La cheffe du service des maladies infectieuses du CHU de Poitiers, France Roblot, a attaqué en justice un porte-voix des victimes de la maladie de Lyme, Matthias Lacoste, pour menace. Le procès tenu ce jeudi rouvre le débat autour du carractère chronique ou non de la maladie transmise par la tique.
La tique se trouve sur le banc des accusés, ce jeudi 24 janvier, au tribunal correctionel de Poitiers. En cause : un procès qui oppose la cheffe du service des maladies infectieuses du CHU de Poitiers, France Roblot, à Matthias Lacoste, un porte-voix des victimes de la maladie de Lyme, une maladie infectieuse transmise par la tique.
La praticienne attaquait le militant, président de l’association de patients Le Droit de guérir, pour invective, insulte et menace à son endroit.
En cause, une vidéo Facebook publiée en août dernier, dans laquelle Matthias Lacoste avait ouvertement critiqué France Roblot, jusqu’à la qualifier de "monstre" responsable "de millions d'erreurs de diagnostic". Des propos diffamatoires et outrageants selon Dr Roblot, qui a porté plainte.
Selon son avocat, les propos virulents de Matthias Lacoste l'ont été en réponse à une interview de la praticienne du CHU dans la Nouvelle République concernant la maladie de Lyme. Celle-ci estimait en effet que la qualification de cette maladie en "maladie chronique" ne reposait sur "aucune donnée validée".
Une véritable "provocation" pour le président de l'association de victimes, qui cherche à faire reconnaître la souffrance des malades, qui restent souvent sans diagnostic.
L'audience a été mise en délibéré jusqu'au 5 mars prochain.
« On va venir faire un petit tour dans votre service... On va s’occuper de vous faire une petite visite un de ces quatre... Préparez votre jolie blouse blanche... Bisou professeur au revoir »
— Antoine Morel (@F3AntoineMorel) 24 janvier 2019
Au delà de l'affaire, une polémique brûlante
Au delà de cette affaire, ressurgit la polémique autour de la chronicité de la maladie de Lyme, qui a commencé à enfler au début de l'été.Le 20 juin 2018, la Haute autorité de santé (HAS) dévoilait ses recommandations dans lesquelles elle reconnaissait notamment un certain caractère chronique à cette maladie, qui toucherait des milliers de personnes en France. La maladie de Lyme peut désormais s'appeler "le syndrome persistant polymorphe après une possible piqure de tique" (SPPT).
A Poitiers, France Roblot est la cheffe du service des maladies infectieuses du CHU. Elle est aussi présidente de la société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). Elle avait alors refusé de valider ce texte, et développé ses arguments à notre micro :
Pour la spécialiste, les études existantes permettent différentes interprétations. De plus, la reconnaissance du statut chronique de la maladie entrainerait une cure antibiotique systématique, non sans danger pour le patient atteint d’autres pathologies sans rapport avec Lyme. Celui-ci risquerait de rester dans une errance diagnostique et médicale et d’endommager sa résistance bactérienne à cause du traitement, selon la praticienne.On crée une définition pour une maladie qui n’apporte rien au patient, qui leur colle une étiquette, et je ne suis pas sûre que ça leur serve à quoi que ce soit, et qui ouvre la porte a des dérives d’interprétation, ce qui paraît préjudiciable pour le patient.
Dans la recommandation, on peut lire cette citation d’un membre de la @HAS_sante : « Nous sommes conscients que de nombreuses incertitudes persistent, mais il nous semblait indispensable d’établir de premières recommandations à destination des médecins de premier recours. »
— Antoine Morel (@F3AntoineMorel) 24 janvier 2019
Mais Matthias Lacoste, atteint de la maladie depuis trois ans, n'était pas de cet avis. Il estime, comme d'autres malades, qu'une forme chronique de la maladie existe.
Le militant n’est pas à son premier coup de théâtre pour mettre en avant cette maladie que beaucoup connaissent, mais qui soulève encore de nombreuses questions. En 2016, il était déjà entré dans une grève de la faim pour attirer l’attention médiatique sur le "déni" que subissent, selon lui, les malades de Lyme, dont beaucoup ont des difficultés pour se soigner, "souffrent, se suicident et ne sont pas pris en compte".
Difficile de connaître le nombre de malades en France. Selon une étude de Santé Publique France publiée en 2018, la prévalence de 55 cas sur 100 000 habitants évaluée en 2009 a connu une nette hausse en 2016 avec 84 cas sur 100 000 habitants.