Une ferme de réinsertion de détenus vers Toulon-sur-Arroux ? Des habitants vent debout contre le projet

Un collectif d'habitants s'oppose à la création d'une ferme de réinsertion de détenus près de Toulon-sur-Arroux, en Saône-et-Loire. L'homme derrière le projet, lui, regrette cette contestation alors que "rien n'a encore été fait".

"La campagne n'a pas à être le réceptacle de tous les déchets de la ville !" Lorsque nous le contactons, cette après-midi-là, Pierre n'a de cesse d'étayer son opposition à la ferme de réinsertion qui pourrait s'installer à Montmort, vers Toulon-sur-Arroux en Saône-et-Loire. Avec trois autres personnes, il a même lancé un "collectif pour la défense de la ruralité" pour dénoncer ce projet, porté par l'association "Les fruits de la terre".

Concrètement, cette ferme de réinsertion - si elle voit le jour - doit accueillir à terme 20 détenus en fin de peines longues. Les résidents disposeront de contrats de travail de 26 heures par semaine. Plusieurs activités leur seront proposées, comme du maraîchage biologique ou de l'élevage caprin et de poulets.

"J'ai rapidement eu vent de ce projet parce que la commune dans laquelle je vis disposait d'une propriété en vente susceptible d'accueillir cette ferme", explique-t-il. "Finalement ça ne devrait pas se faire sur ma commune mais je me suis investi contre ce projet comme si c'était le cas." Cet investissement, c'est, pour l'heure, une pétition sur change.org qui circule également en version papier dans les commerces du secteur. Le collectif s'est en effet donné pour mission "d'alerter les habitants du coin".

Une entreprise menée "en douce" ?

Car ceux-ci n'auraient pas du tout été informés de l'installation potentielle de la ferme sur le territoire. "L'association est passée par la paroisse de Gueugnon en demandant explicitement de garder la confidentialité totale sur le projet, et en demandant verbalement de ne surtout prévenir ni les élus, ni la population", maugrée Pierre. "On a trouvé la méthode scandaleuse de faire ça en douce sans prévenir personne." Contactée, la paroisse n'a pas donné suite à nos sollicitations.

On souhaitait communiquer en temps voulu, quand on aura des éléments à communiquer, car pour le moment, on n'a rien.

Patrice,

président de l'association "Les fruits de la terre"

De son côté, le président des "fruits de la terre", un certain Patrice, 70 ans, réfute toute accusation de mener le projet en sous-marin. Il l'assure : rien ne se fait en connivence avec la paroisse de Gueugnon. "La seule raison pour laquelle j'en ai parlé à des paroissiens, c'est parce que je suis moi-même catholique. Je pensais que ça pourrait être sympa de les rencontrer pour voir si certains seraient enthousiasmés."

Il revendique toutefois le fait d'avoir "voulu être discret". "Ce n'est pas quelque chose que nous faisons seuls, nous avons de nombreux partenaires [dont Emmaüs France, ndlr]. Pour eux, il faut évidemment un peu de discrétion car le sujet peut être sensible. On souhaitait communiquer en temps voulu, quand on aura des éléments à communiquer, car pour le moment, on n'a rien. Rien n'a encore été fait."

Un projet encore au stade d'embryon

Initié il y a quatre ans, le projet a pour vocation de devenir une version bourguignonne de la ferme de Moyembrie. Cet établissement situé dans l'Aisne accueille depuis 1990 des détenus en fin de peine pour les réintégrer par le travail dans la société. "La majorité des personnes accueillie quitte la structure avec un emploi et/ou une formation, et toutes avec une solution de logement", peut-on ainsi lire dans le dossier de présentation du projet.

Reste que l'association est encore loin d'accueillir des détenus dans une ferme. L'organisation ne possède même pas encore de terrain sur lequel s'installer - des discussions sont en cours avec une vendeuse potentielle. "D'ailleurs, elle subit des pressions de la part des opposants donc ça peut s'arrêter du jour au lendemain", déplore Patrice, qui craint de voir l'initiative s'essouffler. En cas d'accord, des travaux d'aménagement pourraient éventuellement débuter l'été prochain.

Les opposants craignent une explosion de l'insécurité

Une perspective que ne veut surtout pas imaginer le "collectif pour la défense de la ruralité". Ses membres craignent "une insécurité accrue" en cas d'aboutissement du projet. "Les détenus sont censés se réinsérer... en théorie", s'inquiète Pierre. "Parce que ce ne sont pas des voleurs de poules qui seront accueillis mais des assassins, violeurs, pédophiles... Et la gendarmerie la plus proche, celle de Toulon-sur-Arroux, a fermé il y a quelques années !"

Sauf que par un curieux hasard, une brigade de gendarmerie pourrait se réinstaller dans la commune d'ici quelques mois. Début 2022, le président de la République Emmanuel Macron avait en effet promis la création de 200 d'entre elles pour pallier le manque dans les territoires ruraux. "Ça n'a absolument aucun lien avec le projet de ferme de réinsertion", insiste le maire Bernard Labrosse. "Nous avons exprimé notre souhait de la recevoir car Toulon est dans un couloir plutôt démuni en matière de sécurité, alors qu'on fait face à une certaine recrudescence des actes de délinquance."

Mais gendarmerie ou pas, le projet risque de se heurter à l'opposition d'élus. Le maire de Montmort Bernard Dufraigne nous a d'ores et déjà fait savoir qu'il n'était "pas du tout favorable" à cette ferme de réinsertion. Le conseil municipal de la commune a également exprimé son refus de l'accueillir.

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