ENTRETIEN. Sa fille Carole Soltysiak a été tuée et violée en 1990 : "Que les gens qui savent quelque chose parlent, maintenant"

DOCUMENT FRANCE 3. La mère de Carole Soltysiak, Betty Soltysiak, a accordé un entretien à France 3 Bourgogne ce 11 octobre. La veille, la justice annonçait la mise en examen d'un troisième homme dans le meurtre sordide de Carole, 13 ans, en 1990 près de Montceau-les-Mines.

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Betty Soltysiak est une femme patiente. Depuis 34 ans, elle attend la vérité. Que les bourreaux de sa fille soient punis. 34 ans passés dans le brouillard judiciaire, avec le sentiment que la justice n'a eu que faire de sa petite Carole, 13 ans, qui a subi l'enfer : violée, poignardée, étranglée et brûlée dans un bois de la campagne montcellienne, en novembre 1990. 

Il y eut pourtant une éclaircie, en 2000. Dix ans après les faits, deux hommes ont été arrêtés... mais jamais jugés. "Iaco" et "le Sphinx" sont longtemps restés "les plus vieux mis en examen de France", comme le dit l'avocat de Betty Soltysiak, maître Didier Seban. Betty a continué d'attendre.

Ce 10 octobre 2024, ses prières semblent enfin avoir été entendues. Après la relance de l'enquête par le pôle "cold cases" de Nanterre au printemps, coup de théâtre : la mise en examen, et en détention provisoire, d'un troisième homme suspecté d'être impliqué dans le martyr de Carole. Il est surnommé "Falco".

Le lendemain, ce vendredi 11 octobre, Betty Soltysiak a accepté de parler à France 3 Bourgogne à Blanzy, en Saône-et-Loire.

Après 34 ans d'un long combat, dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Betty Soltysiak : "C'est un très, très très long combat. Je suis contente que l'affaire avance. Peut-être que "Falco" détient des informations, on le saura au fil des jours. Mais c'est déjà une bonne nouvelle et c'est ce que les enquêteurs et la juge Kheris [du pôle cold cases de Nanterre, ndlr] disaient depuis le début : ils sont bien trois, dans cette affaire, à avoir tué ma fille, à avoir pris ma fille.

Ce que je souhaite maintenant, c'est lancer un appel à témoins. Que les gens puissent me libérer, me laisser respirer un peu. "Falco", il arrive à 60 ans [ndlr : il a 62 ans]. Maintenant, il peut parler, ils ont assez vécu à l'extérieur tous les trois. Moi, je suis toujours enfermée dans le cercueil avec ma fille."

Ce nouveau suspect peut être marié, avoir une copine, de la famille au courant, des amis... C'est la dernière fois que je le demande, vraiment : je prie les gens qui savent quelque chose, qu'ils parlent, maintenant.

Betty Soltysiak

"Si quelqu'un sait quelque chose, qu’il parle et qu’on mette fin à toute cette attente qui dure trop longtemps. Il y a une éternité que ça dure. J’aimerais qu’on me donne cette chance, le peu qu’il reste à vivre, de continuer à vivre plus sereinement."

Ce qui ressort, c'est que les trois mis en examen sont de la région de Montceau. Vous les connaissiez ?

Betty Soltysiak : "Je ne les ai jamais croisés, mais ça se passe dans les Gautherets, une petite cité minière, tout le monde se connaît. C’est la même bande." 

Depuis 1990, je le dis : je ne connais pas ces noms-là mais je les ai dans les tripes. Pour moi, c’est eux. Je le sais, je le sens. 

Betty Soltysiak

"Quand on voit le parcours que Carole a fait, ils ont fait le même. Carole avait été en ville, ils y étaient aussi... C’est pas possible que ce soit autrement."

"Iaco" et "le Sphinx" sont restés pendant des années les "plus vieux mis en examen de France", sans pour autant qu'il y ait d'autres suites judiciaires...

