Réunis à l'appel des syndicats, les enseignants de la maternelle au lycée seront en grève ce jeudi 1ᵉʳ février. Ils dénoncent des conditions de travail dégradées, pour une rémunération inchangée. Ulcérés par les récents propos de la ministre sur l'école privée, ils demandent l'abandon des réformes promises par Gabriel Attal.
"Il faut sauver notre école publique." Comme 40 % des enseignants de la Vienne, Mathieu Menault, co-secrétaire départemental de la FSU-SNUipp, prévoit de prendre part à la grève des enseignants, ce jeudi 1ᵉʳ février. "Le système éducatif déraille, nous poussons encore une fois un cri d’alarme." À l'appel des syndicats Sgen-CFDT, UNSA Éducation, CGT Éduc'action, FSU et SUD éducation, les professeurs de la maternelle au lycée se rejoindront à 10 h 30, à Poitiers, avant d'entamer une marche vers le rectorat.
Amélie Oudéa-Castéra en ligne de mire
Ce sont les propos de la ministre de l'Éducation nationale et des Jeux Olympiques qui ont mis le feu aux poudres. "Quand on devient ministre de l’Éducation nationale, ce n’est pas pour promouvoir l’enseignement privé. Nous demandons un minimum de respect et la fin des effets d'annonce, tonne Guillaume Girene, enseignant encarté à l'UNSA Éducation. Amélie Oudéa-Castéra est notre troisième ministre en deux ans. Avec son double ministère, cela va être difficile de gérer tous les dossiers à moins de six moins des Jeux."
Mathieu Menault estime lui que "le positionnement de la ministre a permis de remettre sur la table la question du financement de l’école privée", subventionnée à 73 % par l'État.
Jeudi prochain, le corps enseignant entend dénoncer ce mépris et prendre position contre les réformes du collège et de l'enseignement professionnel, promises par Gabriel Attal dans son Choc des savoirs, annoncé en décembre dernier. À partir de la rentrée 2024, des groupes de niveaux devraient ainsi être mis en place en sixième et en cinquième, pour les cours de mathématiques et de français.
— CGT Educ'action 86 (@sden86) January 29, 2024
"Quelle stigmatisation ! Les groupes de niveaux ne permettent pas aux élèves de progresser : ils permettent seulement à ceux qui suivent bien en cours d'être plus concentrés. La vivacité, l’envie vont manquer aux groupes les plus défavorisés, déplore Nathalie Rimbault-Raitiere, professeur de lettres et syndiquée à la FSU-SNES. Nombre d'études montrent que mélanger des élèves de différents niveaux permet au contraire d'améliorer le niveau d'une classe. Un pays qui n’est pas capable de miser sur sa jeunesse, c'est très inquiétant."
Une crise de recrutement
Outre ce premier objet de lutte, les enseignants réclament de meilleures conditions de travail. "De plus en plus de collègues souhaitent quitter la profession. Un professeur de mon établissement a 60 ans : il lui reste trois avant la retraite, mais il veut partir avant, explique Guillaume Girene, membre de l'UNSA. D'autres collègues ont à peine deux ans d'ancienneté et envisagent déjà de changer de voie."
À la rentrée 2023, plus de 3 100 postes d'enseignants sont restés vacants, faute de candidats, alors que 12 millions d'élèves faisaient leur rentrée. En 2024, 20 755 candidatures ont été enregistrées pour les concours externes du Capes, contre 33 490 en 2019. Soit une baisse de 38 %.
Stagnation des salaires, difficultés relationnelles avec les élèves et charge de travail toujours plus importante... Autant de motifs invoqués par les manifestants qui réclament une hausse de 10 % du point d’indice des salaires de la fonction publique, promise par Emmanuel Macron en 2022.
Les AESH et enseignants en lycée pro eux aussi mobilisés
"Depuis des années, le système s’appuie de plus en plus sur les professeurs. Dans le premier degré, nous enseignons onze à douze matières par classe, on fait de la pédagogie avec les élèves, du relationnel avec leurs parents, énumère Mathieu Menault, encarté FSU-SNUipp. Maintenant, on fait aussi services sociaux, on doit être à la pointe de l’informatique, apporter la culture et faire de la prévention. Mais la reconnaissance administrative est la même."
Enfin, la suppression de postes prévues pour la rentrée 2024 inquiète grandement le corps enseignant. "Dans mon établissement, quand un enseignant est mis en arrêt maladie de plus de 15 jours, les trois quarts du temps, il n'est jamais remplacé, souffle Nathalie Rimbault-Raitiere. Les contractuels font tout ce qu’ils peuvent, mais l’éducation nationale ne les forme pas assez." La professeure de lettres dit éprouver "un sentiment de gâchis à voir que l'on sacrifie l'école".
Ce jeudi, les personnels accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les professeurs de l'enseignement professionnel rejoindront, eux aussi, les rangs du cortège. La mobilisation pourrait se poursuivre dans les semaines à venir.