maintenant.

Pascal Baudoin

Agriculteur, père de Théophile

Pour Victor, l’arrivée officielle de son frère dans l’exploitation est aussi une bonne nouvelle, qui s’inscrit dans la continuité de leur histoire commune, bercée dès le plus jeune âge par les beuglements des vaches et le rythme de la vie à la ferme. C’est aussi un moyen d’apporter toujours plus de sang neuf et d’idées au fonctionnement de la ferme : "Même si on baigne dans le même milieu, chacun a ses idées, ses opinions et ses avis, mais c’est intéressant de pouvoir en débattre et de construire quelque chose avec l’avis de tout le monde, que tout le monde s’y retrouve, c’est important et puis de faire avancer tout ça dans le droit chemin."

Si le plaisir de travailler avec son père et son frère est capital, la question financière a également fait pencher la balance du côté de la ferme familiale. Dans le contexte économique actuel, les investissements nécessaires pour une reprise d’activité agricole sont l’un des principaux freins à l’installation. En rejoignant le GAEC, Théophile a seulement besoin d’acheter ses parts de la société. C’est l’entreprise familiale qui financera la création de ses deux ateliers. Pour Pascal Baudoin, c’est un soulagement : "Ils ne sont pas lachés seuls dans une jungle entre guillemets, qui aujourd’hui est très compliqué de par les investissements et les engagements où les banques demandent des garanties assez élevées pour des systèmes lourds d’investissements avec peu de rentabilité et beaucoup de temps de travail."

Il bénéficiera également du matériel et des bâtiments agricoles, et le système de vente directe développé par son père sera un vrai atout pour commercialiser rapidement ses produits. "Notre force, c'est qu’on pourra mutualiser certaines charges," se réjouit Théophile. "Si je m’étais lancé tout seul à faire trois agneaux par semaine ce ne serait pas forcément rentable alors que là si on y va, on fait des livraisons pour du bœuf et quelques agneaux, on mutualise un peu."  

La société qui a déjà été créée par mon père et mon frère, c’est quand même une force, parce que je ne pourrais pas m’installer dans ces conditions-là sans la ferme qui me sert de support aujourd’hui.

Théophile Baudoin

Agriculteur

Une agriculture tournée vers l’avenir

Eduqué au sein d’une exploitation raisonnée, labellisée HVE (Haute Valeur Environnementale), Théophile a développé une vision de l’agriculture en phase avec les préoccupations environnementales contemporaines, loin des pratiques intensives et productivistes : "J’ai du mal à me retrouver dans l’image aujourd’hui de tout le monde et oui, je vais essayer de tracer mon chemin à côté, en faisant différemment, en faisant de l’agriculture un peu plus durable un peu plus raisonnée, un peu plus logique".

En développant ses deux nouveaux ateliers de brebis et de poules pondeuses, il s’est également intéressé à la complémentarité qu’ils peuvent avoir avec l’activité déjà existante dans la ferme : "Quand on a 200 vaches, on peut avoir 200 brebis gratuitement, tout ce que ne va pas consommer la vache, la brebis va le valoriser". Il s’est familiarisé avec cette méthode auprès de Philippe Alamome : "Philippe dit toujours qu’une brebis héberge une vache." 

S’installer en 2023, après un été caniculaire et une sécheresse hivernale, est évidemment une source de grande inquiétude pour le jeune éleveur : "Avec la météo, c’est compliqué de se projeter vraiment comme a pu le faire notre père, ils n'avaient pas les soucis qu’on a aujourd’hui, quand on voit le climat qui se dérègle à cette allure, les chaleurs qu’on a l’été, les bêtes qui ne sont pas forcément heureuses, c’est inquiétant, quand on voit qu’il faut qu’on alimente dans les prés avec du foin qu’on a fait dès l’été, ça pose question quand même." Théophile mise sur l’autonomie et l’adaptation pour faire face à ces changements qui se font de plus en plus brutaux, dans la pratique agricole notamment. "Il faut réfléchir à comment on peut s’adapter, est-ce qu’il y a des productions qu’on ne peut pas faire autrement, qu’on peut avancer ?" s'interroge-t-il. "Le climat change, les hivers sont plus doux, est-ce qu’il n’y a pas des choses à tirer ? Il faut se remettre en question, discuter, réfléchir, et je pense que c’est vraiment un truc à intégrer, mais on n’est pas éduqués à le faire, en lycée agricole."

J’ai du mal à me retrouver dans l’image que tout le monde a de l’agriculture aujourd’hui et oui je vais essayer de tracer mon chemin à côté, en faisant différemment, en faisant de l’agriculture un peu plus durable un peu plus raisonnée, un peu plus logique.

Théophile Baudoin

Agriculteur

En interrogeant son métier et ses pratiques, Théophile aimerait faire évoluer l'agriculture vers plus de résilience, et de préoccupations environnementales, un "retour au bon sens paysan" comme il aime le dire. Avec humilité, il espère que son projet fonctionnera afin de susciter l'intérêt et l'émulation d'autres jeunes agriculteurs, en quête comme lui, de solutions durables.

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