Le 10 octobre, un troisième homme était mis en examen dans l'affaire Carole Soltysiak, une adolescente tuée et violée en Saône-et-Loire en 1990. Cette nouvelle a fait ressurgir dans l'actualité l'appellation des "Disparues de l'A6". Pourquoi n'est-elle pas si adaptée pour représenter les 12 victimes ?
Le 10 octobre dernier, coup de théâtre dans l'affaire Carole Soltysiak, une jeune adolescente de 13 ans tuée, mutilée et violée en Saône-et-Loire. L'avocat de la famille de la victime, Me Didier Seban, envoie un communiqué à la presse pour révéler qu'un troisième homme vient d'être mis en examen. Cette nouvelle fait ressurgir l'appellation des "Disparues de l'A6".
Elle est utilisée par de nombreux médias, comme 20 Minutes, France Info, ou Le Monde, pour évoquer le sort de douze jeunes femmes, tuées entre 1984 et 2005 en Saône-et-Loire. Sauf que l'A6 ne couvre qu'une petite partie du département. Et certaines victimes, comme Carole Soltysiak ou Christelle Blétry, ont été retrouvées à des dizaines de kilomètres de cette autoroute.
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Un contexte historique important
Mais revenons un peu en arrière. La série macabre commence en 1984. Deux auto-stoppeuses belges, Marie-Agnès Cordonnier et Françoise Bruyère, disparaissent. Elles sont aperçues pour la dernière fois sur le pont Saint-Laurent à Mâcon. Les deux cousines ne seront jamais retrouvées. À ce jour, ce sont les seules victimes encore disparues.
Puis, entre novembre 1986 et 1990, six affaires frappent la Saône-et-Loire dans un rayon de 200 kilomètres. Marthe Buisson, une fugueuse de 16 ans, est retrouvée en 1987 par un couple d'Allemands, à quelques centaines de mètres de l'aire de Mâcon Saint-Albain. Un violent coup à la tête serait à l'origine de sa mort.
Une jeune femme de 18 ans, Nathalie Maire, est entendue par les gendarmes chargés de l'affaire. Elle était employée saisonnière sur l'aire de Saint-Albain. Sauf que quinze jours plus tard, elle est tuée à son tour, étranglée à l'aide d'un fil électrique retrouvé sur place.
Ce seront les seules victimes à être retrouvées directement sur l'A6. D'autres, comme Sylvie Aubert, sont mortes dans des villes traversées par l'A6, comme Chalon-sur-Saône. Cette série macabre s'arrête avec Corinne Taret, retrouvée en février 2007 dans un étang de la région du Creusot.
Une meilleure médiatisation ?
Quand sont mentionnées pour la première fois "les disparues de l'A6" ? Difficile à dire. Me Didier Seban, avocat de plusieurs familles de victimes, nous confirme que son cabinet a été le premier à réfléchir à cette appellation. "Nous nous sommes dit qu'il allait être compliqué de médiatiser l'affaire si on ne parlait que d'une seule victime. Alors que si nous parlons d'une série ou d'un rapprochement, c'est plus simple."
Et cela a bien marché. Christophe Gaillard, journaliste reporter d'images (JRI) pour France 3 Bourgogne, suit depuis décembre 1996 l'affaire des meurtres non élucidés de Saône-et-Loire. D'après lui, ce regroupement "a permis aux médias nationaux de s'intéresser à des affaires qui n'ont, pour la plupart, pas de rapport entre elles."
Didier Seban estime que "la presse a été un allié pour faire bouger la justice." À cette époque, l'avocat considèrait que le parquet de Chalon-sur-Saône n'était "pas intéressé par le meurtre de ces jeunes femmes." Plusieurs affaires ont en effet stagné durant de nombreuses années.
Par exemple, entre 1996 et le début des années 2000, de nombreuses fausses pistes sont explorées par les enquêteurs pour retrouver le meurtrier de Christelle Blétry. Dès janvier 1997, sa mère, Marie-Rose Blétry, crée l'association Christelle. Elle se mobilise auprès des ministères.
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Elle cherche notamment à ce qu'une recherche ADN soit effectuée. Frappé par cette histoire, Raphaël Nedilko décide de reprendre l'affaire en 2013. Et un an plus tard, l'analyse ADN permet d'identifier le meurtrier de sa fille, Pascal Jardin. Il sera arrêté et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2017, une peine confirmée un an plus tard en appel.
Des familles partagées
Marie-Rose Blétry est donc partagée quant à l'utilisation des "disparues de l'A6". D'un côté, elle explique que les familles qu'elle représente sont "choquées" par cette appellation. "'Disparues', non. Nous avons toutes retrouvé le cadavre de notre enfant ou de notre sœur. Et l'A6, dans mon cas, c'est un peu loin du lieu du meurtre de ma fille."
Cependant, elle admet également que cette appellation leur a permis "d'avoir un poids." "Le cabinet m'a conseillé de rentrer en contact avec d'autres familles et c'est ce que j'ai fait." Désormais, l'enquête pour retrouver le ou les meurtrier(s) de Carole Soltysiak pourrait être la prochaine à être résolue dans ces meurtres non élucidés de Saône-et-Loire.