Jose Luis Zumeta s’est éteint, et s’il existe un autre monde, alors nul doute, il est déjà en train de le colorier comme il mit en couleurs le sien, sur terre.
Tous ceux qui rendent hommage à cet artiste l'associent aux couleurs. Son œuvre est un feu d’artifice. 

Même lorsqu’il traitait de thèmes graves, comme le bombardement de Guernica, en 2000, rendant hommage à Picasso, il jouait avec les couleurs. Une façon pour lui de fuir le gris de la dictature de Franco, au début de laquelle il naquit. Zumeta disait souvent que lorsqu’il s’installait devant une toile, les pinceaux et les couleurs le conduisait vers ce qui deviendrait peinture. Il commençait une œuvre en suivant le mouvement que lui proposaient les couleurs. Sans schéma préconçu, en totale liberté. Il se fiait au hasard.

Les choses qui adviennent par hasard, sans les vouloir, sont les plus belles. Celles qu’offre le sort. Elles me stimulent, plus que le savoir.
Jose Luis Zumeta

L’artiste guipuzcoan expose souvent en Pays basque, mais tout autant à New York, Madrid, Valence, Barcelone, Mexico, Evanto. Connu et reconnu, musées et galeries lui ouvrent les portes et les critiques lui consacrent nombre de papiers et articles laudatifs. Mais aussi et surtout, son pays fait sienne son œuvre.  
 

Pour lui, il n’y avait pas de frontière entre les « spécialistes » et « les autres ». Il donnait vie à l’arc-en-ciel qui était en lui. Beaucoup comprirent et aimèrent la force et l’énergie vitale qu’il exprimait à travers ses peintures. Intuitivement. Combien de fois Zumeta offrit-il une œuvre en soutien à telle initiative, tel projet, tel journal ou telle association ? Il poursuivait le chemin du groupe d’artistes Gaur* : être d’un pays, en être partie prenante. Ce pays, le Pays basque et le monde.

 Zumeta est vrai et pur.
Ce peintre qui dépasse les limites de l’expressionisme, de l’abstraction et de la figuration qu’il explore tour à tour, donne à la couleur sa véritable valeur et fonction. Il reprend le flambeau des artistes du Néolithique des grottes d’Ekain.
Jean-François Larralde, critique et professeur d’Art. 

José Luis nait à Usurbil près de Saint Sébastien, quatrième enfant d’une famille de huit. La modeste ferme familiale du quartier San Esteban subvient tout juste aux besoins. On l’envoie à l’âge de cinq ans chez des tantes à Saint Sébastien pour qu’il étudie chez les Frères de l’école confessionnelle La Salle. C’est là qu’il commence à peindre, comme il le confia à Amets Arzallus, dans une interview à l’hebdomadaire Argia (Lumière) en 2008.

Je ne parlais pas espagnol alors. C’est sans doute pour cette raison, que je dessinais et dessinais.
Le dessin me protégeait de ce monde étranger.
Jose Luis Zumeta

Zumeta souligne que les Frères qui enseignaient à La Salle accordaient beaucoup d’importance au dessin et à la calligraphie. Deux après-midis par semaine ils avaient cours de dessins. Là se révèle son don. A 14 ans il commence à travailler dans une imprimerie de Saint Sébastien dont le directeur encourage son appétence pour le dessin, Antonio Valverde, lui-même peintre à ses heures. A 20 ans, José Luis part pour Paris. Là il étanche sa soif de littérature et d’arts plastiques : Pablo Picasso, Paul Klee, Asger Jorn, son mouvement CoBrA et l’Internationale situationniste. Il fait la connaissance d’un autre Basque de Saint Sébastien, le peintre Rafael Alberdi. Il continue de dessiner. Souvent sur un trottoir, à la craie, les passants lui laissant parfois une pièce.  Il apprécie cette vie de Bohème, découvrant et jouissant d’une liberté inconnue et impossible dans l’Espagne d’alors.  
 

A son retour en Pays basque, il travaille à ses premières expositions et rejoint au début des années 60 le groupe Gaur (Aujourd’hui) créé par Jorge Oteiza, architecte, sculpteur et penseur de renom déjà à l’époque. L’aventure dure deux ans, pendant lesquels le collectif fait connaître la peinture et la sculpture basques au monde, en lui donnant des bases solides dans un esprit d’ouverture inimaginable alors.  

Zumeta s’investit aussi dans des espaces et expériences artistiques transversaux. Ainsi avec Ez dok amairu (intraduisible), où il travaille avec des musiciens, des chanteurs et des poètes qui révolutionnent la culture basque et la font rentrer dans la modernité et le concert international de la création contemporaine. Là nait une amitié et une complicité à jamais avec le poète Joxean Artze et Mikel Laboa. Ce sont des années splendides et fructueuses pour la culture basque qui sort de son ghetto et s’ouvre à tous les courants artistiques du monde et les enrichit aussi.   

*Que fut le groupe Gaur ?

Des sculpteurs : Jorge Oteiza, Eduardo Chillida, Nestor Basterretxea, Remigio Mendiburu.
Des peintres : Amable Arias, Jose Antonio Sistiaga, Rafael Ruiz Balerdi, Jose Luis Zumeta.

Comme Gaur en Guipuzcoa, des collectifs d’artistes furent créés en Biscaye, Emen (Ici), Orain (Maintenant) en Alava et Danok (Tous) en Navarre. En ces temps de dictature, l’objectif était de briser l’isolement qui était imposé aux artistes, de multiplier les liens artistiques à l’international et de se faire connaître dans le monde. Ils critiquaient et questionnaient l’Art officiel de l’Espagne franquiste.   

Zumeta est exposé entre autres à la galerie Kur à Saint Sébastien, à la galerie Zubi-Arte à Urdax (Navarre) et au Musée des Beaux Arts de Bilbao. 
 

Zumeta venait de fêter ses 81 ans. Il continuait de peindre. En maintenant sans cesse ce lien avec son pays, sa culture. Toujours à l’écoute d’autrui. En témoigne Oi ! Bihotz (Oh ! Cœur), album et expo de ses sérigraphies inspirées d’écrits et poèmes de patients de l’hôpital psychiatrique de Mondragon.  Son environnement sociétal, humain et géographique était source d’inspiration. Dans son atelier de Saint Sébastien, puis Atallu en Navarre et enfin à Usurbil.
 
Plus que tout, les dessins et peintures des enfants le touchaient et l'émerveillaient. Cette fraîcheur du regard porté sur le monde et de son interprétation, conservée tout au long de sa vie, explique sûrement la popularité de Zumeta. Le béret qu’il portait ces dernières années, la malice qui iradiait ses yeux, la douceur de son sourire, ont dessiné le portrait de l'artiste à l'oeuvre immense. Le confinement dû au Coronavirus aura empêché pour l’heure, les hommages que le Pays basque aurait voulu lui rendre. Mais nombre de citoyens ont tout de même déposé des petits bouquets de fleurs au pied de sa photo, collée à l’annonce de son décès sur la fresque en céramique qu’il avait offert à sa son village, Usurbil.

 
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