Manifestation. "On veut un collège" : la communauté éducative en grève au collège Jean-Moulin de Poitiers

Ce mardi 21 novembre 2023, une cinquantaine de manifestants se sont réunis devant le collège Jean-Moulin de Poitiers. À l'heure du début des cours, ils ont réclamé une amélioration des conditions d'enseignement, à la fois pour les étudiants et les enseignants.

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Parents d'élèves et enseignants étaient à l'unisson ce mardi 21 novembre 2023 au matin, devant le collège Jean-Moulin de Poitiers (Vienne). "Depuis 2021, c'est une série de malfaçons qui nous dépassent", récapitule Nathalie Rimbaud, enseignante de français. Elle, comme la majorité de ses collègues, a fait grève pour dénoncer les conditions d'enseignement dans l'établissement et réclamer des améliorations alors que l'établissement est engagé depuis deux ans dans de lourds travaux de rénovation.

"Un sentiment de gâchis"

Les revendications, énumérées dans un courrier envoyé aux parents d'élèves, sont en effet nombreuses. Les personnes rencontrées sur place décrivent des locaux trop exigus pour les 830 élèves alors que l'établissement possède une capacité d'accueil de 700 élèves. "Nous avons subi les travaux en se disant que ce serait mieux après et bien, ce n'est pas du tout le cas", déplore Nathalie Rimbaud. "Les élèves sont massés, le hall est un goulot d'étranglement, c'est dangereux, surtout pour les petits." Céline, mère d'une élève de 6ᵉ, parle même de "jungle" pour désigner la cantine, partagée avec le lycée Réaumur."

On ne peut pas intervenir sur des mouvements de foule.

Nathalie Rimbaud

Enseignante de français au collège Jean-Moulin

Nelly Borne, représentante des parents d'élèves, mentionne un "courrier envoyé au Conseil départemental pour dénoncer la surpopulation de l'établissement." Les élèves patissent aussi d'un manque de professeurs. Céline, mère d'une élève de 6ᵉ, indique que sa fille "n'a eu que trois semaines de cours depuis la rentrée. Après la Toussaint, l'enseignant n'était plus là et il n'a pas été remplacé."

Des conditions d'enseignement dégradées

Depuis la tempête de l'automne 2023, le préau s'est envolé, laissant les élèves sans abri pour se protéger de la pluie et les obligeant à s'entasser dans les couloirs. À cause de cette situation, Benjamin, professeur d'Éducation physique et sportive, ne peut plus faire classe. "Nous avons trop de classes, et parfois, nous nous retrouvons à deux ou trois classes en même temps dans le gymnase", décrit-il. "Nous avons aussi perdu de la place dans les vestiaires, qui sont prévus parfois pour quatre classes, alors que ce n'est pas idéal que les collégiens se retrouvent avec les lycéens."

Nous ne pouvons pas assurer nos cours en toute sécurité.

Benjamin

Professeur d'EPS au collège Jean-Moulin

Pour les mêmes raisons, certaines classes ne peuvent plus avoir cours d'éducation musicale.

Des enseignants et des élèves stressés

Conséquences constatées par la communauté éducative : de la fatigue et des tensions, de plus en plus nombreuses. "Deux semaines après les vacances de la Toussaint, les élèves sont dans le même état de fatigue qu'en fin d'année", constate Nathalie Rimbaud. "Nous ne sommes pas là en tant qu'enseignants, mais en tant qu'encadrants des enfants", confirme Claire Marionnaud, professeure de français langue seconde.

La situation peut même franchement dégénérer. Pierre Lhomme, professeur d'histoire-géographie, décrit "une conseillère principale d'éducation insultée et intimidée physiquement par un parent d'élève lors d'une réunion il y a deux semaines. Ça, ça peut se passer dans d'autres établissements, mais dans notre contexte, c'est de trop." L'enseignant va même plus loin : "Ça fait trois ans, depuis la Covid, puis avec les travaux, qu'on est sous l'eau. On a fait cours dans des préfabriqués, dans le bruit des travaux, avec des volets qui ne s'ouvrent pas. C'est un vrai motif de souffrance."

