Si l’épidémie de covid-19 nous oblige à nous enfermer chez nous, pour 22 détenus du centre pénitentiaire de Vivonne (86), le virus aura accéléré leur libération.
Libérer des prisonniers en fin de peine ou malades afin de désengorger les prisons en cas de propagation du coronavirus, c’était le souhait de la garde des sceaux Nicole Belloubet.
Dans le cadre de la loi sur l'état d'urgence sanitaire, une ordonnance d’octroi de réductions de peine exceptionnelles profite donc à une vingtaine de détenus du centre pénitentiaire de Vivonne. Il n’y a aucune femme parmi les libérés.
25 demandes de libération anticipées ont été rejetées
Rappelons que sont ciblés dans cette ordonnance les reliquats de peine de moins de deux mois et que sont exclus du dispositif les détenus incarcérés pour des faits de terrorisme, de violences conjugales ou visés par des procédures criminelles (source : France Bleu).Le nombre de libérations forcément est intéressant pour ceux qui en ont bénéficié. La vraie question c'est quel type de public a été libéré ? Moi, ce qui m'intéresse, c'est si on va permettre à des détenus d'avoir une vraie libération anticipée ou si on se contente d'effet d'annonce politico-politicienne en faisant sortir quelques jours avant des détenus qui devaient être libérés dans 10 ou 15 jours. Est-ce qu'on ne dupe pas les gens ?
- Me Lee Takhedmit, avocat pénaliste.
"Ce qui aurait pu être intéressant, c'est de libérer massivement un certain nombre de détenus dont on identifiait qu'ils leur restaient peu de temps à accomplir. Evidemment, ça pose la question de l'utilité des peines courtes. J'aurais imaginé qu'on aurait pu annuler ces peines qui n'ont aucun effet en termes de resocialisation ou de prévention de la récidive. Là, on aurait vraiment fait du ménage dans la population carcérale”, rajoute Me Takhedmit.
Écoutez aussi l'interview de Me Lee Takhedmit, en vidéo :
Malgré ces libérations anticipées, au centre pénitentiaire de Vivonne, 720 personnes sont à ce jour écrouées. Ce qui donne un taux d’occupation de 166% à la maison d’arrêt pour femmes et 130% chez les hommes.Trois questions à Me Aurélien Bourdier, avocat pénaliste à Poitiers
1 - Que pensez-vous de cette ordonnance de libération anticipée exceptionnelle ?Il y a plusieurs choses dans ces ordonnances. On ne retient que la libération anticipée de détenus qui seraient de toutes manières sortis dans quelques jours ou semaines. Mais en réalité, ces ordonnances prévoient surtout une restriction des droits de la défense et un allongement de la détention provisoire.
Et pendant ce temps, des détenus qui auraient pu sortir sur la base d’un projet sérieux ont vu leurs audiences annulées et restent dans l’attente d’une décision.
2 - Comprenez-vous que ces libérations anticipées exceptionnelles puissent choquer les gens ?
Je comprends que cela puisse choquer si on n’explique pas que ces détenus allaient sortir dans les prochains jours et qu’on ne laisse pas sortir n’importe qui n’importe comment sans aucun cadre.
3 - Les détenus sont-ils délaissés par rapport au coronavirus ?
Il y a une problématique sanitaire majeure en prison compte tenu de la surpopulation et du manque de moyens (masques, gants, solution hydroalcoolique...). Les préconisations sanitaires sont en l'état impossibles à mettre en œuvre pour les détenus avec les conséquences qu’on peut imaginer.
Face au risque d’une propagation massive du #COVID19 en #prison, l’OIP, @AssociationA3D, @SMagistrature et @syndicatavocats saisissent le @Conseil_Etat. Saura-t-il, plus que la @NBelloubet, prendre la mesure de l’urgence ? #DécroissanceCarcéralehttps://t.co/58QOSjFNFJ
— OIP (@OIP_sectionfr) April 1, 2020
Reportage de Marie-Ange Cristofari, Freddy Vetaullt et Philippe Ritaine :