"Ça fait vingt ans que je suis à mon compte et on n'y arrive pas" : l'année 2024 s'annonce catastrophique pour les agriculteurs

Les récoltes sont réduites parfois de moitié et la qualité s'est dégradée, certains agriculteurs accusent le coup. L'année 2024 s'annonce terrible pour les agriculteurs de la Vienne. En cause, les fortes précipitations de ces derniers mois et le manque de soleil, depuis l'automne jusqu'au printemps dernier.

Le monde agricole souffre. Les exploitants ne comptent plus leurs heures depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour tenter de finir une récolte, qui, à peine terminée, s'annonce déjà comme l'une des pires depuis plusieurs décennies. Partout en France, en raison des multiples épisodes de précipitations et de manque de soleil, les récoltes se sont amenuisées.

"Si l'on prend l'ensemble de toutes les récoltes, on est sur une perte d'environ 50 000 euros"

Que ce soit dans la région Poitou-Charentes ou dans les départements alentours, le constat est le même. Il n'y a pas assez de réserves, que ce soit pour vendre ses récoltes ou pour faire des bottes de paille. Résultat, les agriculteurs devront mettre la main au portefeuille pour nourrir leur bétail. Cela vaut pour le blé, l'orge, mais également le sarrasin. "Cette année, elle a été concurrencée par le mauvais temps. Une grosse partie des graines sont de couleur marron foncé, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas de farine dedans", constate Joachim Lafond, agriculteur en bio à Mignaloux-Beauvoir, dans la Vienne.

D'habitude, on fait une tonne par hectare. Cette année, on espère faire à peu près 400 kg par hectare.

Joachim Lafond

Agriculteur en bio à Mignaloux-Beauvoir

En cause, l'excès d'eau : "la plante a été asphyxiée et elle n'a pas pu nourrir ses graines. L'arrivée des mauvaises herbes, avec les fortes pluies, fait que la plante n'avait pas assez de nourriture pour alimenter tout le monde. Maintenant, il n'y a que de la coque", ajoute-t-il. Sa récolte sera donc divisée par deux, au minimum. "D'habitude, on fait une tonne par hectare. Cette année, on espère faire à peu près 400 kg par hectare."

Pas plus que l’avoine blanche semée sur cette autre parcelle, qui sera finalement broyée. De quoi alourdir un peu plus le bilan de cette année 2024. "Si l'on prend l'ensemble de toutes les récoltes, on est sur une perte d'environ 50 000 euros sur toute l'exploitation." De plus, les fortes chaleurs qui sont arrivées plus tard durant la saison estivale. "Pour cette année s'ajoute une difficulté : on a de la chaleur l'après-midi, mais certains matins sont trop doux... Ce matin, il faisait 11 degrés. Et ça, c'est très mauvais pour la plante."

Le chiffre d'affaires, "c'est simple, il faut le diviser par deux"

Les mois passent et certains agriculteurs ne peuvent que constater les dégâts. Sachant que les semis d’hiver avaient été compromis par les pluies. Patrick Doyen, céréalier implanté à Valdivienne, n'aura pas de blé pour cette année. S'il avait semé par deux fois de l'orge au printemps dernier, ses récoltes ont fini par être noyées par les intempéries. "La première fois, certains endroits avaient pris 150 mm d'eau. La deuxième fois, les récoltes avaient pris 100 mm d'eau. J'ai laissé la parcelle comme cela, parce que ça ne vaut pas le coup de ramasser."

Pour la première fois, cette parcelle ne donnera aucune récolte. "Cela fait vingt ans que je suis à mon compte, on essaye de travailler tout le temps et on n'y arrive pas", ajoute l'exploitant aux bords des larmes. 

Cet été, l’agriculteur s’est donc replié sur le tournesol. Si cette récolte peut représenter un lot de consolation, cela ne suffira pas à compenser les pertes et rembourser les prêts. Au niveau du chiffre d'affaires, "c'est simple, on peut le diviser par deux, estime Patrick Doyen. "Les rendements ont aussi été divisés par deux. Comment on va pouvoir payer ? On ne sait pas."

À ce stade, on peut estimer que plus de la moitié des agriculteurs sont touchés par de très mauvaises récoltes.

Patrick Doyen

Agriculteur céréalier implanté à Valdivienne

Le constat est accablant dans la Vienne, notamment dans le sud du département, selon la chambre d'agriculture de la Vienne. "À ce stade, on peut estimer que plus de la moitié des agriculteurs sont touchés par de très mauvaises récoltes. Le reste ayant néanmoins des récoltes inférieures aux moyennes des dernières années. Globalement, c'est la moitié sud du département qui est la plus impactée, quelques secteurs à forte pluviométrie ont été recensés tout de même dans le Nord."

La préfecture du département réagit

Face à cela, la préfecture de la Vienne a annoncé dans un communiqué, plusieurs mesures dont une mesure fiscale : "la direction départementale des finances publiques (DDFIP) propose un point d’entrée unique pour accompagner les exploitants impactés souhaitant signaler des pertes individuelles importantes. Les agriculteurs vont recevoir leur avis d’imposition concernant la taxe foncière à la fin du mois d’août pour paiement d'ici au 15 octobre. Au vu de la situation, aucune majoration pour retard de paiement ne sera appliquée aux exploitants qui se seront signalés avant le 15 octobre."

Parmi ces mesures se trouvent également des réponses par rapport aux cotisations sociales des exploitants. Ceux ayant connu de lourdes pertes peuvent formuler en ligne, "sur le site de la Mutualité sociale agricole, leur demande d’étalement des sommes dues par la mise en place d’un échéancier allant jusqu’à 24 mois, voire 36 mois. De plus, la MSA va aussi mettre en place, dès mi-septembre, un dispositif de prise en charge des cotisations, grâce à une première enveloppe de l’ordre de 400 000 euros pour le département."

Si le problème des récoltes touche la majorité des exploitants agricoles, cette enveloppe pourrait s'avérer insuffisante face aux pertes.

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