Il est l'enquêteur qui a résolu les affaires Christelle Blétry et Christelle Maillery. Dans un livre paru le 22 mars dernier, "L'Obstiné", Raphaël Nedilko, 50 ans, revient sur ces deux enquêtes qui ont marqué sa carrière. Rencontre avec ce policier basé à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
"S'il n'avait pas été là, c'était foutu. C'était mon dernier espoir." C'est la voix empreinte d'émotion que Marie Pichon se remémore cette rencontre qui a bouleversé sa vie. Celle avec Raphaël Nedilko, l'enquêteur qui a bravé vents et marées pour résoudre, plus de 20 ans après, le meurtre de sa fille. Il raconte son histoire dans L'Obstiné, un livre paru le 22 mars dernier.
Passé par le mythique 36 quai des Orfèvres, le policier arrive en 2009 à la police judiciaire de Dijon (Côte-d'Or). Sa "sensibilité accrue pour toutes les formes d'injustice" le pousse à se plonger dans certaines des plus lugubres affaires non-résolues qui hantent la Bourgogne. Parmi elles, l'affaire Christelle Maillery, une des disparues de l'A6.
Deux cold cases résolus en solitaire
À l'époque, le dossier est au point mort. La faute à des enquêtes bâclées qui ont transformé ces drames sordides en "cold cases". Plus grand monde, si ce n'est les familles des victimes, ne semble s'y intéresser. "À en croire certains, il aurait fallu que ces familles acceptent sans barguigner que leurs proches disparaissent et que ça s'arrête là", soupire l'enquêteur.
Mais pour lui, pas question de laisser ces affaires au placard. "Il y a beaucoup de similitudes entre la famille de Marie et la mienne. Donc forcément quand je conjugue sa vie à la mienne, je me sens encore plus concerné par la souffrance qu’elle a subie. Ça me détermine encore plus à faire avancer les choses." Après plus de deux ans de travail, l'enquête aboutit et permet d'inculper Jean-Pierre Mura pour le meurtre de la jeune fille.
En parallèle, Raphaël Nedilko se penche sur une autre disparue de l'A6 : l'affaire Christelle Blétry. Celle-ci aussi a à peine avancé depuis que le corps de la jeune femme, lardé de 123 coups de couteau, a été retrouvé fin 1996 à Blanzy, près de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Pendant des années, sa mère, Marie-Rose Blétry, demande une analyse ADN des vêtements de la victime... ce qui ne sera jamais fait avant que Raphaël Nedilko reprenne le dossier.
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"Il a été déterminant", souffle celle qui est aussi présidente de l'association Christelle, qui se bat pour que ces cold cases ne tombent pas dans l'oubli. "Il savait que je demandais que les vêtements soient analysés. Et son premier axe d'enquête, ça a été de reprendre les scellés et de convaincre la juge d'instruction de les analyser. C'est quelqu'un de très humain, qui écoute les familles."
Une nouvelle enquête qui se solde en 2014 par l'arrestation de Pascal Jardin, un ouvrier agricole de 57 ans. Confondu par son ADN, il avoue le meurtre de la jeune femme avant de se rétracter. Il est condamné trois ans plus tard à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 20 ans. Une peine confirmée un an plus tard en appel.
Frappé par "le manque d'empathie de tout le système"
Mais malgré ces succès, l'enquêteur finit par quitter la police judiciaire de Dijon pour un commissariat de Chalon-sur-Saône. Écœuré par l'immobilisme de l'institution, il fustige "le manque d'empathie de tout le système, pas que celui de certains collègues. C'est ce qui me frappe dans ces affaires : cette espèce de distance injustifiée et injustifiable qui a été opposée aux familles des victimes par certains enquêteurs, certains avocats, certains magistrats."
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Tout n'est pas noir pour autant. Raphaël Nedilko salue notamment la création du pôle cold cases de Nanterre, qui a soufflé sa première bougie au début du mois. Mais là encore, il déplore le manque de moyens accordé à ces affaires.
"Il faudrait des pôles d'enquêteurs dédiés à ces dossiers, avec une exclusivité de mission. Des policiers et des gendarmes qui travaillent main dans la main, sous l'instruction de magistrats dédiés. On doit rendre des comptes à l'institution, mais aussi, surtout, aux familles des victimes."
Ce lundi 27 mars, Raphaël Nedilko sera invité dans le 19-20 de France 3 Bourgogne pour évoquer ces affaires et la parution de son livre.