Entre le XIe et le XIIIe siècle, neuf croisades sont parties à destination de Terre sainte. De multiples traces écrites encore visibles témoignent de ces pèlerinages en armes : des fresques, des inscriptions sur les bâtiments religieux, les objets liturgiques, mais aussi des graffitis de pèlerins sur des colonnes ou des façades d'églises. Ces inscriptions font l'objet de recherches à l'université de Poitiers.
Le dédale des rues de la vieille ville de Jérusalem mène parfois à un trésor. Aux cours des deux années qui se sont écoulées, Estelle Ingrand-Varenne, épigraphiste et chercheuse du Centre d'études supérieures de recherche médiévale (CESCM) de l'université de Poitiers, s'est attachée à relever et étudier les inscriptions encore visibles datant du Royaume latin de Jérusalem, un "État né de la première Croisade" en 1099.
Ces inscriptions sont des écrits peints sur des fresques ou gravés sur des murs d'église, sur des objets liturgiques ou du quotidien. Il y a même tous les graffitis gravés par les pèlerins au fil des siècles, il y a parfois 1.000 ans et qui sont toujours visibles, ou qui resurgissent à la faveur de travaux de restauration.
L'ensemble des ces inscriptions constitue un paysage graphique unique encore peu étudié et que les chercheurs du CESCM de Poitiers veulent comprendre dans son ensemble.
Nous avons suivi Estelle Ingrand-Varenne début mai à Jérusalem et à Bethléem. Elle était alors accompagnée de Clément Dussart, doctorant en épigraphie médiévale au CESCM de Poitiers. Son objet d'études : les graffitis des pèlerins !
Leurs recherches les conduisent de la basilique du St Sépulcre, site qui rassemble les lieux de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, à la Custodie de Terre sainte où sont abrités des objets liturgiques uniques, le trésor de Bethléem, à la basilique de la Nativité à Bethléem, mais aussi au baptistère Saint-Jean de Poitiers.
Une fresque du Saint-Sépulcre, répertoriée au 17e siècle par un moine franciscain, mais aujourd'hui disparue, est ainsi toujours visible au baptistère Saint-Jean, un site datant du 4e siècle où furent baptisés les premiers Chrétiens en Europe. Elle raconte l'Ascension du Christ.
Ces inscriptions sont un des moyens de communication essentiels avec les générations à venir.
Robert Favreau, fondateur de l'épigraphie médiévale et ancien directeur du CESCM de Poitiers
L’Ascension est un thème très exploité et souvent mis en images au Moyen Âge. Elle est aujourd'hui toujours visible sur le mur Est du baptistère : « Hommes de Galilée, qui cherchez-vous ? Il est monté au ciel… ». Sa présence à Poitiers et auparavant à Jérusalem témoigne, à l’époque, de l’existence d’un même monde chrétien dans tout le bassin méditerranéen.
« Ce sont des textes mis pour être vus et lus, sans limitation de temps, explique Robert Favreau, fondateur en 1969 de l'épigraphie médiévale au CESCM de Poitiers. C’est un des moyens de communication essentiels pour les générations à venir. Ces textes nous disent des choses sur la vie sociale, religieuse. »
Notre reportage à Jérusalem, Bethléem et Poitiers est diffusé le mercredi 28 septembre à partir de 23h15 dans le magazine Enquêtes de région sur France 3 Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine.
Nous vous proposons également de le découvrir, décliné en une série de cinq épisodes dans nos journaux régionaux, du 12 au 16 septembre 2022.
Premier épisode, diffusé lundi 12 septembre 2022
Deuxième épisode, diffusé mardi 13 septembre 2022
Troisième épisode, diffusé mercredi 14 septembre 2022
Quatrième épisode, diffusé jeudi 15 septembre 2022
Cinquième épisode, diffusé vendredi 16 septembre 2022
L'épigraphie médiévale
Estelle Ingrand-Varenne est épigraphiste au CESCM, un laboratoire de recherche du CNRS, lié à l'université de Poitiers. Elle étudie les traces écrites, "des inscriptions (parmi lesquelles les épigraphes), généralement anciennes, gravées ou parfois peintes sur des supports durables".
Cette discipline, appliquée à l'époque médiévale, a été créée à Poitiers par Robert Favreau en 1969. À 91 ans, cet éminent chercheur poursuit sa recherche. Il est à l'origine de la publication du Corpus des inscriptions de la France médiévale, un document qui fait référence dans la recherche universitaire sur la culture écrite au Moyen Âge.