Le Conservatoire d'espaces naturels (CEN) de PACA a annoncé qu'il allait faire appel du jugement condamnant la société SPSE pour pollution aux hydrocarbures de la Camargue, en pleine réserve naturelle de la Crau en 2009, estimant insuffisantes les peines prononcées.
Le CEN et la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, co-gestionnaire de cette réserve, considèrent que les amendes pénales sont "dérisoires" et que les dommages-intérêts perçus sont insuffisants, alors que la réserve a été "gravement atteinte". Ils ne peuvent cependant que faire appel de la condamnation civile qui les concerne.
"La SPSE (Société du Pipeline Sud-Européen) a été condamnée comme si elle était un quelconque contrevenant", déplore le CEN, selon lequel le niveau des peines constitue "un signal inquiétant pour la protection de la nature en France et ses défenseurs".
La SPSE, société gestionnaire du pipeline incriminé, a été condamnée le 29 juillet par le tribunal correctionnel de Tarascon à environ 77.000 euros d'amendes et 400.000 euros de dommages et intérêts, des montants nettement inférieurs aux demandes du parquet et des parties civiles.
77.000 euros d'amende contre 250.000 € requis
La peine, composée d'une amende de 75.000 euros pour "déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer" et de plusieurs amendes plus faibles pour un total de 1.950 euros, était nettement inférieure aux réquisitions du parquet.
En tant que partie civile, la CEN ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts qui lui ont été attribués. En l'occurrence, la SPSE a été condamnée à lui verser ainsi qu'à la chambre d'agriculture 20.000 euros au titre du préjudice moral.
Lors de l'audience de juin, le vice-procureur de Tarascon, Julien Ecuer, avait pointé les "négligences persistantes" de cette filiale de majors du pétrole (Total, BP...) et demandé 250.000 euros d'amendes, estimant que "la SPSE a la culture du respect de la réglementation, mais n'a pas celle du risque".
Dans ses attendus, le tribunal a justifié les amendes "nettement inférieures" aux réquisitions en invoquant "le principe de l'individualisation de la peine", soulignant "la prudence de la SPSE dans la gestion de ses oléoducs" et la collaboration de la société aux travaux de dépollution.
4.500 tonnes de pétrole déversés en Camargue en 2009
Les dommages et intérêts sont également bien plus faibles que ceux demandés par les 12 parties civiles (collectivités locales, syndicat mixte, CEN, chambre d'agriculture, associations environnementales), qui s'élevaient à plusieurs millions d'euros.
Les parties civiles dénonçaient d'importants préjudices écologiques: atteintes à la faune, à la flore et à la nappe phréatique, dont la "contamination" va toucher les "générations futures", avait plaidé un de leurs avocats.
Des accusations repoussées par la SPSE, qui avait affirmé que la nappe n'avait pas été touchée et qui avait mis en avant les quelque 48 M EUR consacrés à la dépollution.
Au matin du 7 août 2009, la rupture d'une canalisation de pétrole de la SPSE avait provoqué le déversement de 4.500 tonnes de pétrole dans la réserve naturelle nationale des Coussouls, un sanctuaire de 7.500 hectares, seule steppe sèche d'Europe.