Le ministère de la justice a détaillé son plan de recrutement de magistrats, greffiers et assistants de justice pour la période 2023-2027. 100 nouveaux postes seront attribués à la juridiction de Poitiers. Des renforts qui ne suffiront pas, selon les personnels de justice.
"On ne peut que se féliciter pour ces annonces, ça fait longtemps qu'on réclame des moyens supplémentaires. Mais c'est nettement insuffisant, et c'est pour 2027. En attendant, comment on fait pour continuer comme ça ?", s'interroge Fabienne Averty, déléguée régionale de l'union syndicale des magistrats pour la cour d'appel de Poitiers.
Une situation de crise qui dure
Le manque de personnels dans les tribunaux n'est pas nouveau, la situation ne cesse de se dégrader et les dossiers en attente de s'accumuler. Fabienne Averty se souvient de la mobilisation de novembre 2021, où pour la première fois les magistrats étaient descendus dans la rue pour dénoncer des conditions de travail intenables : "3 000 magistrats avaient signé une tribune après le suicide de l'une d'entre nous. Il y a un énorme malaise au travail, une impression de mal faire son travail, un épuisement généralisé, une perte de sens réelle, des justiciables mécontents. Ça ne convient à personne" alerte-t-elle. "Notre ministre reconnaît enfin qu'on n'est pas assez nombreux, c'est une avancée. Mais c'est nettement insuffisant. Les moyens ne suivent pas" regrette-t-elle.
Le plan de recrutements du ministère
Le 31 août dernier, le ministre de la Justice a détaillé la répartition au sein des 36 cours d'appel de France des 1 500 postes de magistrats et 1 500 greffiers prévus par la loi d’orientation et de programmation 2023-2027 qui doit être définitivement entérinée par le Parlement à l’automne. "Ça représente une augmentation massive des effectifs, ça fait des années qu'on n'a pas vu cela" souligne le procureur général près la cour de Poitiers et président de la conférence nationale des procureurs généraux Eric Corbaux.
33 magistrats, 39 greffiers et 28 attachés de justice, voilà le quota attribué à l'ensemble des juridictions qui dépendent de la cour d'appel de Poitiers. "Nous allons maintenant être chargés de répartir ces effectifs sur les territoires, au plus près des besoins. Nous sommes en train d'élaborer des critères pour savoir où il va falloir affecter ces personnels" précise Eric Corbaux.
Actuellement, 179 magistrats sont en poste sur ce territoire, soit moins de 9 pour 100 000 habitants. "33 en plus, ce n'est pas énorme. On sera encore très loin des chiffres prônés par la commission européenne pour l'efficacité de la justice qui prévoit 22 juges pour 100 000 habitants pour une institution qui fonctionne correctement" tempère Fabienne Averty.
Même galère pour les greffiers
Garants du respect de la procédure, les greffiers assistent les juges pendant les audiences, et ont la charge d'authentifier les actes des magistrats. Eux aussi sont saturés de travail. "On annonce le recrutement de greffiers, mais pas le recrutement d'adjoints administratifs, indispensables pour s'occuper des convocations, des notifications. Aujourd'hui, il n'y en a quasiment plus. On est obligé de pallier tout un tas de carences, on travaille avec des logiciels archaïques, on ne peut être payé que 25 heures supplémentaires par mois et on en fait largement plus" dénonce Sophie Grimault, secrétaire générale du Syndicat des greffiers de France - FO à la cour d'appel de Poitiers.
À marche forcée
Sophie Grimault convient évidemment que ces recrutements vont faire du bien, "mais ce n'est pas avec ça que les juridictions vont bien fonctionner", tempère-t-elle.
Actuellement, le seul tribunal judiciaire de Poitiers compte 20 postes vacants. "Comment voulez-vous que ça fonctionne ? À marche forcée. Les collègues travaillent comme des forcenés" déplore-t-elle.
Le Procureur général de Poitiers précise quant à lui que des crédits sont prévus pour la location éventuelle de locaux supplémentaires, pour accueillir les nouveaux effectifs, qui devraient "permettre de réduire les délais."
Le garde des Sceaux a annoncé un objectif d'apurement de la moitié du stock des dossiers en attente d'ici à 2027. Magistrats et greffiers sont unanimes : c'est impossible.