Dans une commune de 1 300 habitants de la Vienne, une dentiste belge a ouvert un cabinet pour donner des consultations une semaine par mois. Une aubaine en plein désert médical mais c’est avant tout une histoire d'amour.
« Bonjour, non, désolé, le cabinet ne prend plus de nouveaux patients. » Tut-tut-tut. Et ainsi de suite, de dentiste en dentiste, il faut parcourir toute la liste des Pages jaunes pour en dénicher un à Poitiers qui accordera un rendez-vous six mois plus tard. Un travail de patience… En dehors des villes, point de salut pour les dents ?
« Joli abcès ! Il faudra, ou bien enlever la couronne, ou bien faire un trou dedans. » La mauvaise nouvelle passe comme une lettre à La Poste. Birgit Suetens, avec un léger accent flamand dans la voix, s’adresse à son patient avec douceur et bonne humeur.
Là, à Lathus-Saint-Rémy, 1 300 habitants au sud-est de Poitiers, cette dentiste belge accueille ces patients une semaine par mois dans ce petit cabinet de campagne. Une étrangeté dans le désert médical qu’est devenue la France.
« Cela fait des années que nous n’avions plus de dentiste.» Eric, le malheureux propriétaire de l’abcès dans la couronne, a le sourire. Auparavant, il devait se déplacer jusqu’à Montmorillon, la ville la plus proche dotée de dentistes. « Pour nous, c’est une belle opportunité, tout est sur place, c’est très agréable. »
Une dentiste belge installée en plein cœur de la campagne poitevine… « J’adore la France ! », éclaire Birgit Suetens. La quinquagénaire a trouvé la maison de campagne de ses rêves en 2022 dans un hameau tout près. « Je suis déjà très contente d’être ici et cela me donne l’occasion de venir plus souvent et pas seulement pour les vacances. Maintenant, je peux venir une semaine par mois et j’en profite même, quand il y a des formations, pour venir deux semaines ! »
Huit mois de démarche
Birgit Suetens a ouvert son cabinet le 14 janvier 2024 dans une maison du village. Huit mois de démarche pour obtenir les autorisations de l’Ordre des dentistes. La mairie a activement participé aux démarches administratives.
« Nous avons eu une chance extraordinaire ! », se réjouit Antoine Selosse, le maire de Lathus-Saint-Rémy. « Notre dentiste, Birgit, est tombée totalement amoureuse de la commune. Elle nous avait parlé de son projet de s’installer et nous avons saisi l’opportunité en l’accompagnant et en trouvant les solutions pour qu’elle puisse venir une semaine par mois et dans l’avenir un mois complet. »
"J'ai l'impression de faire quelque chose de bien"
Birgit Suetens a du mal à répondre à toutes les sollicitations, surtout qu’elle doit gérer aussi son cabinet en Belgique situé entre Louvain et Bruxelles. « Le téléphone sonne souvent mais je ne peux pas toujours répondre. C’est difficile de donner des rendez-vous à tout le monde mais ce n’est pas moi toute seule qui vais résoudre le problème en France. Malgré tout, j’ai l’impression de faire quelque chose de bien. »
Onze mois de pratique, et cette dentiste ne regrette pas son choix. « J’ai passé une année très heureuse, je me suis fait plein d’amis. C’est pour cela que je voulais travailler ici, c’est mieux pour s’intégrer. »
Les joies de l'administration française
Et elle découvre peu à peu les particularités françaises : « Il y a plein de choses que je ne comprends pas mais cela va venir. L’administration française est très compliquée, surtout si la carte vitale ne marche pas. Et pour les remboursements, c’est complètement différent. Recoller une couronne, ce n’est pas cher mais ce n’est pas remboursé en France, ce qui est dommage. Ici, c’est mieux de remplacer la couronne car là, le patient est remboursé. Sauf que moi, je ne le savais pas. »
Elle expérimente maintenant deux cultures des soins dentaires, ce qu’elle trouve très enrichissant et lui ouvre un nouveau regard sur sa pratique en Belgique.
Des patients et des lapins
Seule ombre au tableau dans cette nouvelle vie, ce sont ces gens qui prennent rendez-vous et ne viennent pas. Sans prévenir. En août, sur une journée de neuf patients, six, oui ! six ! ont posé un lapin.
Malgré tout, Birgit Suetens rêve de devenir une dentiste poitevine à plein temps. Ce qui serait une bonne nouvelle pour le département de la Vienne. En 2022, il manquait 85 praticiens pour être dans la moyenne nationale. Un écart qui se comble malgré tout peu à peu et devrait être totalement résorbé d’ici cinq ans et plus.