#Nous Paysans : dans le sud Vienne, le rêve d'indépendance d'un agriculteur

En 2018, à l'âge de 30 ans, Elie Pontonnier change d'orientation professionnelle et se lance dans une activité maraîchère bio dans le sud Vienne. Depuis, son rêve de devenir "autonome" se concrétise chaque jour un peu plus.

En cette matinée de la fin janvier, Elie Pontonnier trie sa production de carottes, sous l'oeil attentif de sa chienne, Maya. A l'aide de son couteau, il élimine les restes de racines et de fanes et dépose ses carottes dans un grand cajeot, soigneusement alignées. Sur une étagère du hangar, d'autres cajeots de navets, de choux rouge et de choux frisés sont déjà triés, prêts pour la livraison du lendemain au magasin de producteurs de Montmorillon, March'Equitable.

Reconversion professionnelle

A 33 ans, il est l'un des 40 maraîchers associés dans ce regroupement de producteurs, pour la plupart installés dans le sud Vienne, à la limite avec le département de l'Indre. Il a rejoint la structure il y a tout juste trois ans, lorsqu'il a établi son exploitation à Gouex, après une reconversion professionnelle. De commercial dans une coopérative agricole, le jeune homme est devenu, à 30 ans, agriculteur bio.

Le système dans lequel je travaillais avant était généré par l'agriculture intensive. Il y avait un ras-le-bol. 

Elie Pontonnier, maraîcher

"Au bout de dix ans, je considérais avoir fait le tour de mon travail", se souvient-il. Elie Pontonnier était surtout à la recherche d'un travail en adéquation avec son militantisme écolo.

"Le système dans lequel je travaillais avant était généré par l'agriculture intensive", poursuit-il. "Je vendais des produits phyto-sanitaires, des semences. Il y avait un ras-le-bol, oui, de vendre tout ça, qui pour moi était de la consommation inutile, avec du gaspillage et ce n'était pas ma vision des choses, même si je travaillais dans une coopérative qui avait adopté un système le plus proche possible du modèle dans lequel j'évolue aujourd'hui."

"Econome et autonome"

Militant à la Confédération paysanne, le maraîcher fait partie du comité de la Vienne du syndicat agricole et est également adhérent du CIVAM du Montmorillonnais. Le réseau de Civam représente 350 adhérents dans la Vienne et accompagne "des initiatives locales de changements de pratiques pour aller vers des systèmes économes et autonomes" et vise aussi à "dynamiser les activités agricoles dans (les) territoires ruraux". 

"Econome et autonome", ces deux mots font écho dans l'esprit du jeune agriculteur. Lorsqu'il lance son activité en 2018, il déniche ses terres non loin de son lieu de vie. "Elles étaient non exploitées et partiellement entretenues. Il n'y avait pas eu d'agriculture dessus en 15 ans donc j'ai pu tout de suite débuter en bio sur 2 hectares."

De ses mains, il construit lui-même ses serres et son hangar dont il a découpé les planches à la scie et qu'il a ensuite patiemment monté. L'homme, particulièrement bricoleur, n'était pas non plus novice en matière de maraîchage. 

"Quand je travaillais en coopérative, je faisais aussi mon jardin après le travail. Je faisais également mon bois de chauffage pour l'hiver. Donc, ça ne me change pas tant que ça, même si c'est désormais à temps plein."

J'ai choisi le bio justement parce que ça me permettait d'être dans un système très autonome. Mon souhait aujourd'hui est de dépendre le moins possible de l'extérieur. 

Elie Pontonnier, maraîcher

Une reconversion fidèle à l'histoire personnelle

Sa reconversion vers l'agriculture, en mode biologique, se révèle finalement très fidèle à son histoire. Elie Pontonnier grandit non loin d'ici, du côté de Mazerolles, où ses parents vivent toujours. La famille est également militante écologiste. "J'ai un père anti-capitaliste qui a toujours voulu être autonome. Lui aussi a son jardin, ses chèvres pour son fromage, des poules, des ruches, des arbres fruitiers, il utilise ses noix pour faire son huile... Il est aujourd'hui retraité, c'était un peu dur adolescent, mon père n'est jamais parti en vacances, mais mes parents vivent sans générer de déchets."

De cette expérience, il semble garder une rigueur épanouie dans son choix actuel de vie.

"J'ai choisi le bio justement parce que ça me permettait d'être dans un système très autonome", confirme-t-il. "Mon souhait aujourd'hui est de dépendre le moins possible de l'extérieur. Ne rien avoir à acheter à un négociant, à une coopérative, à une entreprise marchande."

Comme exemple de son autonomie, il cite ses semences de haricots verts qu'il produit lui-même, la cendre de son bois de chauffage brûlé dans sa cheminée et qu'il utilise comme "amendement" pour le sol, ou encore la faible quantité de déchets qu'il génère avec sa femme, 100g par mois de déchets destinés à la poubelle noir, 2,5 kg par mois de déchets destinés à la poubelle jaune. 

Une activité rémunératrice

Pour lancer sa nouvelle activité, Elie Pontonnier reconnait néanmoins avoir emprunté un peu d'argent à la banque. "34.000 euros en tout", indique-t-il, "mais j'ai aussi bénéficié de 28.000 euros d'aides à l'installation, avec la dotation jeune agriculteur et l'aide de la région."

L'activité de son exploitation suffit aujourd'hui à faire face à cet emprunt et à le faire vivre. A l'année, il indique produire 1,8 tonnes de carottes, 2,5 tonnes de pommes de terre, 800 kg de tomates, autant de courgettes et près de 2.500 pieds de salades. L'ensemble lui permet de générer un chiffre d'affaires global de 35.000 euros. Si les chiffres paraissent modestes à l'échelle d'exploitations plus classiques, sa grande satisfaction aujourd'hui est de se verser un salaire mensuel de 1.500 euros, généré par la vente de sa production, et de vivre selon ses valeurs.

"Je travaille plus d'heures qu'avant mais j'ai aussi plus de liberté et ça, ça n'a pas de prix", ajoute-il. "Avant, j'avais plus de temps pour le bénévolat, au club de vélo, j'ai moins le temps maintenant. C'est une autre étape de ma vie."

L'époque actuelle de l'année nécessite une vingtaine d'heures de travail à la semaine, mais il sait que dès la mi-février, l'activité va reprendre intensivement.

"Entre le 15 avril et le 15 juin, je peux travailler jusqu'à 80 ou 90 heures par semaine...! Le pic, c'est en juin avec la récolte des légumes et ensuite de nouvelles plantations."

Elie Pontonnier vient de terminer de repiquer ses plants de mâche. Sous ses serres, les carottes nouvelles et les radis sont également depuis peu en terre. Sa livraison au magasin de producteur March'Equitable est attendue le lendemain à 13h30 pour une mise en rayon avant l'ouverture aux clients. 

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