Quinze volontaires viennent de passer plus de 40 jours dans la grotte de Lombrives en Ariège. Une expérience hors du temps qui a pris fin ce samedi.
Pas de montre, pas de téléphone et un lieu de vie sous terre à partager à quinze personnes avec une température moyenne de dix degrés. Sept femmes et huit hommes viennent de passer un peu plus de 40 jours dans la grotte de Lombrives en Ariège. Une expérience mise au point par l'explorateur Christian Clot, fondateur de l'institut Human Adaptation.
"Comprendre l'humain face à de nouvelles conditions de vie"
L'objectif est de mener des études "sur la capacité du cerveau à comprendre le temps et la capacité d’un groupe à recréer une nouvelle synchronicité, un fonctionnement, dans un système sans temporalité et extrême. Deep Time est une exploration rare pour comprendre l’humain face à de nouvelles conditions de vie", explique le scientifique sur son site internet.
Ce samedi, après 40 jours passés sous terre, les quinze volontaires ont donc retrouvé la surface, le soleil et "les autres". Des proches venus les accueillir et de nombreux journalistes. Ils ont quitté la grotte ensemble, le sourire aux lèvres et les lunettes de soleil sur les yeux pour se protéger de la lumière du jour.
"La sortie a été une libération incroyable, de sentir les fleurs, la verdure" explique Johan François, l'un des volontaires. "De voir le ciel bleu et de voir vos sourires, vos yeux qui pétillent c'est génial." Ce moniteur de voile et professeur de mathématiques de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) dit être le seul qui était réticent à s'enfermer, la peur du manque de liberté. "Mais j’ai trouvé à l’intérieur de la grotte une chaleur humaine et une fraternité qui m’ont fait du bien."
Il explique avoir gagné du temps pour lui et trouvé une liberté qu'il ne soupçonnait pas. "J’ai gagné le droit de ne pas me lever le matin, le droit de faire de la musique, de bouquiner pendant des heures, de rigoler avec les copains et d’aller travailler quand je voulais. On avait aucun rapport temporel ; si on se sentait un peu fatigué on pouvait aller dormir une heure ou deux (enfin on imagine) et partir après en exploration ou manger avec les autres."
Des difficultés d'organisation sans repère de temps
Une cinquantaine de protocoles scientifiques étaient programmés pendant ces 40 jours sous terre, du simple questionnaire sur papier jusqu'à l'électroencéphalographie. Et malgré quelques pannes matérielles toutes les études ont été menées à bien. Ce qui était perturbant visiblement c'était l'absence de notion du temps pour organiser le travail à faire en commun. Sans montre, difficile de se donner des rendez-vous. "Il a fallu trouver des systèmes organisationnels avec des tableaux d’échanges. Cela a été très compliqué à mettre en place" reconnait Christian Clot.
"On a eu des difficultés avec des périodes d’apathie entre le dixième et le vingtième cycle," explique l'explorateur. Un cycle étant composé d'une phase de sommeil et d'une phase de réveil. Les cinq, six premiers cycles ont été très actifs avec la découverte de la grotte, l’installation. Et avec la désynchronisation de plus en plus importante qui s’est créée, des gens avait du mal à se mettre en mouvement, à se mettre en route. Certains se sont renfermés un peu sur eux-même. Il a fallu que j’écrive au tableau au cycle 16 toutes les tâches qui restaient à faire. Et la machine s’est remise en route au cycle 22, 23. On a réalisé un travail extraordinaire en très peu de temps".
Un sanctuaire
"J'ai vécu mon voyage au centre de la terre, dit une femme, c'est vraiment un sanctuaire ; il n'y a pas de mot pour exprimer ce que l'on a ressenti, c'est extraordinaire vraiment." "On était dans un autre monde pourtant réel", dit une autre, décrivant une grotte aux "dimensions énormes avec des beautés époustouflantes dans la finesse et la grandeur".
Tout le monde semble avoir bien vécu ce confinement sous terre. Cette absence de repère a même procuré à certains volontaires une forme de détente. C'est peut-être maitenant que les difficultés vont apparaître. Après quelques jours encore de protocoles médicaux, tous vont reprendre leur vie quotidienne. Celle d'avant la grotte de Lombrives. "Mine de rien, dit une participante, le rythme n'est pas le même, on est assez sollicités à droite à gauche, cela rique d'être assez violent."