Poitiers : la fermeture des cinémas en raison du Covid-19 bouleverse l'économie des salles obscures

Comme pour beaucoup de commerces, la fermeture des cinémas jusqu'au 15 avril occasionne de grandes incertitudes économiques. Autant sur l'avenir des exploitants en région que sur celui des distributeurs. Exemple à Poitiers.

La sortie du prochain James Bond au cinéma CGR ? Reportée! Celle de "Effacer l'historique", le nouveau film de Gustave Kervern et Benoit Delépine (bande-annonce, ci-dessous) au Dietrich, également reportée. Face à la crise du coronavirus, de nombreux distributeurs revoient leur programme de sorties de fond en comble. Tout comme les salles, bien obligées elles aussi de refaire intégralement leurs choix en vue d'une réouverture des salles dans un mois, ...ou plus tard. 


Effacer l’historique
Effacer l’historique Bande-annonce VF

En ce début de semaine, on se recontacte tous les uns, les autres. On s'envoie des messages de soutien ! Chacun sait que la période va être compliquée
(A. Boisgard, programmatrice du Dietrich)

Car, comme tous les commerces non essentiels en France, les cinémas ont eux aussi dû baisser le rideau, jusqu'au 15 avril, avec, comme toutes les entreprises du pays, des conséquences économiques bien réelles.

Comment va-t-on payer les salaires à la fin du mois ?  Va-t-on bénéficier de mesures de chômage partiel ? Ces questions reviennent aussi parmi les exploitants de salles de cinéma à Poitiers. En bas de la butte du centre-ville, le cinéma associatif Le Dietrich a fermé ses portes samedi 14 mars, comme les salles des multiplexes CGR de la ville. Le TAP Castille avait lui fermé la veille, sur décision municipale, la scène nationale étant hébergée dans des locaux appartenant à la ville. 

"Tout est en stand-by", raconte Amélie Boisgard, programmatrice du Dietrich. "En ce début de semaine, on se recontacte tous les uns, les autres. On s'envoie des messages de soutien ! Je reçois ceux des distributeurs de films et on leur envoie les nôtres. Chacun sait que la période va être compliquée."

Chômage partiel

Dans tous les cinémas poitevins, la question du chômage partiel se pose de manière évidente. 

"Les entrées payantes, c'est ce qui nous fait vivre", reconnaît Amélie Boisgard. "L'équilibre financier va être plus difficile à trouver. Zéro entrée cinéma, ça correspond à zéro rentrée financière alors qu'à la fin du mois il faudra payer les salaires des quatre salariés du cinéma."

Dans le cinéma associatif pictave, les mesures de chômage partiel sont envisagées. Les discussions seraient toujours en cours.
Au CGR de Buxerolles, cette étape a déjà été franchie. Les 15 salariés viennent de rentrer dans le dispositif.

"Cela inclut les 12 agents d'accueil", explique Stéphane Bossé, directeur du cinéma. "Mais aussi les trois membres de direction. A ces personnels, il convient d'ajouter le personnel des sociétés sous-traitantes, de ménage et de surveillance incident." 

Au TAP Castille également, les salariés ont appris qu'ils allaient bénéficier des mesures de chômage partiel avec le maintien de 100% de leur salaire. Au cinéma, cela concerne 9 salariés, projectionnistes, personnels de caisse et administratif.

"Le début de semaine est consacré à l'installation des outils de télétravail", explique Aldric Bostffocher, directeur cinéma au Théâtre Auditorium de Poitiers (TAP). "Pour l'instant, nous réglons des problèmes administratifs ou d'organisation d'événements à venir qu'il faut par exemple annuler ou reporter."

Quatre jours en salles, seulement!

Dans cette salle, au moins un film était programmé en sortie nationale depuis le mercredi 11 mars : "La bonne Epouse" de Martin Provost avec Juliette Binoche (bande-annonce ci-dessous). Comme au Dietrich, avec "Vivarium" de Lorcan Finnegan, il s'agit de deux films dit "porteurs" sur lesquels les salles espéraient attirer un grand nombre de spectateurs.

La Bonne épouse
La Bonne épouse Bande-annonce VF

""Vivarium" est un film qui n'aura été vu que quatre jours!", observe Amélie Boisgard. "C'est dur à la fois pour l'exploitant du film et pour la salle", observe-t-elle. Car, personne ne fait le plein d'entrées. Avec en plus la crainte que le film ne puisse pas continuer sa carrière en salles à l'issue d'un mois de fermeture. Même si, pour l'instant, les copies numériques n'ont pas été renvoyées aux distributeurs.

Poursuivre l'exploitation des films sortis le 11 mars, la question se pose dans les cinémas, même si pour l'instant, selon Aldric Bostffocher, "on ne sait rien".

"La question de la reprise est cruciale", poursuit Amélie Boisgard. "Avec quels films ? Y aura-t-il des prolongations ? Le saura-t-on à l'avance pour avoir le temps de prévoir nos choix de programmation et pour les distributeurs de faire leur communication autour des films."

"Cette reprise va nécessiter une certaine solidarité avec les distributeurs les plus fragiles"
, note Aldric Bostffocher. "Il faudra reprendre des films pour qu'ils soient vus!"

Bref, toute l'organisation des sorties de films est bousculée. Dès le début de la crise, des distributeurs ont anticipé et repoussé la sortie d'un grand nombre de films. Pour certains films privés de sortie en salles pour cause de coronavirus, le Centre National du Cinéma (CNC) envisage d'autoriser les distributeurs à accéder à la VOD (vidéo à la demande) - voir l'article de FrancetvInfo.

Pour la programmatrice du Dietrich, il est évident qu'il "va se produire un moment de flottement dans les prochains mois. Quand engager des frais de communication autour d'un film ? La question se pose! Pour les distributeurs c'est d'autant plus dangereux que la fermeture peut très bien aller au-delà du 15 avril et reporter à nouveau les sorties."

Cannes ou pas Cannes ?

Mais surtout, les professionnels du cinéma s'interrogent toujours sur la tenue ou non du prochain festival de Cannes. La décision devrait être prise mi-avril. Le festival fonctionne comme une formidable rampe de lancement pour de très nombreux films, à la fois à gros, moyens et petits budgets. Chacun pouvant prétendre à Cannes de trouver sa place dans le réseau de distribution des films. Un festival d'une telle ampleur supprimé aurait un sérieux impact sur les sorties de films. Car Cannes dispose du plus important marché du film au monde!

"Le cycle des sorties peut se retrouver ralenti" avec "moins de bouche à oreille autour des films", estime Amélie Boisgard. 

Sans compter l'absence des sorties de films en salles, au moment de leur présentation à Cannes. "Après le mois de mars, le mois de mai est une période très importante en matière de sorties de films", explique Aldric Bostffocher. "Nous avons chaque année en mai plusieurs grosses sorties cannoises dans nos salles art et essai et on ne sait pas du tout ce qui restera si le festival devait être annulé ou reporté."

"Un film comme "Parasite" de Bong Joon Ho, palme d'or à Cannes l'an dernier, n'aurait pas fait la même carrière en salle sans son prix", analyse Amélie Boisgard dont le cinéma a fait salle comble en sortie nationale de ce film. "Cette aura cannoise pourrait manquer dans les mois qui viennent en terme de fréquentation en salles, si jamais...", poursuit-elle.

Au CGR, on reconnaît que le cinéma se retrouverait moins affecté, car peu de films cannois sont programmés dans ses salles. On s'inquiète surtout "de savoir si les gens auront soif de sorties cinéma après le confinement!"
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