"Faire vivre le drag à Poitiers" : quand Drag Race France aide à la visibilité des artistes locaux

À l’occasion de la finale de Drag Race France, une émission de concours de drag, le collectif "La Coloc drag" a organisé vendredi 19 juillet une soirée événement à Poitiers. Dix artistes ont réalisé des performances toute la soirée, une façon pour eux de reprendre possession des espaces publics et de se rassembler.

Un grand tapis rouge est déployé au milieu de la rue de la Regratterie, en plein centre de Poitiers. Une centaine de personnes attendent impatiemment le début de la représentation. Soudain, Luna Light s’avance. D’une démarche élégante et déterminée, elle se place au milieu de la foule qui l’acclame. Pendant plus de trois minutes, elle enchaîne les pas de danse sexy et les grands écarts impressionnants. C'est la soirée organisée par La Coloc drag de Poitiers à l'occasion de la finale de Drag Race France, diffusée sur France Télévisions.

Sur cette scène improvisée, Luna Light joue avec le public, fait voler ces cheveux blonds et sa traîne rose qui complète sa tenue de fée. Les téléphones brandis, les spectateurs tentent de filmer tous ses mouvements. La musique s’arrête, Luna Light se pose, les yeux rivés sur le public qui l’applaudit.

Lauryne, Lysandre et Marine sont venues assister à ce type de performances pour la première fois. "Je ne connaissais pas trop ce milieu-là, et franchement, c’est magnifique. Le fait qu’elles soient dans la rue, c’est bien, ça leur fait de la visibilité", confesse Marine.

Coup de projecteur 

Ce soir-là, dix artistes Drag Queen (forme d'expression artistique ouverte à tous, où des personnes performent un genre féminin, NDLR) et Drag King (forme d'expression artistique ouverte à tous, où des personnes performent un genre masculin, NDLR) ont participé dans la rue à l'une des soirées organisées par le collectif poitevin "La Coloc drag". Cet événement vient clôturer une série de soirées qui ont eu lieu tous les vendredis soir dans différents lieux à Poitiers, pendant un mois et demi.

L’émission est un succès télévisuel. En 2023, l’audience moyenne par épisode était de 810 000 téléspectateurs. Mais pour les artistes locaux, c'est un coup de projecteur sur leur métier. "On avait déjà testé cela l’année dernière à petite échelle et ça avait bien marché. On sait qu’il y a beaucoup de personnes qui suivent et pour nous, c’est une occasion d’avoir des soirées récurrentes dans des périodes de creux", explique Luna Light, drag Queen et co-fondatrice de La Coloc drag. 

Reprendre la rue 

Le soir de la finale à Poitiers, environ 300 personnes étaient réunies. Pour cette dernière soirée, le collectif innove et propose des shows et des DJ set dans la rue. "En ce moment, l’actualité politique est compliquée et on remarque une montée des agressions dans notre vie au quotidien. Tout le monde a besoin de faire la fête. C'est important pour nous de faire vivre le drag local et de s’imposer dans la rue sans que personne puisse nous dire quelque chose", ajoute Luna Light. 

Pour Arthur et Mathieu, qui viennent pour la première fois, "ça montre qu’à Poitiers, il se passe des choses. Ça interpelle des passants", racontent-ils.

On dérange, on provoque et tant mieux !

Luna Sangre

Membre du collectif La Coloc drag

Interpeller, interroger et éduquer : voilà pour ces performeurs l’essence de leur art. Luna Sangre est artiste drag à Poitiers depuis cinq ans et participe au collectif depuis ces débuts. "En étant dans la rue, on veut montrer qu’on peut dépasser la peur, et qu’on a notre place dans l’espace public, et s’exprimer comment on le souhaite. Pour bousculer la mentalité, c’est important, et ça passe par des choses simples et directes comme performer dans la rue. On dérange, on provoque et tant mieux !"

Créer des espaces bienveillants 

En plus de leurs shows dans la rue, le collectif a organisé cette soirée en partenariat avec deux bars de la ville : Le Caribou Café et l’Envers du bocal. Des lieux qui ont, pour cette occasion, laissé tomber la concurrence et se sont réunis pour créer un espace pour tous. “Nous, on avait une très mauvaise image aux yeux de la communauté LGBT, le but, c'est de montrer qu’on peut les accueillir de façon bienveillante et qu’on a le même combat”, affirme Effie Gonnin, serveuse au Caribou Café.  

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Pour le bar l’Envers du Bocal, rien de plus naturel que d’accueillir ces artistes locaux. “Elles avaient besoin d’un lieu et on a répondu présent, le but, c’est d’avoir une "safe place, d’échanger, de boire un verre et de se sentir en sécurité", explique Sam, cogérant du lieu. Au cours du mois de performance, le collectif a également organisé des soirées au Wallaby's et dans la boutique de vêtements "Huit Six". 

C’est important, car une ville doit vivre avec ces artistes locaux

Hélène Mathieu

Responsable communication du Grand Magasin

Pour leur scénographie, le collectif a été aidé par l’institution poitevine Le Grand Magasin. Décoration, paillette, lumières : le commerce a donné des lots pour habiller les lieux investis. "On a fait avec les moyens du bord", confie Hélène Mathieu, responsable communication du Grand Magasin. "C’est important, car une ville doit vivre avec ces artistes locaux, c’est une représentation importante, ça montre qu’une ville de taille moyenne peut avoir des propositions intéressantes".

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Pallier les difficultés économiques 

Derrière les costumes et les paillettes, l’art du drag est coûteux. Non-reconnaissance du métier, non-accès à l’intermittence, difficulté à trouver des lieux pour performer... Beaucoup d’artistes se retrouvent dans une situation précaire. "Sans des événements comme ceux organisés aujourd’hui, on ne vit pas. Les costumes et le maquillage, c’est énormément d’argent, pour la plupart, on fait juste cela, on n'a pas forcément de travail à côté", explique Teddy MiumMium, membre de La Coloc drag. Pour sa tenue haut en couleur, il a dépensé 150 euros, mais avoue gagner "50 euros environ" grâce à ce genre de soirée.

Pour Xoxo, Drag King "100 % poitevin", trouver sa place dans des shows est encore plus compliqué. "C’est très dur de trouver des shows pour "drag king" en France et donc d’être rémunéré. Moi, je trouve qu’il y a des manquements à ce niveau-là. J’ai envie de montrer qu’il y a de la diversité dans le drag et ce genre de moment, c’est une belle opportunité pour le faire", confie-t-il.  

Assise sur la terrasse de l’Envers du Bocale, Armelle et Sara ressortent satisfaite de leur soirée. "C’est important de dire que ça existe partout, pas que dans les grandes villes. Il faut les soutenir, pour que tout le monde se sente à l’aise d’être qui il est", concluent-elles. 

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