Betty Soltysiak : "Ça me met en colère qu'ils ne soient pas restés en prison. Il n'y avait pas de preuve matérielle suffisante, malgré tout le reste... Là, actuellement, ils sont relâchés parce que toujours pareil. "Iaco" nie totalement, "le Sphinx" accepte, enfin dit que c’est lui mais mène son monde en bateau."

Pourtant, à l'époque, ils avaient tous deux donné des aveux circonstanciés.

Betty Soltysiak : "À l'époque, le major Jeanguenin [en charge de l'enquête en 2000, ndlr] m'avait téléphoné pour me dire : "Betty, asseyez-vous. 10 ans après, on les tient." C'était des aveux vraiment circonstanciés.

La presse n'avait jamais évoqué qu'on avait essayé de faire brûler le corps de Carole, après qu'elle a été tuée, avec un alcool de bouche. Personne à part les enquêteurs et le médecin légiste ne savaient de quel alcool il s'agissait - ce n'était pas de l'essence. 

Comme par hasard, les deux suspects l'ont dit. On ne peut pas inventer des choses pareilles ! Pour moi, on les avait. On les tenait. Et voilà... Ils sont sortis quand même."

Vous avez connu de nombreux moments de désespoir, au fil de ces 34 années ?

Betty Soltysiak : "Ce n'est pas que des moments. C’est tous les jours qu’on se dit : "peut-être qu’il y aura quelque chose demain". Hier [jeudi, ndlr], j’étais déçue quand j’ai appris que "le Sphinx" et "Iaco" étaient libérés. Parce que je m’étais dis : "Ça y est, au bout de 34 ans, on est au bout du tunnel… On en voit la fin, c’est maintenant, j’y suis, je vais être libérée."

J'aimerais pour ma fille que ça se fasse avant que je parte. Au moins que j'aie des noms à lui donner. Et pour moi aussi, il me faut les noms. C'est trop long, beaucoup trop long.

Betty Soltysiak

Si la justice poursuit sur cette voie, on pourrait se diriger vers un renvoi aux assises. Vous vous sentez prête ?

Betty Soltysiak : "Je suis prête dans le sens où je veux qu’ils soient jugés. Finalement, ils ont vécu beaucoup d’années en liberté alors que moi et ma famille sommes en prison."

Je suis prête, malgré toute la douleur que je vais ressentir.

Betty Soltysiak

"Et aussi, ça m'embête... Je ne pense pas qu’on ait le droit, mais j’aimerais leur parler, aux trois qui seront là dans le box des accusés.

J’aimerais leur dire des mots, mais des mots tellement crus que je crois que je serais censurée. Je sais même pas s’il y a des mots assez puissants. Jusqu’à présent, j’ai dit “connard”, mais j’en ai d’autres dans la tête qui sont bien pires que cela."

Des mots peut-être plus élogieux pour l'association Christelle, qui vous a soutenue pendant toutes ces années ?

Betty Soltysiak : "Franchement, sans elle, on aurait été abandonnés. [L'association créée par la mère de Christelle Blétry vise à faire la lumière sur les crimes non élucidés de jeunes femmes en Saône-et-Loire, ndlr]. Elle nous porte, elle est là pour nous faire avancer, pour nous aider.

Je pense à d’autres mamans qui sont seules, avec leur enfant qui a été assassiné, et qui sont absolument abandonnées de la justice.

Quand je lis qu’on va réduire le budget de la justice… C’est très, très grave. Déjà qu’il nous manque des enquêteurs et des moyens, je crois que les autres familles ne peuvent que pleurer." 

Il faut des moyens. Ce sont nos enfants qui ont été assassinés. C'est la chair de notre chair, et ils méritent justice. Ils la méritent.

Betty Soltysiak

► L'avocat de la famille Soltysiak, maître Didier Seban, dit espérer "qu'on arrive à un procès d'ici un an, 18 mois". Cela fera 35 ans que Carole a été assassinée.

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