Aude : inquiétude des oléiculteurs après la détection de la bactérie Xylella Fastidiosa tueuse d'oliviers à Trèbes

La Xylella Fastidiosa a été identifiée cet été pour la 1ère fois en Occitanie sur des plants de lavandin, chez un pépiniériste près de Trèbes, dans l’Aude. Les oléiculteurs de la zone sont inquiets. Françoise Poliakoff, spécialiste en bactériologie, nous en dit plus.

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C’est une petite bactérie qui peut faire de gros dégâts…  Pas pour l’homme, mais pour plus de 200 espèces de végétaux, et notamment pour les oliviers que la bactérie a décimé dans les Pouilles, en Italie. D'où l'inquiétude des producteurs d'olives depuis l'annonce de son arrivée dans l'Aude. La Xylella Fastidiosa a été repérée pour la première fois en Occitanie à la fin de ce mois d’août 2020, lors d’un contrôle des services régionaux de la protection des végétaux du ministère de l’agriculture. A la faveur d’une visite chez un pépiniériste de Trèbes, les agents ont prélevé plusieurs végétaux pour les analyser. La bactérie tueuse a été identifiée sur trois plants de lavandin (Lavandula x intermédiaire, variété «grosso»).

Premières mesures à Trèbes contre la propagation

Le pépiniériste concerné a dû immédiatement arrêter toute commercialisation de ses plantes. Contacté par la rédaction, et très abattu par la situation, il a refusé de s’exprimer. Un périmètre de 2,5 kilomètres a été établi autour du site afin d’empêcher toute propagation de la maladie, comme stipulé par l’arrêté national du 23 décembre 2015 , qui transpose les directives européennes de lutte contre la bactérie et  précise les mesures à mettre en place en cas de découverte d’un cas. Dans cette zone, plus de 200 prélèvements ont été réalisés pour être analysés d’après le ministère de l’Agriculture.

Arrêté du 23 décembre 2015

Dans les prochains jours, l’ensemble des végétaux sensibles à la bactérie dans la zone infectée (100 mètres autour du plant de lavandin identifié)  sera arraché. Enfin, le ministère de l’agriculture  annonce que les professionnels concernés seront accompagnés au travers du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental. Une mesure essentielle pour une entreprise qui avait été ravagée par les inondations de Trèbes en 2018 et avait déjà dû tout recommencer.

L'inquiétude des producteurs d'olives de l'Aude

Dans les zones où les oliviers ont été touchés par la bactérie, et notamment dans les Pouilles, c'est une campagne d'arrachage et de destruction totale qui a dû être menée. D'où l'inquiétude des oléiculteurs audois même si à ce jour la bactérie n'a été repérée dans aucune plantation d'oliviers, mais seulement sur trois pieds de lavandin (sorte de lavande) chez ce pépiniériste de Trèbes.

Notre équipe de l'Aude, Ophélie Le Piver et Fred Guibal, s'est rendue non loin de ce pépiniériste, près de Trèbes, où Jean Bardou et son fils sont oléiculteurs. Une grosse plantation de 16 hectares et des arbres qui ont soixante ans. 4500 pieds bichonnés et qui donnent jusqu'à 60 tonnes d'olives par an. Même s'ils ne sont pas touchés, l’annonce de la présence de la xylella fastidiosa à proximité de leur production est tombée sur eux, comme un coup de massue.  

Près de Trèbes, Ophélie Le Piver et Fred Guibal ont rencontré des producteurs qui scrutent leur plantation d'oliviers. ©F3LR

Les autorités rassurantes

En France, il y a un plan de surveillance qui est mis en place depuis 2015 avec vraiment une pression importante de prélèvements et on voit bien en région PACA où la bactérie est présente que pour l’instant elle ne provoque pas de dégâts sur les vergers d’oliviers

Catherine Pavé - Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt d'Occitanie

L’enquête doit maintenant retracer l’origine géographique des lavandins afin qu’un nouveau foyer ne s’y développe pas.
Un rappel a été lancé pour les plants vendus à Trèbes depuis mars 2019.

Espagne, Portugal, Italie puis région PACA avant l'Aude

Détectée pour la première fois en 2013 en Europe, sur des oliviers de la région des Pouilles, en Italie, cette bactérie poursuit depuis sa progression. 
Car cette bactérie est en fait connue depuis longtemps pour les gros dégâts qu’elle peut faire. Repérée d’abord aux Etats-Unis au XIXème siècle, la Fastidiosa décime alors des milliers d’hectares de vignes. Au Brésil, elle s’attaque aux agrumes. En Italie, la Xylella Fastidiosa s’attaque particulièrement aux oliviers : depuis 2015, plus d’un million d’arbre atteints par la bactérie seraient morts. Et l’industrie de l’olive a été durement touchée : les autorités italiennes estiment la facture à 1,2 milliards d’euros.
 La bactérie est considérée par l’Union européenne comme « un organisme de quarantaine prioritaire : son incidence économique, environnementale ou sociale potentielle est considérée comme très grave pour le territoire de l’Union », explique ainsi la le plan d’action 2019-2020 du ministère de l’agriculture.

De nombreuses mesures ont été mises en œuvre pour limiter son expansion sur le continent, notamment l’interdiction de transporter des végétaux depuis les zones infectées. Depuis 2015, plus de 50 000 échantillons de végétaux ont été prélevés et effectués, dont 2,8% de cas positifs.L’Espagne compte de nombreuses régions touchées (Alicante, Madrid, les Baléares), le Portugal a connu son premier cas en 2019.

