André Trigano, 94 ans, brigue un 5e mandat à la tête de Pamiers (Ariège). Mais le second tour s'annonce très difficile pour le maire sortant. Les deux candidats « Divers Centre », Frédérique Thiennot et Xavier Fauré ont décidé de fusionner. France 3 Occitanie vous propose de revoir ce débat.
Même si pour la photo André Trigano a le sourire, le maire sortant le sait : ce second tour est sûrement le plus incertain qu'il ait eu à mener depuis sa première élection à la tête de la mairie de Pamiers (Ariège) en juin 1995.
Il y a trois mois, l'élu de 94 ans était sortit en tête du premier tour des élections municipales avec un score de 28, 16 %. Son plus mauvais score de sa carrière politique locale. Mais l'homme politique et entrepreneur pouvait se dire qu'avec quatre listes au deuxième tour, il avait toutes ces chances pour un 5e mandat.
"Mariage de la carpe et du lapin"
Le coronavirus et le confinement ont totalement rebattu le jeu : André Trigano va se retrouver le 28 juin face à trois listes, dont l'une pèse théoriquement 42 %. Les deux candidats « Divers Centre », Frédérique Thiennot et Xavier Fauré, arrivés deuxième et troisième avec 31 voix d’écart, ont décidé de fusionner.
"Le mariage de la carpe du lapin" cingle le maire sortant. Pour lui, un "assemblage contre-nature allant du RN au Parti socialiste" n'ayant qu'un but "le déboulonner" comme il le déclarait début juin à France 3 Occitanie.
Frédérique Thiennot et Xavier Fauré ne s'en cachent pas. Leur objectif principal est bien d'arracher la ville des mains d'André Trigano dont ils jugent la gestion "catastrophique". Les deux centristes n'ont pas trouvé de terrain d'entente avec Daniel Mémain (Divers Gauche). Le candidat de la liste de "gauche et citoyenne" se lancera donc en solo au second tour.
Le poids de la crise
Le maire nonagénaire a réaffirmé sa volonté de ne pas aller au bout de son mandat s'il venait à être réélu. Sentant le souffle du boulet de canon, il s'est démultiplié depuis le début du déconfinement comme la distribution de roses lors de la fête des mères ou le déménagement de son local de campagne en plein centre-ville de Pamiers.
Frédérique Thiennot et Xavier Fauré espèrent remporter la mise, forts de l'addition de leurs scores du premier tour. Daniel Mémain compte avant tout sur son programme qui, selon lui, "apporterait des solutions à la crise économique" provoquée par le coronavirus.
Jusqu'à la ligne d'arrivée
L'issue de cette élection à Pamiers reste incertaine. L'abstention, très forte le 15 mars dernier, pèsera lourdement sur le résultat.
C'est en septembre, et loin de Paris qu'on retrouvera la prochaine vente Artcurial avec l'énorme collection d'Collection André Trigano au programme : https://t.co/RzSb9y6JHr
— News d'Anciennes (@NewsdAnciennes) May 18, 2020
En passionné de voitures, André Trigano compte bien continuer à appuyer sur le champignon jusqu'au passage de la ligne d'arrivée.
Résumé du débat
Dès le début du débat, le ton est donné par les deux opposants au maire sortant André Trigano : il sera vif et offensif.
A la question de Patrick Noviello de France 3 Occitanie sur le bilan de cette période de confinement à Pamiers (Ariège), le constat de Daniel Memain (« Pamiers Citoyenne » – Divers gauche) est sans appel : "C’est une période où il fallait que le maire soit présent : cela n’a pas été le cas." La réponse de Frédérique Thiennot (Pamiers autrement ensemble – Divers centre) est de la même teneur : "Il y a eu une absence de proximité. Monsieur le maire était confiné chez lui en Haute-Garonne. On s’est contenté d’appliquer les directives gouvernementales sans aucune initiative locale. La communication est digne du monde d’avant, sans utilisation du monde moderne. Donnant l’impression à la population d’avoir été abandonnée."
Le portrait dépeint à travers ces quelques lignes est loin d’être flatteur pour André Trigano (Union pour Pamiers – Divers droite) : absent, dépassé, sans initiative, d’une autre époque.
