Le pôle "cold case" du parquet de Nanterre vient d'annoncer qu'il reprenait le dossier Carole Soltysiak. Cette jeune fille de 13 ans avait été retrouvée morte et mutilée en 1990 près de Montceau-les-Mines. Dans ce dossier atypique, deux hommes sont mis en examen depuis plus de 20 ans.
Elle fait partie des "disparues de Saône-et-Loire" : Carole Soltysiak, 13 ans, violée et tuée en novembre 1990 dans un bois de Perrecy-les-Forges, à 15 km de Montceau-les-Mines. 32 ans quasiment jour pour jour après sa mort, le parquet de Nanterre va reprendre le dossier, comme il l'a annoncé ce lundi aux familles de l'association Christelle. Le parquet de Chalon-sur-Saône confirme qu'il va préparer le transfert de ce cold case particulier : en effet, depuis plus de 20 ans, deux hommes sont mis en examen mais aucun procès n'a encore eu lieu.
Un meurtre sordide
C'est un chasseur qui fait la macabre découverte, le dimanche 17 novembre 1990 dans le bois de Rozelay. Il tombe sur le corps de Carole Soltysiak, 13 ans, disparue la veille vers 17h30. Elle et son petit copain se disent au revoir à quelques centaines de mètres de la cité du Vernois, où elle habite avec ses parents. Ne la voyant pas revenir, "les parents s'inquiètent, font des recherches, et finissent par se rendre à la gendarmerie", relate le major Claude Jeanguenin, enquêteur à la section de recherches de Dijon et chargé de l'enquête par le passé, interrogé en 2016 par France 3 Bourgogne.
Lorsque Carole est retrouvée, son corps témoigne des sévices qu'elle a subis.
"Elle est dénudée, présente quatre plaies dans le thorax, son corps est partiellement calciné, elle a une sangle autour du cou, et elle a été violée."
Claude Jeanguenin
À Montceau-les-Mines, ce meurtre provoque un fort émoi. La police emploie les grands moyens : "On pratique notamment des tests génétiques, alors qu'on est seulement aux balbutiements de cette technique", se souvient maître Corinne Herman, avocate spécialisée dans les cold cases, interrogée elle aussi en 2016 par France 3.
Des pistes, mais une enquête qui patine
À l'époque, un poil masculin est découvert sur le corps de la victime, ainsi que des traces de gasoil et d'un "alcool de bouche", note Claude Jeanguenin. À ce moment, la justice espère résoudre le crime rapidement et présenter un suspect devant une cour d'assises. Mais l'enquête patine : personne n'est interpellé, les techniques scientifiques de l'époque ne permettent pas d'identifier l'homme dont provient le poil.
La mère de Carole rejoint l'association Christelle en 2005, association qui regroupe les familles des "disparues de Saône-et-Loire". Pendant un temps, les enquêteurs étudient la piste de Francis Heaulme, le tueur en série. Mais faute d'indices, cette hypothèse est écartée... jusqu'à une nouvelle piste, en 2000.
► À REVOIR - En 2016, retour sur l'affaire Carole Soltysiak avec Pauline Ringenbach et Christophe Gaillard
Deux suspects identifiés... et toujours mis en examen à l'heure actuelle
C'est la particularité de ce dossier : contrairement à d'autres meurtres non résolus, la justice a deux suspects dans son viseur depuis l'an 2000. "Iaco" et "Le sphinx", de leurs surnoms, se retrouvent près de dix ans après le meurtre au centre des attentions des enquêteurs. "Ces deux noms circulent. Ce sont des jeunes de Montceau", note le major Jeanguenin. "Ils font partie d'une bande qui squattait une ferme, la ferme du Rozelay, qui s'avère être située à 300 mètres du lieu de découverte du corps."
En 2000, les deux hommes vivent toujours dans la région et sont interpellés. L'un des deux semble comme obsédé par l'affaire : "Il en parle souvent et, tous les ans en novembre, il pleure, comme s'il avait un fardeau", se souvient le policier. Claude Jeanguenin emmène alors "Le sphinx" sur place, d'abord au dernier endroit où a été vue Carole.
"On arrive dans le quartier du Vernois et il s'arrête, à 10 mètres près, là où le petit copain de Carole l'a laissée. Il me dit qu'il avait une bouteille de whisky dans sa voiture et qu'ils sont partis dans un bois."
"C'est intéressant, parce qu'ensuite il dit qu'il met de l'alcool sur le corps de Carole pour que le feu prenne. Or, qui pouvait savoir, à ce moment-là, qu'on avait découvert de l'alcool sur le corps ? Personne."
Claude Jeanguenin
Ces aveux permettent à l'instruction de mettre en examen les deux suspect. Mais, présentant des profils psychologiques fragiles - le journal Le Parisien les qualifie de "simples d'esprit" - ils sont internés dans des centres spécialisés... et finissent par revenir sur leurs déclarations. Ils nient avoir tué Carole.
32 ans après, l'affaire relancée ?
32 ans quasiment jour pour jour après le meurtre de Carole Soltysiak, "Iaco" et "Le sphinx" restent mis en examen mais n'ont jamais fait l'objet d'un procès. La décision du pôle "cold case" du parquet de Nanterre pourrait changer la donne : en récupérant le dossier, les juges d'instruction pourraient décider d'organiser un procès ou de commander de nouveaux actes d'enquêtes.
Créé en mars 2022, le pôle "cold cases" est saisi de 37 enquêtes, dont plusieurs concernent des "disparues de Saône-et-Loire".