Poitiers : nouveau départ et nouvelle déchirure pour les migrants

La quarantaine de Soudanais, venus de Châtellerault et Naintré, vont devoir se mélanger à d'autres demandeurs d'asile, Syriens, Irakiens et Afghans.
Un reportage de Laurence Couvrand et Hugo Lemonier

Ils avaient trouvé refuge à Naintré et Châtellerault à l'automne dernier, après avoir quitté la jungle de Calais. Certains de ces migrants sont déplacés, sur décision de la préfecture, dans un autre centre de transit, situé à Poitiers. La douche froide pour ces jeunes au parcours déjà difficile.

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Ces derniers mois, une petite communauté de Soudanais avait trouvé ses marques dans trois maisonnettes de Châtellerault, transformé en centre d'accueil et d'orientation (CAO) pour demandeurs d'asile. Un havre de paix après l'enfer de Calais.

Cette courte pause dans leur périple n'aura pas duré. La plupart de ces jeunes hommes originaires du Darfour, une région rongée par la guerre et la famine depuis 2003, va devoir quitter le petit potagé, aménagé avec l'aide d'associations. Il leur faut une fois de plus plier bagage. "Je suis triste, balbutie Alaeddine Adam. A Châtellerault, on était entourés de bénévoles très gentils".

La quarantaine de migrants de Châtellerault et Naintré n'était pas supposée rester aussi longtemps dans ce centre de transit, explique l'association Audacia, gestionnaire des lieux. Leur départ, bien que douleureux, était inévitable.

"Nous ne pouvons même pas voir leur chambre !"

Direction Poitiers Sud ; ils logeront dans l'ancien hôtel Formule 1, récemment racheté par la société Adoma. Cette entreprise à vocation sociale a été chargée par la préfecture de gérer ce nouveau centre de transit. Pour ses quelque 130 occupants, l'accueil n'a rien de chaleureux.

Un garde au polo, siglé "Sécurité", barre l'entrée. Seuls les salariés de l'association Audacia ont le droit de pénétrer dans l'enceinte de l'établissement. Les bénévoles, qui avaient tissé des liens fraternels avec les migrants, sont priés de rester sur le péron. "Nous ne pouvons même pas voir leur chambre !", sanglotte Annie, qui accompagne ces exilés depuis novembre.

Pas de cuisine

Oumar Ibrahim, en demande d'asile, ne dissimule pas sa colère. "Il n'y a pas de cuisine ! Comment allons faire pour manger ?, peste-il. Nous recevons une aide de 204 euros par mois... Où veulent-ils qu'on mange ? Au restaurant ?". Dans leur précédente maison, à Châtellerault, les migrants avaient gagné en autonomie. Midi et soir, tous se retrouvaient autour de la table pour partager un repas.

Au Formule 1 de Poitiers Sud, les règles pourraient être bien plus strictes. Les Soudanais du Nord Vienne se sentent poussés vers la sortie. "Ils nous ont dit : soit vous acceptez, soit vous allez dormir à la rue", témoigne Oumar Ibrahim. Yassin Mohammed confirme : "On nous traite comme des animaux !"

Dégoût, incompréhension, il faudra beaucoup de temps pour rétablir la confiance entre ces jeunes hommes et les autorités.
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