Le 28 juin 2020, deux femmes sont élues le même jour à la tête d'une ville de Nouvelle-Aquitaine : Maïder Arosteguy, maire Les Républicains à Biarritz, et Léonore Moncond’huy, maire écologiste à Poitiers, aux antipodes de l’échiquier politique. Immersion dans leur quotidien de maire pour comprendre la politique au féminin.
Les femmes sont-elles plus douces, plus en retrait que les hommes ou, au contraire, plus dures lorsqu’elles ont le pouvoir ?
Cette question sur l’accession des femmes aux hautes fonctions de l’État ne cesse d’interroger. Et leur présence plus importante aux postes politiques clés, au fil des années, n’a pas pour autant clos le débat.
Le pouvoir au féminin
Pour démêler les vrais clichés des faux stéréotypes, la réalisatrice et intervieweuse politique, Hélène Risser, a choisi de filmer deux maires "témoins" afin d'explorer et d'analyser leurs actes depuis leur élection, en juin 2020 :
- La maire Les Républicains de Biarritz, Maïder Arosteguy,
- La maire écologiste de Poitiers, Léonore Moncond’huy.
Ces deux femmes très différentes ont accepté d'incarner, dans leur rôle de maire, l'exemple du pouvoir au féminin pour la réalisation de ce film. Les images de leur pratique, tournées au fil des mois, ont été confrontées aux travaux de chercheurs, spécialistes en biologie, neurosciences, psychosociologie et même éthologie, pour tenter de comprendre ce qui distingue le pouvoir au féminin.
Aux antipodes de l’échiquier politique a priori, plusieurs éléments révèlent cependant d’étonnants points communs. Et bien que le sujet soit délicat et qu'il soit difficile de faire la part entre tous les paramètres, certains résultats sont tout de même bien là : des différences existent bien dans le rapport au pouvoir entre les hommes et les femmes à travers ces deux exemples.
Les deux maires refusent que leur pouvoir puisse être interprété comme une domination.
Maïder Arosteguy, maire de Biarritz
Elue maire de Biarritz après une carrière de trente ans dans le conseil aux entreprises privées et publiques à travers le monde, Maïder Arosteguy a vite décidé que sa marque de fabrique serait d’accepter le débat, parfois vif et insolent, au sein de sa majorité très éclectique, allant de "Les Républicains", sa famille politique, au centre gauche et aux écologistes "avec même une communiste".
Succédant à Michel Veunac, maire de 2014 à 2020, le 28 juin 2022, avec 50,22% des voix, elle a rapidement imposé un style très différent de son prédécesseur, s'opposant au style du "traditionnel mâle blanc de plus de cinquante ans", devenant en ce même temps la première femme maire de la ville.
J'écoute, je laisse la parole, j'arbitre et je décide avec une volonté de réconcilier la société. [...] J'ai un référentiel de pouvoir qui n'est pas vertical.
Maïder Arosteguy
Ce sont initialement pour des raisons de parité (loi sur la parité homme femme du 6 juin 2000) qu'est proposé à cette Biarrote d'origine de rejoindre une liste électorale en 2008 alors que la politique ne l'attire pas spécialement.
La politique, ça ne m'intéressait pas plus que ça [...]. Je voyais ça comme un monde masculin et un peu de magouille.
Maïder Arosteguy
Moins idéologue que son homologue de Poitiers, le maire de Biarritz (au masculin selon ses souhaits pour opposer à La mère de famille) est une femme pragmatique et sans tabou. Après avoir découvert les arcanes d’une fonction publique municipale extrêmement verticale, "une organisation mise en place par des hommes est très patriarcale" estime-t-elle, Maïder Arostaguy s’emploie à instaurer, dans son administration, cette horizontalité qu’elle défend et promeut de façon pragmatique, pour son efficacité.
