Le centre opérationnel de la gendarmerie de la Vienne est le lieu où arrivent les appels quand on compose le 17 dans le département, hors agglomération. C'est ici que l'on décide des patrouilles à engager en fonction des affaires.
La pièce n'est pas très grande et, en son centre, sont installés trois bureaux en vis-à-vis. Sur l'un des murs, un énorme écran de contrôle permet d'afficher des cartes, des plans, ou encore le lieu où se trouvent les brigades d'intervention, en temps réel. Ces locaux simples abritent pourtant un service essentiel : le centre opérationnel de la gendarmerie de la Vienne, le COG. C'est ici qu'arrivent les appels du 17 en zone gendarmerie (tout le département hormis les agglomérations) et ici que sont décidés et envoyés les moyens nécessaires pour régler les situations.
Ce jour-là, je passe une partie de la journée avec les gendarmes. Le téléphone sonne peu. Quarante-sept appels seulement entre minuit et 13h. "C'est rare que ce soit aussi calme", plaisante un gendarme.
Altercation entre adolescents
Je quitte le centre pour revenir en fin d'après-midi où l'activité reprend en général. Et effectivement. À peine entrée, je sens davantage une ambiance de travail. Les trois postes sont occupés par une nouvelle équipe : deux sous-officiers en fonction et un réserviste. Tous acceptent de mettre le haut-parleur pour me permettre de suivre les échanges.
Au bout du fil, j'entends des profils très différents. Certains appels ne sont pas vraiment des urgences : problème de travaux sur la voirie, signalement d'un enfant qui aurait été suivi par un adulte. D'autres, en revanche, déclenchent l'envoi de patrouilles dédiées : les brigades de gestion des événements (BGE). Elles sont réparties sur le territoire de la Vienne pour intervenir sur les urgences. Ce soir-là, elles sont engagées, entre autres, pour une altercation entre adolescents, une porte de château retrouvée ouverte ou encore, un vol à l'étalage dans un supermarché.
Soudain, en l'espace de quelques minutes, une série d'appels tombe en provenance de Loudun. À tour de rôle, des habitants d'un immeuble s'inquiètent du comportement d'un homme qui hurle et tambourine aux portes.
Vu de l'extérieur, la situation semble inquiétante et, pourtant, le lieu et l'individu sont connus. "Nous avons des clients réguliers, des habitués, toujours pour les même problèmes", m'explique un gendarme.
Ainsi, la nuit, le COG ressemble parfois à un centre d'appel social que des personnes âgées parfois désorientées appellent, juste pour entendre quelqu'un.
Quatorze gendarmes, uniquement des sous-officiers, ont choisi de travailler dans ce centre. "On n'est pas "affecté" au COG, on choisit ce poste après une formation puis une certification au bout d'un an de travail en situation ", explique le Major Nathalie, chef du COG de la Vienne.
"À partir d'un simple appel, il faut comprendre, voire ressentir, la situation."
Ces sous-officiers ont de nombreuses années d'expérience de terrain. Des connaissances incontournables pour savoir comment adapter les moyens. "Quand on nous appelle, on doit bien analyser la situation par téléphone pour savoir quelle patrouille envoyer, combien de personnes, s'il faut rajouter un hélicoptère, des plongeurs, une équipe cynophile etc...", explique l'adjudant Frédéric, au COG depuis six ans.
Après 20 ans en brigade territoriale, l'adjudant Frédéric a eu besoin de s'éloigner du contact avec le public. L'adrénaline du terrain, il la retrouve dans les journées les plus chargées où il faut travailler dans l'urgence. "À partir d'un simple appel, il faut comprendre, voire ressentir, la situation." Les appels de personnes alcoolisées, les différends familiaux sont courants. Évaluer le risque réel se révèle très difficile.
Les gendarmes du COG sont toujours en binôme au moins, trois au maximum. Ce qui permet de prendre des décisions collectives.
Si on prend une mauvaise décision, on est sur un siège éjectable.
Un gendarme du COG
Au fil des années, la pression s'est accentuée sur ce centre des urgences de la gendarmerie de la Vienne. À la pression hiérarchique normale, se rajoute celle des citoyens, des médias et des élus.
Le chef Didier est réserviste de la gendarmerie. Il a exercé au COG de 2003 à 2014 et il fait encore une cinquantaine de jours par an pour dépanner le service en cas de manque d'effectifs. En onze années d'activité à plein temps au centre, il a eu le temps de voir aussi le comportement des gens changer, au téléphone. "
On nous parle mal, il y a beaucoup d'exigence, d'attente. Des insultes aussi parfois.
Chef Didier
Les BGE, brigades de gestion des événements, un nouveau système
Depuis 10 ans, le centre opérationnel est dirigé par une femme, le major Nathalie. Un poste fixe après des années à changer et muter pour des raisons professionnelles et pour suivre son époux, gendarme lui aussi.
Les deux dernières années, elle a beaucoup œuvré à la mise en place des BGE. Cela demande une planification complexe pour dédier tous les jours, H 24, une équipe de chaque brigade pilotée et envoyée par le COG sur les situations d'urgence. "Le système commence juste, il reste des points d'amélioration et de concertation pour que ce procédé fonctionne et soit bien accepté par tout le monde."
Ce jour-là, entre 13h et 19h, 14 "engagements" (comprenez, envois des patrouilles), auront été décidés depuis le COG. Une après-midi bien remplie, jusqu'au retour de l'équipe du matin, reposée et prête à enchaîner la nuit.
Le Général Sylvain Duret, commandant du groupement de gendarmerie de la Vienne était l'invité de Marie-Ange Cristofari 19/20 le 5 janvier 2022.