Six arrêtés de la préfète de l'Ariège, autorisant l'effarouchement de l'ours sur certaines estives, ont été suspendus sur décision du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Explications.
C'est un sérieux revers pour les éleveurs dénonçant les attaques de troupeaux liées à la présence de l'ours brun dans les Pyrénées ariégeoises. Dans un communiqué daté de ce 24 août 2020, le tribunal administratif de Toulouse annonce que le juge des référés a suspendu "six arrêtés de la préfète autorisant l’effarouchement de l’ours sur certaines estives".
Risque non-exclu pour une espèce "en danger critique d'extinction"
C'est l'association One Voice qui est à l'origine de la saisine du juge des référés dans cette affaire. Son principal argument : l’ours brun constitue une espèce "en danger critique d’extinction", dont la viabilité n'est pas assurée dans les Pyrénées françaises. L'animal est donc protégé par différents textes européens et nationaux.
"Selon l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut
suspendre l’exécution d’une décision administrative lorsque l’urgence le justifie et qu’il existe un doute sérieux sur sa légalité", indique la juridiction dans son communiqué.
Mais selon le juge des référés qui a statué, la condition d'urgence de la mise en place des différentes mesures d'effarouchement ne peut être satisfaite sans risquer "d'effets délétères sur la population d'ours, en particulier les femelles gestantes" et de "l'évincer d'une partie de son aire de répartition naturelle".
Doute sérieux sur la légalité des arrêtés
Entre le 23 juin et le 7 juillet 2022, la préfecture de l'Ariège a pris six arrêtés autorisant des mesures d'effarouchement de l'ours brun, y compris par tirs non létaux. Ces autorisations, sollicitées par les groupements pastoraux de Taus-Espugues, d’Arreau, de Coumebière, de Sentenac d’Oust, de l’Izard et d’Ourdouas, visaient à prévenir les dommages aux troupeaux durant cette saison d’estives 2022.
Mais s’agissant de l’existence d’un doute sérieux sur la légalité des arrêtés, le juge des référés note que "cinq des six groupements pastoraux n’ont pas mis en place le tryptique des moyens de protection des troupeaux (présence humaine, parcs de regroupement fermés et chiens de protection), pourtant régulièrement recommandé." Une forte disparité est par exemple soulignée entre le nombre de chiens et de bergers ramené à l’importance des troupeaux à surveiller.
D'où le doute sérieux sur la légalité de ces arrêtés préfectoraux. "La condition d’une mise en œuvre effective et proportionnée de moyens de protection des troupeaux autorisant à déroger à l’interdiction de perturbation intentionnelle d’une espèce protégée que lorsqu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, n'est donc pas remplie."
Dernier argument "de nature à faire naître un doute sur la légalité" de ces décisions préfectorales : le nombre de brebis prédatées sur le total d'animaux en estives serait de 2.35 à 3.37%. Ce qui ne relève pas d'un "dommage important à l’élevage tel que prévu au b) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement."
Résultat : les six arrêtés préfectoraux sont pour l'heure suspendus. Le tribunal administratif de Toulouse doit encore se prononcer sur le fond pour décider de leur annulation.