Léonore Moncond'huy, maire de Poitiers
En devenant, à seulement 30 ans, maire de la ville, Léonore Moncond’huy a mis fin à une ère socialiste de plusieurs décennies à Poitiers. Sa victoire aux élections municipales de 2020 a été possible grâce à Poitiers Collectif, un projet citoyen ouvert et démocratique, qui l'a choisie comme tête de liste. Un processus politique inédit.
Poitiers Collectif, démarche qui s'est montée en deux ans à l'échelle de Poitiers, vise à redonner confiance en la politique [...] en mettant le projet avant les têtes et l'équipe avant la tête. [...] L'élu-e tire sa légitimité du groupe.
Léonore Moncond'huy
La maire de Poitiers incarne le renouvellement des pratiques et des styles avec un mode de gouvernance différent de ce qui était mis en place par son prédécesseur Alain Claeys, maire de 2008 à 2020. Avec un programme ouvert sur la ville et participatif ainsi qu'une volonté de développer une plus grande proximité avec les citoyens grâce à des directs pour répondre à leurs questions, Léonore Moncond'huy a la volonté de développer une forme de gouvernance collaborative et transparente.
Ma décision intervient lorsqu'un élu la demande. Je tranche quand il y a des avis divergents. Je ne considère pas que toutes les décisions doivent passer par moi.
Léonore Moncond'huy
Trois ans d’action, mais aussi trois ans d’expériences inédites pour notre jeune équipe municipale !
— Léonore Moncond'huy (@L_Moncondhuy) July 6, 2023
💬 Dans une timeline originale, les élues et élus de #Poitiers Collectif vous racontent leurs surprises, leurs fiertés, le défi de concilier de multiples vies… ⤵️ https://t.co/hAlbO2flEM
L'accession des femmes au pouvoir
L’exercice du pouvoir est traditionnellement lié au sexe masculin jusqu'aux années 70, où la mixité est enfin admise en politique. C'est la Sri Lankaise, Sirimavo Bandaranaïke, qui est la première femme à prendre la tête d’un gouvernement. Suivent ensuite les emblématiques Golda Meir en Israël, Simone Veil en France, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne surnommée "La dame de fer" ou encore Indira Gandhi en Inde. Mais le monde politico-diplomatique dans lequel elles ont évolué étant culturellement masculin, leur pratique et leur style de pouvoir fut adapté et conditionné à leurs interlocuteurs.
En politique, si vous voulez des discours, demandez à un homme, si vous voulez des actes, demandez à une femme.
Margaret Thatcher
Et puis, la génération suivante a voulu revendiquer sa spécificité féminine dans l'exercice du pouvoir, à l'image de Ségolène Royal dans sa campagne présidentielle de 2007. Mais, il faudra attendre encore presque quinze ans pour qu’une génération d’élues tente d’aborder le pouvoir avec un regard neuf, avec une touche féminine bien à elles, à l'image des deux protagonistes du documentaire "Le pouvoir a-t-il un sexe ? Si oui, lequel ?".
Alternant le quotidien des deux maires de Biarritz et Poitiers, d'entretiens avec elles, face caméra, d'images d'archives de l'INA et de retours d'expériences, ce documentaire inédit apporte un éclairage subtil sur le pouvoir au féminin en comparaison avec des stéréotypes associés aux femmes politiques. Il est également un regard porté sur deux villes aux deux extrémités de la région Nouvelle-Aquitaine et sur la politique globale de Maïder Arosteguy et de Léonore Moncond’huy.
Le pouvoir a-t-il un sexe ? Si oui, lequel ?
Diffusion : jeudi 16 novembre à 22.55 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
Visible sur france.tv 7 jours avant la diffusion
À voir ou à revoir en replay sur france.tv 30 jours après la diffusion
Ecrit par Hélène Risser avec la collaboration de Capucine Lebois
Réalisé par Hélène Risser
Une coproduction Day for Night et Public Sénat avec la participation de France 3 Nouvelle-Aquitaine
Durée : 52 min