Meurtre de Carole Soltysiak : comment une affaire vieille de 34 ans est désormais en passe d'être résolue

Un homme de 62 ans, "Falco", vient d'être mis en examen 34 ans après le viol et le meurtre de Carole Soltysiak, 13 ans, dans les bois de Montceau-les-Mines. Pourquoi un tel rebondissement, si longtemps après ?

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Son visage souriant, cheveux courts ou en bataille, un peu garçon manqué, avait fait le tour des journaux de l'époque. Difficile d'imaginer le calvaire vécu par Carole Soltysiak, 13 ans, retrouvée suppliciée dans un bois près de Montceau-les-Mines le 17 novembre 1990. La jeune fille a été violée, poignardée, étranglée et partiellement brûlée.

En 2000, deux suspects, "Iaco" et "le Sphinx", sont mis en examen... et le sont toujours, 24 ans après. Aucun procès n'a encore eu lieu.

Coup de tonnerre ce 10 octobre 2024, après 34 ans d'une attente interminable : un troisième homme vient d'être arrêté, mis en examen, et placé en détention provisoire. L'avocat de la famille de Carole espère désormais un procès, "d'ici un an ou 18 mois". Pourquoi l'enquête a-t-elle connu un tel tournant, après tant d'années ?

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Parce que le pôle "cold cases" a repris l'affaire

Fin 2022, le pôle "cold cases" de Nanterre annonce qu'il reprend le dossier Soltysiak. Presque 32 ans presque jour pour jour après la mort de Carole, le parquet de Chalon-sur-Saône transfère toutes les pièces de l'enquête à ce pôle spécial, dédié aux crimes anciens non élucidés.

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L'affaire est instruite par une juge dont le nom est désormais célèbre : Sabine Kheris. C'est elle, notamment, qui a réussi à faire parler "l'ogre des Ardennes" Michel Fourniret en 2020.

Une fois le dossier Soltysiak repris, les choses s'accélèrent. En avril 2024, Sabine Kheris se rend sur place, en Saône-et-Loire, avec des enquêteurs. "Les gendarmes ont repris l’enquête, ont revu, réentendu tout le monde", nous précise Didier Seban, l'avocat de la famille Soltysiak, joint ce 11 octobre.

Pendant deux jours, il y a eu une grande opération avec à la fois les auditions des mis en examen et l’audition de personnes qui leur étaient proches.

Didier Seban

avocat de la famille Soltysiak

C'est vraisemblablement à la suite de ces nouveaux actes d'enquête que "Falco", le troisième suspect, a fini par être arrêté, mis en examen ce 10 octobre et placé en détention provisoire. 

Cette mise en examen repose, selon maître Seban, "sur des éléments qui étaient pour une bonne part déjà au dossier". "Des mises en causes par un des suspects, des indications sur la voiture utilisée, des éléments sur la proximité entre eux trois..."

C'étaient des piliers de bar, des compagnons de sortie qui écumaient un peu Montceau-les-Mines.

Didier Seban

avocat de la famille Soltysiak

"Des jeunes femmes, qui ont vécu avant Carole des tentatives d'agression, ont dressé des portraits-robots. Et tout cela menait vers cet homme, mais le parquet de Chalon-sur-Saône n'en avait pas tiré les conséquences", déplore Didier Seban.

Parce que les techniques d'enquête ont évolué

Autre élément important : en 1990, les moyens étaient bien éloignés de la haute technologie utilisée aujourd'hui. Un ancien enquêteur mobilisé sur l'affaire Soltysiak le confirme : "À l'époque, c'était les débuts de l'ADN. Au fil des ans, la police technique et scientifique s'est améliorée." 

Une affaire comme le petit Grégory, de nos jours, elle est résolue.

un ex-enquêteur de l'affaire Soltysiak

L'ex-enquêteur dresse une liste : "Maintenant, on a le bornage téléphonique, les réseaux sociaux, les prélèvements, le gel des scènes de crime... Tous les intervenants - pompiers, secours, police - sont formés à ne pas polluer les scènes de crime. Dans les années 90, ce n'était pas le cas."

"Il y a 30 ans, notre façon de résoudre les enquêtes, c'était surtout en obtenant les aveux des coupables", note l'ancien enquêteur.

Or, ces aveux ont été particulièrement difficiles à obtenir. C'est l'une des grosses difficultés de ce dossier : le profil des suspects, "très marginaux, au profil psychiatrique très fragile, sur fond d'alcool et de drogue".

Les suspects, interrogés à plusieurs reprises, louvoient dans leurs déclarations. Ils se confessent à demi-mot, jamais explicitement. Ils disent "avoir vu de haut", "avoir entendu" ce qu'il s'est passé. Certaines déclarations sont invérifiables. "Leur notion du temps et de l'espace n'est pas la même." Leur parole n'est pas fiable. Surtout 10 ans après le meurtre.

En notre for intérieur, on pensait vraiment que c'était eux mais on n'avait pas assez d'éléments matériels et tangibles à présenter à la justice. 

un ex-enquêteur de l'affaire Soltysiak

"C'était une grosse frustration", se souvient l'ex-enquêteur. "Je pense que c'est en partie pour ça que l'instruction a duré aussi longtemps." En parallèle, d'autres pistes sont explorées au fil des années, dont celles du tueur en série Francis Heaulme. Qui ne mènera nulle part.

Parce que la famille et ses soutiens n'ont jamais baissé les bras

Malgré cette frustration, une femme n'a jamais perdu espoir : Betty Soltysiak, la maman de Carole. Elle le répète encore aujourd'hui auprès de France 3 Bourgogne : "Ce que je souhaite maintenant, c'est lancer un appel à témoins. Ce nouveau suspect peut être marié, avoir une copine, de la famille au courant, des amis... C'est la dernière fois que je le demande, vraiment : je prie les gens qui savent quelque chose, qu'ils parlent, maintenant."

Si quelqu'un sait quelque chose, qu’il parle et qu’on mette fin à toute cette attente qui dure depuis trop longtemps.

Betty Soltysiak

mère de Carole Soltysiak

La famille Soltysiak a pu compter, depuis des années, sur le soutien de l'association Christelle, fondée par Marie-Rose Blétry. Sa fille fait partie des victimes des "crimes de Saône-et-Loire", ces meurtres restés non élucidés pendant des années dans la région (souvent surnommés, par abus de langage, affaire "des disparues de l'A6"). Christelle Blétry a été tuée de 123 coups de couteau en 1996 à Blanzy. Le tueur, Pascal Jardin, sera retrouvé grâce à l'ADN et condamné en février 2017. 

Depuis, l'association Christelle oeuvre avec le soutien des avocats spécialisés Corrine Herrmann et Didier Seban, pour que la justice n'oublie pas les dernières victimes. 

La mise en examen de "Falco", dans l'affaire Soltysiak, "redonne totalement de l'espoir", nous confie Marie-Rose Blétry. "La preuve est faite que si l'on enquête, on peut trouver les auteurs. J'en suis convaincue : si on donne des moyens aux juges et aux enquêteurs, je suis sûre qu'on arrivera à résoudre les dossiers. Et j'espère, un jour, qu'on ne parlera plus de cold cases."

► Crée en mars 2022, le pôle "cold cases" de Nanterre a étudié près de 400 affaires et ouvert environ 80 informations judiciaires. Il a mené à un procès emblématique, en 2023 : la condamnation à perpétuité de Monique Olivier, complice des crimes de Michel Fourniret dans les affaires Estelle Mouzin, Joanna Parrish et Marie-Angèle Domèce.

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