Pour pallier le manque d’effectifs au sein du personnel, le CHU de Poitiers recrute. Une récente campagne publicitaire lancée fait polémique. Les syndicats hospitaliers montent au créneau. La direction, elle, plaide le second degré.
“On est choqués”. Jointe par téléphone ce jeudi, Karine Rousseau-Cingal, secrétaire générale CGT au CHU de Poitiers, accuse la dernière campagne publicitaire financée par l’établissement de santé d’être sexiste.
Sur une affiche, une infirmière prénommée “Nicole” annonce à un médecin qu’elle a été “recrutée directement en CDI”. Le médecin, qui l’en félicite, est assis à son bureau. “Donner cette image là, celle du grand médecin et de la petite infirmière dévouée, c’est dégradant”, déclare Karine Rousseau-Cingal. Elle dit avoir échangé avec des personnes qui se plaignent d'une campagne de publicité à "caractère archaïque, sexiste, et patriarcal".
Une campagne “sexiste, misogyne, rétrograde”
Le constat est le même pour le syndicat CNI 86. À Poitiers, son vice-président Florent Lieveaux confirme que la campagne de recrutement est “vraiment très mal perçue par les agents qui ne comprennent pas que la direction puisse faire de l’humour ces temps-ci”.
“Pour nous, cette campagne publicitaire est une campagne sexiste, misogyne et rétrograde”
Florent Lieveaux, vice président du CNI 86.
Mobilisé, le syndicat n’a pas pu échanger verbalement avec la direction du CHU de Poitiers. ”Nous avons tout de suite interpellé Madame Costa (directrice du CHU de Poitiers, ndlr). Dans un mail, elle nous a simplement indiqué que la campagne avait été validée par le directoire”. Le syndicat demande notamment le "retrait immédiat" de la campagne de recrutement.
Le CHU plaide le "second degré"
Contactée par France 3 Poitou-Charentes pour réagir aux réactions suscitées par cette campagne de communication, la direction du CHU de Poitiers défend ce jeudi une "démarche portée par la communauté hospitalière, soumise auprès d’étudiants et validée par le directoire de l’établissement". "La campagne qui vient d’être lancée, avec une tonalité volontairement décalée, s’appuie sur des images d’un thème de roman photos qui renvoie explicitement aux années 60 et 70 (...) Le décalage entre les mots et la photo invite le lecteur à une approche au second degré", défend Stéphan Maret, directeur de la communication du CHU de Poitiers.
Qu’elle que soit la campagne de communication, l’essentiel reste bien les mesures prises par le CHU de Poitiers pour mieux rémunérer son personnel
Stéphan Maret, directeur de la communication et du mécénat du CHU de Poitiers
"Le CHU de Poitiers est confronté aux difficultés que rencontre la grande majorité des hôpitaux sur les recrutements de personnel médical et paramédical", rappelle le directeur, qui indique que "depuis plusieurs semaines, ses sites d’urgence sur le département de la Vienne ont été durement éprouvés par cette situation alarmante".
Selon le site internet dédié au recrutement du CHU de Poitiers, 94 annonces pour des postes à pouvoir de suite sont en ligne. Ces emplois sont répartis entre tous les sites du CHU, à Poitiers, Châtellerault, Lusignan, Montmorillon et Loudun.
Un personnel soignant en souffrance
Outre les accusations de sexisme, la syndicaliste Karine Rousseau-Cingal dénonce le fait que l’obtention d’un CDI à l’hôpital soit perçu, dans la campagne de publicité, comme une victoire. “Signer un CDI ce n’est pas une victoire. On manque de personnel, on a des pédiatres qui s’en vont”, liste-t-elle, en rappelant que les services d’urgences de l’hôpital de Montmorillon près de Poitiers (Vienne) ont dû fermer plusieurs jours faute de personnel.
On a des collègues qui sont obligés de séparer leurs congés de 15 jours ou trois semaines qui ne peuvent pas les passer avec leur famille parce qu’on est en sous effectif.
Karine Rousseau-Cingal, secrétaire générale CGT au CHU de Poitiers,
Selon les syndicats, depuis la pandémie et la crise sanitaire liée au Covid-19, la situation de l’hôpital s’est largement dégradée. Tous se mobilisent pour alerter sur leurs conditions de travail. La semaine dernière à La Rochelle (Charente-Maritime), plusieurs grévistes du syndicat Sud-santé s’étaient installés dans le hall d’accueil du CHU pour dénoncer “une situation intolérable’.