L'affaire des paris illicites et du match suspecté de trucage revue en quelques points. Les protagonistes, les avocats, la justice et le rappel des faits.
Le point sur l'affaire des soupçons de match truqué autour de la défaite de Montpellier à Cesson le 12 mai, avant l'arrêt jeudi de la chambre de l'instruction sur le contrôle judiciaire des joueurs de Montpellier mis en examen pour escroquerie. (AFP).
Q: Que prévoyait le contrôle judiciaire des joueurs?
R: D'abord une caution égale au montant des gains que les paris auraient rapporté à chacun (mises incluses), soit 73.000 euros pour le plus gros parieur, le patron d'un bar; 25.000 euros pour Luka Karabatic; 11.600 euros pour Mladen Bojinovic, Dragan Gajic et Issam Tej; 9.000 euros pour Samuel Honrubia;
4.500 euros pour Nikola Karabatic. Le contrôle prévoit aussi une interdiction de rencontrer les autres mis en examen, ainsi que les membres du club. Cette interdiction, si elle est levée par la cour d'appel, ouvrira la porte aux explications souhaitées par le club et à des sanctions. Dragan Gajic, qui a bénéficié d'une levée partielle de son contrôle vendredi, a reçu mardi une convocation du club à un entretien qui pourrait aboutir à son licenciement. Le club, qui a perdu un partenaire important (Brother) à cause de l'affaire, a déclaré qu'il sanctionnerait au cas par cas.
Q: Quels sont les éléments à charge?
R: Selon une source proche du dossier, des joueurs et leurs proches ont parié sur le score à la mi-temps alors qu'ils n'avaient jamais parié auparavant. Ils se sont téléphonés le matin, ont joué à peu près à la même heure et ont parié à coups de billets de 100 euros pour ne pas avoir à donner leurs identités. "Ils se sont mis d'accord pour laisser filer le score d'un ou deux buts", a ajouté cette source. "Cela pouvait passer inaperçu: un tir à côté, un but encaissé", a souligné une autre source proche du dossier. Montpellier avait perdu 31 à 28, après avoir été mené 15-12 à la mi-temps.
Q: Que répondent les avocats ?
R: "C'est de l'insouciance collective. Tout le monde y va ensemble. Il y a un effet boule de neige", déclare Me Franck Nicolleau, avocat du gardien Primoz Prost. "Il y en un qui a réussi à convaincre les autres. Ils savent qu'il y a des morts de faim (les joueurs de Cesson-Sévigné), qui doivent tout donner et généralement ces équipes donnent tout en première période. Quant à jouer, ils savent peut-être qu'ils n'en ont pas le droit. Mais braver l'interdit, c'est inhérent à l'espèce humaine", ajoute Me Frédéric Landon, avocat de Gajic.
Q: Qui a fait quoi?
R: Tous nient avoir truqué le match. Luka Karabatic, sa compagne Jennifer Priez, Prost, Bojinovic, Géraldine Pillet, la compagne de Nikola Karabatic ont avoué avoir parié. D'autrent nient: Gajic, Tej et Nikola Karabatic. Une source proche du dossier affirme toutefois que c'est avec la carte bleue de Nikola Karabatic que sa compagne, Géraldine Pillet, a retiré les 1.500 euros qu'elle a utilisés pour parier.
Q: Le match pouvait-il être truqué?
R: Selon la défense, personne n'a trouvé à redire. En plus, la majorité des mis en examen (Nikola et Luka Karabatic, Bojinovic et Honrubia, tous blessés) n'étaient pas sur le terrain. Et les présents ont affiché des statistiques ne laissant aucun doute: 75% de réussite pour Tej, 10 sur 12 aux tirs pour Gajic
alors que Prost a joué mais... en seconde période.
Q: Que prouvent les écoutes téléphoniques?
R: Rien, affirment les avocats, concernant le match truqué, même si les écoutes démontrent une panique générale des joueurs lorsqu'est révélé le fait qu'ils ont parié.
Q: La défense a-t-elle d'autres arguments?
