Une ferme de réinsertion pour détenus en Saône-et-Loire ? Rejeté une première fois, le projet fait encore débat

Un collectif d'habitants s'oppose à la création d'une ferme de réinsertion de détenus à Ciry-le-Noble, en Saône-et-Loire. Une pétition en ligne a déjà récolté plus de 1000 signatures et près de 300 personnes ont manifesté devant la mairie.

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À Ciry-Le-Noble, l'installation d'une ferme de réinsertion pour détenus fait débat. Une exploitation agricole, située à moins de 500 mètres d'une école, a été choisie pour le projet mené par l'association "Les fruits de la terre".

Le conseil municipal rejette le projet, l'ombre des "disparues de Saône-et-Loire" plane

À la quasi-unanimité, les élus de Ciry-le-Noble, réunis ce lundi 8 avril 2024 en conseil municipal extraordinaire, ont voté contre l’implantation de cette ferme. Mais cette décision n'est que consultative, elle ne peut pas bloquer le projet. Pour Alain Robert, le maire, la présence de détenus poserait des problèmes de sécurité : "Je n'ai pas de police municipale, pas de police nationale et la gendarmerie se trouve à 20 kilomètres d'ici. Donc je considère qu'il y a un manque de sécurité."

Je m’opposerai à ce projet. Je n’ai pas envie de voir l’assassin de ma fille dans cette ferme

Marie-Rose Blétry, présidente de l'association Christelle

À l’issue de la séance du conseil municipal, Marie-Rose Bletry, présidente de l’association Christelle (aide aux familles victimes d’agression criminelle, les "disparues de Saône-et-Loire) a pris la parole. "Je suis choquée d'apprendre ce projet. Carole Soltysiak, assassinée le 17 novembre 1990 à Rozelay, son corps a été retrouvé à quelques mètres de cette ferme. Je n’ai pas envie de voir l’assassin de ma fille dans cette ferme".

Pour mémoire, Carole Soltysiak, 13 ans, avait été retrouvée morte, violée et mutilée en novembre 1990 dans un bois de Perrecy-les-Forges, commune mitoyenne de Ciry-le-Noble. Depuis l'an 2000, deux hommes sont suspectés et dans le viseur des autorités : "Iaco" et "Le sphinx". Ils sont mis en examen mais jamais jugés. Fin 2022, le pôle "cold cases" de Nanterre reprend le dossier.

► À LIRE AUSSI : Deux suspects, un meurtre non résolu : 32 ans après, le "cold case" Carole Soltysiak bientôt rouvert par la justice

Une forte opposition de la population

Au-delà de cette coïncidence géographique, la proximité de la ferme de réinsertion avec une école et donc, des enfants, inquiète une partie de la population, comme ce père de famille qui s'alarme : "Il n'y a aucune sécurité, pas de mur autour de la ferme". "Je ne pense pas que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, ces personnes doivent se réinsérer. Mais la ferme est trop près de l'école et des habitations", ajoute une habitante.

Une pétition en ligne a déjà recueilli plus de 1000 signatures. "Il y a un manque de transparence. On n’était pas au courant avant le mois de mars. Et ensuite, on nous annonce que l'acte de vente est déjà signé. Nous sommes tombés des nues", affirme Jérémy Cerda, membre du collectif des habitants opposés au projet.

On ne peut pas créer cette ferme juste à côté de chez nous sans qu'on ait au moins notre mot à dire

Jérémy Cerda

collectif des habitants opposés au projet

Le projet est "très encadré"

Concrètement, cette ferme de réinsertion doit accueillir entre 12 à 15 détenus en fin de peine. À l'initiative du projet : Patrice Sarrazin, président de l'association "Les fruits de la terre 71", dit "entendre les appréhensions de la population, nous en sommes conscients."

"Malgré tout, je pense que le collectif qui s’est monté n’a pas d’informations suffisamment objectives et sérieuses sur notre projet. Celui-ci est très encadré, il s’inscrit dans une convention avec l’administration pénitentiaire et la direction du travail. La sélection est très stricte."

Le modèle des fermes de réinsertion

La ferme est en lien étroit avec la communauté Emmaüs, et notamment le concept de la ferme de Moyembrie, située dans l'Aisne, et qui œuvre depuis une trentaine d'années dans la réinsertion de détenus en placement extérieur. Aujourd’hui, cinq de ces fermes existent en France.

"Nous proposons un contrat de travail en CDD d’insertion autour de l'activité agricole. Nous accompagnons ces personnes pour une insertion autour du logement, du travail, de la formation et de la reprise des droits", explique Patrice Sarrazin.

Pour les projets existants, nous avons des témoignages de maires qui sont plutôt positifs

Patrice Sarrazin, président de l'association "les fuits de la terre"

"Pour les projets existants, nous avons des témoignages de maires et ils sont plutôt positifs. Une maire nous a dit que c’était une passerelle entre le monde carcéral et la vie libre. Les détenus sont accueillis et participent à la vie locale. Ce projet a sa place dans une dynamique de territoire", assure Patrice Sarrazin.

Un précédent projet infructueux

En 2023, l'association voulait s'implanter à Montmort, près de Toulon-sur-Arroux en Saône-et-Loire. Mais elle a dû y renoncer. Là aussi, une partie de la population désapprouvait ce projet, un "collectif pour la défense de la ruralité" a même été lancé pour le dénoncer.

► À LIRE AUSSI : Une ferme de réinsertion de détenus vers Toulon-sur-Arroux ? Des habitants vent debout contre le projet

Le maire de Montmort, Bernard Dufraigne, avait fait savoir qu'il n'était "pas du tout favorable" à cette ferme de réinsertion. Le conseil municipal de la commune avait également exprimé son refus de l'accueillir.

► Avec Alexandre Baudrand et Anthony Borlot

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