La polémique qui court depuis près d'un an dans la petite commune de Ciry-le-Noble, en Saône-et-Loire, pourrait enfin trouver un terme. La création d'une ferme d'insertion, qui devait accueillir une dizaine de détenus en fin de peine, va très certainement être annulée par décision préfectorale selon le maire de la commune, qui a annoncé la nouvelle ce 15 novembre 2024.
"On est heureux et soulagés". D'une voix guillerette, Jérémy Cerda décroche le combiné du téléphone. Cet habitant de Ciry-le-Noble, en Saône-et-Loire, souffle un bon coup. Après presque 10 mois de mobilisation, il peut enfin lâcher du lest : la création d'une ferme de réinsertion pour détenus, à laquelle il s'opposait farouchement depuis le début du projet, n'aura certainement pas lieu.
Une décision inopinée
Jérémy, tout comme les 300 habitants du quartier de la Rozelay constitués en collectif, a appris la nouvelle ce vendredi soir lors d'une réunion publique. Un rassemblement organisé par le conseil municipal pour faire le point, après un entretien une semaine plus tôt avec - entre autres - la préfecture de Saône-et-Loire et l'association "Les fruits de la terre 71" porteuse du projet de réinsertion.
"Ce qu'on retient, c'est que la préfecture a pointé du doigt plusieurs problèmes dans la gestion de ce projet. Notamment un passage en force et un manque de communication", soulève Jérémy Cerda. "C'est ce que Monsieur le maire a pu nous transmettre." Joint par téléphone, l'édile de Ciry-le-Noble, Alain Robert, affirme que le Préfet de Saône-et-Loire a décidé d'abandonner le projet.
Face à la nouvelle, le collectif s'est empressé de se réjouir, après avoir vu ses espoirs s'amoindrir de semaine en semaine.
Jérémy relate : "Depuis l'acte de vente signé en mars dernier, le projet n'était plus un 'projet', donc notre mouvement se faisait de plus en plus pessimiste." Les annonces publiées, cherchant du personnel pour la ferme de réinsertion, avaient achevé de démoraliser le collectif. "Cette décision on ne s'y attendait pas du tout."
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Peur et insécurité au cœur des débats
Aux origines de la discorde : cette ferme, située dans la Rozelay, un quartier tranquille au nord de la commune où vivent 350 des 2100 âmes recensées à Ciry-le-Noble. Le lieu a été racheté par l'association Les fruits de la terre 71, qui collabore avec la communauté Emmaüs pour accueillir entre 12 et 15 détenus en fin de peine, afin de préparer leur réinsertion. Le principe est simple : les détenus participent au développement d'un projet agroécologique, en échange d'un toit et d'un accompagnement vers l'insertion. Une méthode d'ores et déjà testée dans cinq fermes, qui a fait ses preuves. Mais qui n'a pas convaincu les habitants de la Rozelay.
"Le projet est louable et important. Mais sa localisation, à proximité des maisons et sans grilles sur le terrain où vivront les prisonniers, ça nous a vraiment inquiétés. On a réellement eu peur", note Jérémy Cerda en soulignant que l'angoisse des membres du collectif était également liée aux peines des détenus, parfois incarcérés pour plus de dix ans. "Ils ont donc forcément commis plus que des petits délits. Et comme on ne peut pas savoir ce pour quoi ils ont été emprisonnés, on imagine le pire, c'est très insécurisant."
Le président de l'association Les fruits de la terre 71, Patrice Sarrazin, n'a pas souhaité commenter les derniers évènements, dans l'attente d'une réponse de la préfecture. En avril dernier, lors d'un vote contre l'implantation de la ferme en conseil municipal, celui-ci avait toutefois expliqué que le projet était "très encadré" et que les détenus seraient soumis à une sélection "très stricte".
Une forte mobilisation
Surtout, la localisation du site, à proximité d'une école, et un "cold case" non élucidé à Perrecy-les-Forges, commune juxtaposée à Ciry-le-Noble, ont beaucoup fait réagir parmi la population et au sein de l'association Christelle, qui rassemble les proches des jeunes femmes assassinées en Saône-et-Loire dans les années 80-90.
Jérémy Cerda aime à croire que la mobilisation du collectif de riverains aura pesé dans la balance. Les 300 habitants qui se sont rassemblés depuis avril avaient organisé une mobilisation le 9 avril 2024 pour exiger plus de transparence sur les avancées administratives de ce projet polémique. Une pétition avait également été lancée en ligne, ayant récolté 1200 signatures à ce jour, ainsi que plus de 300 signatures "papier".
L'annulation reste à ratifier
Jointe par nos soins ce 16 novembre 2024, la préfecture n'a pas donné suite pour l'instant à nos sollicitations. Selon Patrice Sarrazin et Jérémy Cerda, depuis la réunion qui avait rassemblé les différents acteurs interférant auprès de la ferme, aucune décision n'a été officiellement arrêtée.
"Je ne m'emballe pas tant que Monsieur le préfet ne m'a pas adressé de courrier, mais lors de la réunion du 5 novembre, il m'avait attesté que l'annulation allait aboutir. Donc je suis plutôt serein", livre Alain Robert ce samedi après-midi.
En attendant que la préfecture publie officiellement l'annulation du projet, les Cyrisiens opposés à la ferme de réinsertion restent donc sur leurs gardes : "On a hâte de voir la mise en vente de la ferme maintenant, et de retrouver des animaux dans les prés en face de chez nous."