R: Me Luc Abratkiewick, l'avocat de Mladen Bojinovic "soutient mordicus" que l'interdiction faite aux joueurs concernait seulement les paris en ligne et qu'ils avaient donc le droit "de parier en dur" à savoir dans un bureau de la Française des jeux. Pour lui, la Fédération n'a changé ses règlements qu'en juin, c'est-à-dire après le match incriminé.
Les contrôles judiciaires des 5 joueurs levés par décision de la cour d'appel
La cour d'appel de Montpellier a levé jeudi le contrôle judiciaire des handballeurs, dont Nikola Karabatic, mis en examen pour "escroquerie" dans l'affaire des soupçons de match truqué sur fond de paris sportifs, ouvrant ainsi la porte à des licenciements.
La chambre de l'instruction est allée au-delà des réquisitions du parquet général qui avait simplement demandé d'assouplir les modalités du contrôle pour permettre aux joueurs mis en cause de rencontrer la direction du club de Montpellier.
Mais comme l'avaient demandé leurs avocats, la cour a levé jeudi les deux volets du contrôle judiciaire: les cautions équivalentes aux mises et aux gains des paris incriminés portant sur le score à la mi-temps du match Cesson-Montpellier le 12 mai; et l'interdiction de rencontrer les autres mis en examen et les membres du clubs (joueurs, staff, direction).
Cette dernière mesure empêchait, juridiquement, d'éventuels licenciements, faute d'entretien préalable, alors que le club, partie civile dans l'affaire, semble
déterminé à prendre des sanctions.
Celles-ci peuvent aller jusqu'au licenciement, "au cas par cas", selon la bâtonnière Me Michèle Tisseyre, l'avocate du MAHB, le contrat des joueurs prévoyant que ni eux, ni leurs proches ne peuvent parier.
Le cas du Slovène Dragan Gajic, qui nie avoir parié, est éloquent. Seul joueur à avoir été réentendu par le juge, il avait été autorisé dès vendredi à voir ses dirigeants. Il les a rencontrés mardi et a été convoqué à un entretien préalable de licenciement le 7 novembre.
Gajic a seulement obtenu de la cour d'appel, jeudi, l'annulation de sa caution de 11.600 euros, comme celles des autres mis en cause, qui s'élevaient à 25.000 euros (Luka Karabatic), 13.000 euros (Jennifer Priez), 11.600 euros (Mladen Bojinovic et Issam Tej), 9.000 euros (Samuel Honrubia), 4.500 euros
(Nikola Karabatic), 4.400 euros (Géraldine Pillet).
"Hallucination juridique"
Les avocats des joueurs ne cessent de dénoncer une affaire qu'ils estiment "gonflée" par la justice et les médias.
Ainsi, pour Me Jean-Robert Phung, son client Nikola Karabatic "n'a pas parié". C'est sa compagne, Géraldine Pillet, qui a reconnu l'avoir fait pour son compte, étant "tout à fait en droit de le faire".
Pour Me Phung, qui évoque une "hallucination juridique", "Nikola Karabatic serait l'auteur d'une escroquerie par possession d'information". Et de dénoncer un contrôle judiciaire qui a "anéanti le droit à l'image" de son client.
Ses confrères assurent que le match gagné par Cesson contre Montpellier, déjà assuré du titre de champion, n'a pas été truqué, qualifiant le contrôle judiciaire de mesures de rétorsion contre des joueurs qui ont choisi, dans un premier temps, de garder le silence en attendant de connaître le dossier.
"Le contrôle judiciaire ne peut être fondé sur le fait que les joueurs ont décidé de se taire. Il y a un droit au silence. Si on sanctionne ce droit, on va vers une dérive du système judiciaire", avait dénoncé Me Luc Abratkiewicz, avocat de Bojinovic, ex-Montpelliérain transféré cet été au PSG Handball, comme Honrubia.
Selon lui, son client avait seulement interdiction de parier en ligne et pouvait donc le faire dans un bureau de la Française des jeux, ce qui rendait "juridiquement infondé" de lui demander une caution.
"On est allé trop vite, trop fort", déplorait de son côté Me Antoine Camus, défenseur de la compagne de Luka Karabatic, Jennifer Priez, qui a été suspendue d'antenne par son employeur, la chaîne NRJ 12.