La suite des échanges, comme sur la question de la revitalisation du centre-ville de Pamiers, reste tendue. André Trigano expose son programme de rénovation urbaine d’un montant de 42 millions d’euros signé avec l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). "Ce contrat ANRU m’attriste beaucoup, assène Frédérique Thiennot. Pourquoi ? Nous pouvons bénéficier de ce contrat ANRU car nous sommes l’une des villes les plus pauvres de France. Vous avez (André Trigano) organisé la pauvreté de cette ville."
"Une plaisanterie" pour André Trigano : "Seuls les chiffres vrais parlent : 12 800 habitants lorsque nous sommes arrivés, 15 800 aujourd’hui (…) Nous avons rénové 44 millions d’euros pour refaire ce quartier pauvre. Nous n’aurions pas été retenu si cela avait été un quartier riche. Il y a 3 600 habitants sous le seuil de la pauvreté à Pamiers car nous avons attiré toute la misère du département."
Daniel Memain saisit l’occasion pour renvoyer dos à dos ses deux adversaires : "Monsieur Trigano est spécialiste des promesses. Le bilan est partagé entre Monsieur Trigano et son équipe et les gens qui ont rejoint la liste de Madame Thiennot. C’est bonnet blanc et blanc bonnet. Nous, nous tiendrons nos promesses."
Vient ensuite le dossier de l’emploi. "Nous sommes la première ville en Occitanie pour la création d’emploi, assure le maire sortant défendant son bilan. Je vais continuer à faire venir les entreprises. Chez moi, il n’y a pas de chômeurs. Chez moi, il y a des demandeurs d’emplois dont les demandes ne sont pas satisfaites." Puis l’élu nonagénaire s’adresse directement à ses adversaires : "Il y a les gens qui construisent et les gens qui cassent. Moi je construis, vous vous démolissez !"
Frédérique Thiennot souligne le taux de chômage de la commune, "20% contre 10% au niveau national", et déplore le manque "d’attractivité résidentiel". Une situation jugée par la médecin urgentiste comme "pitoyable". Daniel Memain, conseiller Pôle Emploi et membre du Conseil économique et social, souhaite de son côté réorienter l’emploi et le diversifier : "la difficulté c’est que nous avons une mono-industrie, basée sur le secteur de l’aéronautique très fragile aujourd’hui. Il faut saisir les opportunités pour engager la transition écologique."
C’est alors que le maire sortant décide d’attaquer de front ses contradicteurs : "Pas du tout ! L’aéronautique et les sous-traitants représentent 20 % (de l’emploi à Pamiers). Durant tout mon mandat j’ai cherché à diversifier. Ce que ces messieurs dames ne savent pas, c’est qu’il faut avoir du temps. C’est facile de critiquer. Qu’ils aient d’abord l’expérience. Qu’ils rentrent dans l’opposition durant 6 ans pour apprendre le métier. Après ils viendront. Qu’ils apprennent d’abord."
"Vous avez eu un quart de siècle pour le réaliser Mr Trigano, cingle Madame Thiennot. Vous n’avez jamais créé à titre personnel des emplois sur Pamiers et jamais vous n’avez payé l’impôt sur Pamiers. Quelle entreprise avez-vous amené avec votre carnet d’adresse ? Aucune !" La tête de liste de « Pamiers Citoyenne » (DVG) renchérit : "Monsieur Trigano vous ne travaillez avec personne même pas avec les gens de votre équipe. Vous apprendrez lorsque vous serez dans l’opposition !"
Cette ambiance agressive va perdurer jusqu’à la fin du débat. "Nous voulons tourner cette page du passée, gérée à la façon de l’ancien monde." conclut Daniel Memain. André Trigano prend la parole en dernier : "Ce ne sont pas à des amateurs ou à des personnes aux grandes idées, qu’ils ne réaliseront pas, à qui nous pouvons confier la ville. (…) J’ai toujours fait des promesses et je les ai toujours tenues et je les tiendrais !"
L’homme à la tête de Pamiers depuis maintenant 4 mandats termine sa déclaration et clôt la discussion en frappant d’un vigoureux coup de poing sur la table. Mais Frédérique Thiennot a le dernier mot glissant, à la cantonade : "Vous n’avez aucun successeur !" Une attaque visant les 94 ans d’André Trigano. Quel que soit le vainqueur le 28 juin, à Pamiers, les futurs conseils municipaux s’annoncent d’ores et déjà très animés.
Revisionnez en vidéo l'intégralité de ce débat animé par Patrick Noviello de la rédaction de France 3 Occitanie :