Profession particulièrement énergivore en raison du four à pain, la boulangerie artisanale est menacée par la flambée des coûts de l'énergie. A Saint-Maurice-la-Clouère dans la Vienne, un couple risque de devoir fermer l'établissement qu'ils ont ouvert il y a à peine trois mois.
"On avait une petite boulangerie en campagne dans le bourg de Gençay, on a emprunté 300.000€ pour déménager ici, on a remplacé deux compteurs bleus par un jaune, et on est passé de 1.200 à 6.000€ d'électricité par mois" résume Marina Fournier.
Marina et son époux Stéphane ont donc ouvert au mois de juin dernier cette nouvelle boulangerie, où ils emploient deux salariés à temps plein, deux à temps partiel, et cinq apprentis. Bien située à l'entrée du bourg, l'affaire tourne bien. "La boutique tourne super bien, on a dépassé le chiffre d'affaire prévu. Sans l'électricité, ce serait très bien" précise Marina.
C'est la banque qui va décider de la suite
Marina Fournier, boulangère à Saint-Maurice-la-Clouère
Pour faire face à cette situation financière périlleuse, Stéphane ne se verse plus de salaire depuis deux mois, et le couple a mis en vente la maison familiale pour venir habiter dans le local de gardiennage du commerce, avec leurs deux enfants de 11 et 17 ans. "Nous n'avons plus du tout de trésorerie. Là je ne peux pas payer les salaires de mes employés. J'ai dû appeler ma banque pour demander une autorisation de découvert." se désole Marina.
Le couple se démène pour trouver des solutions. Ils ont rencontré le député de leur circonscription, contacté la fédération des boulangers, la chambre des métiers, sans grand résultat. Stéphane est dépité : "Les aides de l'Etat, il y a trop de cases à cocher pour les toucher. Nous on a droit à rien. Même si la banque finit par nous suivre, c'est pas normal qu'on doive encore s'endetter."
Toute la profession est touchée
Marina et Stéphane sont loin d'être les seuls dans cette situation. Chambre froide, chambre de pousse, pétrin et surtout four à pain, la boulangerie est une activité extrêmement énergivore. Elle est donc fragilisée par la flambée des prix de l'électricité. Les compteurs jaunes, d'une puissance supérieure à 36 kilovoltampères, réservés aux professionnels, ne sont pas soumis à des tarifs règlementaires, et sont exclus des boucliers tarifaires mis en place jusqu'à présent.
Présidente de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Vienne, artisan pâtissière avec son époux à Montmorillon et élue au Conseil régional, Karine Desroses se démène pour venir en aide aux boulangers-pâtissiers qu'elle sait en détresse : "J'ai rendez-vous dans quelques jours avec le directeur de la Banque de France, je compte sur lui pour faire la médiation avec les banques qui font la sourde oreille."
L'espoir d'un bouclier tarifaire adapté
Elle est toutefois convaincue que le recours à de nouveaux emprunts bancaires ne peut être qu'une solution à court terme pour les professionnels, et qu'il va falloir légiférer pour les protéger. "J'ai alerté les parlementaires et le sous-préfet avant l'été, je leur ai à nouveau adressé un courrier il y a quelques jours. Tous les boulangers sont dans la même situation C'est invivable. Après deux ans de pandémie, cette hausse des coûts des matières premières et de l'énergie, c'est une catastrophe. On va avoir de la casse, malheureusement."
Elle convient que les réactions sont lentes à venir, mais espère que le gouvernement va mettre en place un bouclier tarifaire pour ces compteurs spécifiques.
Modèle récent, le four de Marina et Stéphane ne consomme que 30 kilovoltampères. Ils envisagent donc de repasser à deux compteurs bleus pour bénéficier des tarifs règlementés déjà en vigueur. Mais ce changement de compteur à un coût : 6.000€. Ils ont donc besoin d'une avance de trésorerie. Là encore, ils attendent une réponse de leur banque.
Reportage de Xavier Méric et Dounia Sirri