Paroles de confinés : "Je ne vois plus maman à l'Ehpad, je ne sais pas comment je vais la retrouver !"

Martine Mondon vit à Poitiers. Sa mère, âgée de 95 ans, est résidente d'un Ehpad situé près de chez elle. Depuis le début de la crise sanitaire, elle ne peut plus rendre visite à sa mère. "Je ne la vois plus alors que c'est vraiment en voyant les gens de visu que l'on comprend comment ils vont !"

"Pour l'instant, c'est le début du confinement, donc ça va. Mais je ne sais pas comment on va retrouver maman dans un mois, ou dans deux mois !"
"Elle a 95 ans, elle commence à avoir des problèmes cognitifs et, effectivement, depuis le début de la crise, mes soeurs et moi ne pouvons plus lui rendre visite. La maison de retraite où elle vit est une bonne maison de retraite, il n'y a pas de problème. Ils organisent des Skype une fois par semaine, on l'a au téléphone, et pourtant, c'est difficile car je ne la vois plus alors que c'est vraiment en voyant les gens de visu que l'on comprend comment ils vont."

Quand maman avait le cafard, je pouvais passer la voir tout de suite, j'habite tout près. On parlait et puis ça allait mieux. Maintenant, je ne peux plus.
- Martine Mondon

"Par exemple, elle avait un problème dentaire que l'on devait régler, c'était avant le confinement. Elle avait un rendez-vous mais on a dû l'annuler. Avant, en passant la voir, je pouvais vérifier si ses dents étaient propres, lavées, là aujourd'hui, je ne peux plus et les aides-soignantes n'ont pas forcément toujours le temps... Pareil pour ses plantes, je les arrosais quand je passais la voir." "Et puis, il y a une chose, quand maman avait le cafard, je pouvais passer la voir tout de suite, j'habite tout près. On parlait et puis ça allait mieux. Maintenant, je ne peux plus."

On ne sait pas vraiment comment elle vit ça. On lui téléphone tous les jours. Aujourd'hui par exemple, elle avait beaucoup de mal à s'exprimer. 
- Martine Mondon

"Maman a des problèmes de mémoire, elle perd ses mots et j'ai bien compris qu'elle ne veut pas que ça se voit car elle ne veut pas paraître bête face aux autres. Elle ne parle vraiment qu'avec nous d'où l'importance de maintenir une présence pour qu'elle ne décline pas."

Difficile communication par Skype

"Je lui ai parlé une fois par Skype. C'était très dur car elle était pertubée, elle me voyait sur cet écran, elle était sidérée, elle ne comprenait pas ce qui se passait, alors on a arrêté Skype."

"Je préfère lui parler au téléphone. On lui téléphone tous les jours, mais elle a de plus en plus de mal à parler. Aujourd'hui par exemple, elle avait beaucoup de mal à s'exprimer. On ne sait pas vraiment comment elle vit ça, cette période. C'est d'autant plus compliqué qu'elle doit porter ses appareils auditifs qu'elle ne met pas forcément. Elle ne sait pas toujours où elle les range et sans, on ne peut pas se parler."

Maintenant, elle voit les aides-soignantes porter des masques, elle ne comprend pas. Elles lui expliquent et puis elle oublie tout de suite. 
- Martine Mondon

"Maman est à un stade où tout évolue très vite. Dès qu'il y a un événement qui sort de l'ordinaire, elle décline très vite. Si elle ne comprend pas ce qui se passe, elle dégringole. Maintenant, elle voit les aides-soignantes porter des masques, elle ne comprend pas. Elles lui expliquent et puis elle oublie tout de suite." "Pour ma part, comme je lui faisais ses lessives, d'un côté, j'en ai moins à faire, mais de l'autre, c'est de la peine. Tant qu'on arrivait à la voir, à lui parler de visu, ça allait, mais là, on a quand même passé cinq jours sans pouvoir lui parler!" "C'est lourd d'avoir une mère en maison de retraite..."

Les propos ont été mis en forme et édités pour plus de clareté. Cet entretien a été réalisé par téléphone jeudi 2 avril.

Cette série, "Et vous, comment vous en sortez-vous ?" s'inspire du travail de la journaliste Mary MacCarthy qui, depuis le début de la crise du Covid-19 aux États-Unis, recueille des témoignages qu'elle publie sur une page Facebook dédiée, que nous vous invitons à suivre ci-dessous.