Depuis mercredi 22 juillet, le secret médical pourra être levé en cas de danger immédiat pour les victimes de violences conjugales. Mais si l’objectif de cette loi est de protéger les victimes, certains médecins craignent l’inverse.
Mardi 22 juillet, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi qui introduit une exception au secret médical, en cas de danger immédiat, pour les victimes de violences conjugales. Ainsi, les médecins et autres professionnels de santé pourront alerter les autorités s’ils estiment que la victime est en danger.
Un texte “inquiétant” pour le Planning Familial de la Gironde. “On se demande si le législateur a réfléchi aux conséquences. Visiblement non. Le gouvernement a encore fait un effet d’annonce parce que c’est la grande cause du quinquennat. Ce texte n’apporte rien et aura potentiellement des conséquences néfastes pour les femmes”, explique Amandine Steiner-Leclerc, co-présidente du Planning Familial de Gironde.
Beaucoup d’émotion ce soir !
— Bérangère Couillard (@BCouillard33) July 16, 2020
La #PPLViolencesConjugales est définitivement votée
➡️3 grandes priorités : la protection des victimes, celle de leurs enfants & la prévention des violences
?MERCI aux acteurs de terrain qui agissent quotidiennement contre les #ViolencesConjugales pic.twitter.com/T13wwAJCpa
Perte de confiance
Une décision pourtant saluée par Marc Hung, médecin généraliste à Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne. “Souvent, j’aurais aimé que la justice intervienne. J’ai eu une patiente qui est venue quatre fois pour un certificat médical. Elle ne voulait pas porter plainte, et face à elle, j’étais démuni. Avec cette loi, je pourrais agir”, explique le médecin.Mais si sur le papier la loi souhaite protéger les femmes, elle ajoute en réalité de nombreuses barrières au dialogue. “On reçoit régulièrement des femmes qui nous disent ne pas vouloir parler aux assistantes sociales de peur de voir leurs enfants placés. Et puis, il y a l’agresseur, qui sera mis au courant que sa victime a parlé”, illustre la co-présidente du Planning Familial. Pour porter plainte, il faut attester des violences par un certificat médical, délivré par le médecin. Un moment crucial qui risque de disparaître, si les patients ont peur d’être signalés. Pour Arnaud Gaunelle, médecin généraliste à Lormont, il s’agit même d’une forme de déresponsabilisation de la victime. “Si on fait un parallèle avec les mineurs, on comprend l’obligation de signaler et dénoncer. Pour une femme adulte, la question doit se poser différemment parce que cela signifie passer outre son souhait de conserver le secret.”
Amandine Steiner-Leclerc évoque même un processus d’infantilisation de la femme. “En donnant la possibilité de passer au-dessus du consentement des victimes, on présume qu’elles ne sont pas capables d’aller chercher de l’aide par elle-même”, dénonce la co-présidente du Planning Familial. Le médecin girondin alerte aussi sur le processus psychologique du dépôt de plainte pour une victime. “Si la situation est grave, il faut agir immédiatement. Mais pour certaines victimes, il faut les inciter, évidemment, mais il faut leur laisser le temps, explique le praticien. Certaines patientes ont attendu plusieurs jours entre l’obtention du certificat médical et le dépôt de plainte.”
Responsabilité du médecin
Si rien n'oblige les médecins à signaler leurs patientes, leur responsabilité peut être engagée par la suite. “Si une personne décède et qu’on dit que le médecin savait et qu’il n’a rien dit, on peut être jugé pour ne pas avoir agi. Si on signale une victime sans son accord, on peut la mettre en danger. Dans les deux sens, la décision peut être critiquée”, regrette Arnaud Gaunelle.Ce choix, Marc Hung le voit pourtant comme un devoir de citoyen. “Il faut prendre nos responsabilités. Si on a les capacités de pouvoir aider une personne, surtout nous, médecins, il faut le faire. Sinon, c’est de la non-assistance à personne en danger”, martèle le médecin villeunevois.
Pour le médecin de Lormont, il faut que cette mesure s’intègre dans une logique d’accompagnement. “Nous ne sommes qu’une partie de la chaîne. Si on signale les victimes et que derrière, rien ne se passe, on peut les mettre encore plus en danger”, souligne Arnaud Gaunelle. Il faut ainsi “investir dans des outils d’accompagnement et de justice” pour permettre aux victimes de s’éloigner de leur agresseur.Certains comités locaux #NousToutes restent actifs pendant l'été. Retrouvez leurs coordonnées sur la carte #NousToutes. https://t.co/uuSUQzr6Br pic.twitter.com/M2gFW9VjIt
— #NousToutes (@NousToutesOrg) July 19, 2020
Un avis que partage le Planning Familial. “Avant de signaler, il faut pouvoir être capable d’aider la victime. Or, aujourd’hui, il y a encore beaucoup de travail en matière de formation des professionnels, d’hébergements et de procédure judiciaire”, regrette Amandine Steiner-Leclerc.
Pour rappel, depuis le début de l’année 2020, 53 féminicides ont été recensés en France., selon Nous Toutes.
Si vous avez besoin d'aide ou que vous souhaitez aider un proche victime de violences conjugales, appelez le 3919.