Des conditions difficiles aussi pour les élèves : "Nous avons l'impression de parquer des animaux dans des enclos", s'énerve Andréa, Accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH). "Ce sont des élèves qui viennent de familles défavorisées, qui habitent des appartements petits, sans espace pour travailler. Il faudrait qu'ils puissent étudier normalement à l'école."

On passe notre temps à pallier aux problèmes du collège plutôt qu'à aider les élèves.

Andréa

Accompagnante d'élèves en situation de handicap

Boushra, elle aussi AESH, ajoute : "On voit bien qu'ils sont fatigués quand ils reviennent en classe. Et pour des élèves en situation de handicap, c'est encore plus difficile."

Une délégation reçue au département

Les manifestants se sont ensuite rendus au Conseil départemental où une délégation de cinq personnes a finalement été reçue, sous les hourras des membres de la communauté éducative. Elle était soutenue par Florence Harris, conseillère départementale d'opposition (Vienne en Transition). "J'ai alerté dès la rentrée 2022, j'ai écrit au président du département et j'ai aussi alerté en séance en octobre 2023", affirme-t-elle. "Quand on reçoit des vidéos où les professeurs font cours sous le bruit des marteaux-piqueurs, on attend une réponse."

Réponse qui leur a finalement été donnée. Une réunion est prévue "dans les prochains jours" avec Grand Poitiers, propriétaire des infrastructures sportives, selon Frank Fauquembergue. Le directeur de l'Éducation au département de la Vienne, déclare que "le département sera présent, même si ce n'est pas de sa compétence. Avec la construction d'une salle polyvalente et d'un foyer, le statu quo était impossible à maintenir sur les infrastructures sportives." Un nouvel espace couvert est aussi prévu : il s'agit du plateau handball de Touffenet, qui doit être recouvert d'une toiture avec panneaux photovoltaïques. Au départ prévu en 2023, le projet est repoussé à 2025.

Une solution a été proposée par Grand Poitiers : des créneaux de sport au gymnase Tassin La Demi-Lune : "Mais ces créneaux ne correspondent pas à l'emploi du temps, même si nous étions prêts à payer le transport des élèves", ajoute Frank Fauquembergue. "Le problème, c'est la saturation des équipements sportifs couverts sur Grand Poitiers."

Celui-ci tient à préciser que "certains problèmes mentionnés dans le courrier des manifestants sont réglés depuis longtemps. Sur le sujet des volets roulants, il y avait par exemple un dysfonctionnement électrique, dont je n'ai été informé que jeudi 16 novembre. Le sujet a été réglé dans les 24 heures."

Frank Fauquembergue demande plus de dialogue avec la communauté éducative : "Au département, on n'a pas de baguette magique, même si ce serait bien parfois. On aurait dû se parler avant."

Des chantiers devraient se terminer fin 2023

En revanche, les chantiers vont durer encore quelques mois au collège Jean-Moulin. La réfection du préau, détruit par les intempéries dans la nuit du 4 au 5 novembre, ne pourra se faire pas avant au moins six mois. "Je me suis rendu sur place le dimanche 5 novembre, pour prendre la mesure des dégâts et appeler des entreprises", se rappelle Frank Fauquembergue. "Le préau, qui était composé provisoirement d'éléments en toile, va être remplacé par un préau en dur. L'architecte a été missionné le 7 novembre, il y aura du travail, notamment sur les fondations. Je connais les conséquences, mais cela coûte aussi cher de faire du dur que du provisoire."

L'infirmerie, dont les manifestants écrivent qu'elle "fonctionne de façon dégradée et non confidentielle", est en fait "provisoire. L'infirmerie définitive sera livrée en janvier 2024."

Une carte scolaire réaménagée

Les effectifs du collège Jean-Moulin devraient diminuer d'ici à 2025 et le nombre d'élèves passer de 840 élèves en 2023 à 750, grâce à une nouvelle carte scolaire. "Les effectifs progressent fortement dans les quartiers Politique de la Ville, et il y a donc une hausse du nombre d'élèves à Jean-Moulin et Jules-Verne", conclut Frank Fauquembergue. "Une classe de SEGPA de Jean-Moulin, soit environ 60 élèves, devrait basculer au collège Henri IV à la rentrée 2025. Et les élèves de primaire de l'école Charles-Perrault au collège du Jardin des Plantes." Les réflexions au sujet de la resectorisation de la carte scolaire devraient débuter en janvier.

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