En faisant du classement et du dépoussiérage d'œuvres anciennes, le conservateur des collections patrimoniales de la médiathèque François Mitterrand de Poitiers a découvert des dégradations sur un livre du XVIIe siècle. Elles datent peut-être de la Révolution...
L'ouvrage date de 1612. Il s'agit du tome X des œuvres complètes de Saint Thomas-d'Aquin, publiées en Latin à Anvers en Belgique. Un ouvrage certes précieux, mais pas forcément rare, c'est un livre imprimé dont il existe d'autres exemplaires en France.
Lors d'une opération de dépoussiérage et de classement, Florent Palluault, le conservateur des collections patrimoniales de la médiathèque François Mitterrand, là où le livre est conservé, a découvert des dégradations sur l'un des volumes. Une illustration a été découpée sur le tome 10,
Sur d'autres pages, on relève des traces de cutter qui font penser que le livre a pu servir de table de découpe, comme une planche à découper.
Ce qui est original dans cette histoire, c'est que les dégradations ne sont pas du tout récentes. Il ne s'agit pas d'un lecteur du XXIe siècle qui aurait eu une envie subite de découper une gravure. Selon Florent Palluault, le découpage est ancien. Son hypothèse est qu'il pourrait dater de la Révolution française :
Lors de la Révolution Française, l'État a confisqué les biens du clergé et donc les livres qui étaient dans les monastères. Certains sont alors passés de mains en mains, ont été vendus et n'ont pas reçu le soin qui leur était dû.
Florent Palluault, conservateur en charge des collections patrimoniales
Avant d'être conservé à la médiathèque le livre était détenu par le monastère Saint-Cyprien de Poitiers, érigé le long du Clain à la place de l'actuel hôpital Pasteur. Après 1789 il a donc été vidé.
La dégradation des livres n'est pas un phénomène de notre époque
Le papier était cher au XVIe ou XVIIe siècles et il n'était pas rare d'écrire sur les pages (quand on savait écrire) ou de découper des images que l'on trouvait jolies." Les livres sont des objets comme les autres, les propriétaires se les approprient, ils font des annotations" explique Florent Palluault.
Et même si la dégradation d'un livre est toujours triste, dans ce cas précis, elle n'est pas catastrophique. Comme l'ouvrage a été imprimé, il en existe plusieurs exemplaires et on peut très bien retrouver ce qui a disparu sur un autre livre.
Ce n'est pas une perte documentaire, c'est bien dommage, mais ce n'est pas catastrophique. Sur un manuscrit, c'est catastrophique parce qu'on ne retrouvera jamais ce qui a été détruit
Florent Palluault
Pour la petite histoire, la découpe de vieux ouvrages est toujours pratiquée. Certains brocanteurs ou antiquaires peu scrupuleux achète des livres anciens, découpent les illustrations et les revendent à la pièce pour encaisser des bénéfices.