Une décision "très rare" selon le bâtonnier, Richard Doudet. Le tribunal administratif de Limoges condamne en partie, et sous astreinte, le ministère de la Justice, concernant cette prison. Le tribunal administratif de Limoges a statué, ce lundi 16 décembre 2024, concernant les conditions de détention à la maison d’arrêt. Si tout n’a pas été accordé, plusieurs injonctions ont été faites, sous astreinte, concernant notamment les sanitaires.
La maison d’arrêt de Limoges, sa surpopulation carcérale (+166% d’occupation début novembre 2024 selon le ministère) et ses conditions de détention… Comme un serpent de mer, dont l’actualité a été relancée en novembre 2024, à l’occasion d’une visite surprise du bâtonnier Richard Doudet, visite ayant entraîné un rapport accablant.
Dans la foulée, l’Ordre des avocats du barreau de Limoges, et la section française de l’Observatoire International des Prisons avaient déposé un référé liberté conjoint devant le tribunal administratif, dénonçant près d’une quarantaine de points dans leur mémoire.
Après une audience le 11 décembre 2024 dernier, où toutes les parties avaient été entendues, le tribunal administratif a rendu sa décision ce lundi 16 décembre 2024.
Couverture supplémentaire, kit d'hygiène, isolement devant l'espace sanitaire
S’il n’a pas accédé à l’ensemble des requêtes, notamment une fermeture provisoire avec transfert des détenus, pour traiter un problème des punaises de lit, il a néanmoins enjoint "au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de délivrer sans délai une couverture supplémentaire aux détenus qui en font la demande, lorsqu’il n’a pas été procédé à la réparation immédiate des fenêtres cassées, de procéder à la distribution régulière et gratuite de kits d’hygiène et de kits d’entretien dans un délai de quatre jours à compter de la notification de la présente ordonnance et, de pourvoir à une protection suffisante de l’intimité des détenus en mettant en place un isolement devant l’espace sanitaire au sein des cellules dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente ordonnance."
Des injonctions prononcées sous astreinte de mille euros par jour de retard, à compter de la notification de son ordonnance, soit ce 16 décembre.
En outre, l’État devra verser, à l’Ordre des avocats du barreau de Limoges, et à la section française de l’Observatoire International des Prisons, la somme de mille huit cents euros, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
"Le début d’un combat"
"C’est une excellente décision, notamment concernant les sanitaires des détenus. De plus, avec astreinte, et quelle astreinte, 1000€ par jour de retard, c’est très rare", a réagi Me Richard Doudet.
Me Guillaume Laverdure, membre du barreau, qui avait accompagné le bâtonnier lors de sa visite, et qui représente, à Limoges, l’Observatoire International des Prisons, était un peu plus mesuré : "Effectivement, ce genre de mesures sous astreintes, avec un montant si élevé, c’est extrêmement rare, et c’est comme une victoire. S’il y a des injonctions, c’est que le tribunal administratif considère qu’il y a une urgence et des conditions indignes à la maison d’arrêt, et qu’il faut donc y remédier. Mais ce n’est que le début d’un combat. Je suis plus déçu sur la question des fenêtres cassées et surtout, des punaises de lit. Je trouve les motivations lacunaires. Il faut que j’interroge l’OIP pour voir ce que nous allons faire, car nous disposons d’un délai de qiunze jours pour faire appel de la décision devant le Conseil d'état."
Me Doudet se voulait plus tempéré. "Il y aura un avant et un après notre visite. Concernant les punaises, le tribunal considère que le plan qu’a présenté le directeur de l’établissement lors de l’audience du 11 décembre allait dans le bon sens, il le qualifie d’envergure. Il se passe enfin des choses à la maison d’arrêt. Rien que ce matin, j'ai vu, mon cabinet est à juste côté, plus d’une centaine de chaises sorties d’un camion pour être amenées à l’intérieur."
"Une astreinte pareille, de mémoire, c’est du jamais vu. Mais ce n’est pas suffisant"
Mais il n’en va pas de même pour Fatima Benyoussa, déléguée du syndicat CGT pénitentiaire à la maison d’arrêt. Informée de la décision à sa sortie de service, sa première réaction s’est voulue ironique : "Apparemment, tout va très bien donc ! [rires] Plus sérieusement, c’est une très bonne chose, une astreinte pareille, de mémoire, c’est du jamais vu. Mais ce n’est pas suffisant, ça ne règle pas le problème des fenêtres et des punaises. Ce n’est toujours pas résolu, je n’ai pas encore vu passer d’entreprise, et la direction ne nous donne aucune information."
Concernant ces punaises, le plan d’envergure évoqué par la direction prévoit que l’opération de désinfestation soit lancée début janvier 2025, selon l’administration. Le quartier pour femmes, non infesté, sera évacué, afin d’y accueillir une aile du quartier pour hommes qui sera, à cette occasion, traitée. L’opération se répétera ainsi jusqu’à la désinfestation complète du quartier pour hommes. Le quartier pour femmes sera, par la suite, intégralement traité, en prévention, avant la réintégration des détenues femmes. Cette opération devrait durer jusqu’à la mi-mai 2025.
Contacté, le Ministère de la Justice n'a, pour l'heure, pas répondu à nos sollicitations.