En France, la Xylella Fastidiosa a été repérée d’abord en Corse en juillet 2015, puis en octobre de la même année, à Nice, en Provence Alpes Côte d’Azur.

Aucun traitement pour éradiquer la bactérie

Ce sont des insectes qui véhiculent cette maladie. Tout insecte qui « pique » la plante pour se nourrir, est susceptible de véhiculer la maladie. mais elle peut également se transmettre par les outils du jardinier. Une fois atteintes, les plantes ne peuvent plus se nourrir correctement, la bactérie gênant les mouvements de la sève. Une plante contaminée va se flétrir et se dessécher. Ces sont d’ailleurs ces symptômes, peu spécifiques, qui rendent particulièrement difficile la détection de la maladie. Il n’existe aucun traitement contre cette bactérie.

Peut-être une souche moins menaçante pour les oliviers

 Pour l'instant, les professionnels  du secteur ne paniquent pas encore devant la nouvelle progression de ce ravageur. Ils attendent les résultats des analyses pour connaître la souche de la bactérie.

 Des analyses sont en cours pour une recherche d’antériorité, c’est-à-dire comprendre et retracer l’historique du plant de lavandin infecté et pour connaître la souche exacte.

Yves Guillaumin, le directeur de France Olive, une association interprofessionnelle du secteur

Car six souches différentes de Xylella sont connues, et toutes ne présentent pas la même dangerosité pour les mêmes espèces. « A priori ce serait une souche multiplex, mais ce n’est pas certain. C’est celle qu’on retrouve en France et qui est différente de la souche italienne. Elle ne s’attaque pas aux oliviers, en tous cas pas avec la même intensité. La souche italienne est la pauca. »

Appel aux consommateurs

En attendant d’en savoir plus, les autorités lancent un appel aux jardiniers et aux consommateurs : si vous avez acheté des végétaux depuis le printemps 2019 à des pépiniéristes ou des revendeurs de végétaux sur les communes de Trèbes ou de Fontiès d’Aude, vous devez vous signaler auprès de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et des forêts. Il vous faudra donner vos coordonnées, le lieu d’achat, les espèces végétales achetées et la date ou période de cet achat.Des études et analyses complémentaires pourront alors être menées si besoin.

Et vous pouvez également déclarer toute suspicion d'attaque de la bactérie sur le site de la DRAF

Pour tout savoir sur la bactérie tueuse, Françoise Poliakoff, cheffe de l'unité bactériologie et virologie du laboratoire de la santé des végétaux à l’Anses a répondu aux questions d'Alexandre Grellier pour France 3 Languedoc-Roussillon.

 

Les différentes souches de Xylella Fastidiosa sont-elles toutes aussi virulentes/ problématiques ?

Les différentes souches de Xyllela fastidiosa présentent une virulence plus ou moins importante selon la sous-espèce et la plante hôte. Par exemple la souche présente dans le sud de l’Italie sur les oliviers appartient à la sous-espèce pauca, elle est très virulente sur les oliviers. Des recherches ont permis de sélectionner des variétés d’oliviers tolérants à la bactérie. Dans ce cas, la croissance de la bactérie est limitée dans la plante et les symptômes sont légers.
En France, la souche présente en Corse et dans la région Paca appartient à la sous-espèce multiplex. Elle se retrouve plus particulièrement dans les plantes ornementales, l’environnement (maquis) et certains arbres fruitiers et forestiers sans provoquer de forts dégâts, rien de comparable aux dégâts observés sur les oliviers dans les Pouilles au sud de l’Italie. Sur olivier ou chêne,  les dégâts sont limités à des dessèchements ou brulures foliaires et à une réduction de production. Sur fruitiers, pêchers, amandiers, la présence de la bactérie peut être problématique en conditions épidémiologiques favorables comme en Espagne dans la région d’Alicante.
 
Les arboriculteurs et viticulteurs de l’Aude doivent-ils s’inquiéter pour leurs productions ?

La sous-espèce de Xylella fastidiosa n’a pas encore pu être identifiée sur les cas positifs détectés dans l’Aude. S’agissant de lavandins chez un producteur/distributeur de plants, la source de contamination peut se révéler problématique en présence d’insectes vecteurs propagateurs de la maladie aux cultures environnantes. Xylella fastidiosa au travers de ses différentes sous-espèces peut contaminer plus de 300 espèces. Notamment, les filières de production agricole sont exposées à un risque de contamination par les insectes vecteurs. Toutefois, un certain nombre de mesures de surveillance et d’éradication seront nécessaires pour éviter la dissémination de la bactérie. En effet si les dégâts sont limités actuellement en raison d’une bonne maitrise des conditions sanitaires et des foyers, un fort taux de contamination renforcé par l’absence de maitrise de la population d’insectes vecteurs et de plantes hôtes relais pourrait se traduire par un impact plus important.
 
Quels sont les moyens d’action et les mesures déclinées lorsque l’on repère un foyer d’infection ?

Les moyens d’action sont le traitement immédiat contre les insectes vecteurs potentiels dans la zone contaminée ainsi que la surveillance et l’arrachage des plantes hôtes de Xylella fastidiosa présentes dans un rayon de 2,5 km selon le plan de contrôle mis en œuvre par le ministère de l’agriculture. L’étendue de la contamination est évaluée par des prélèvements d’échantillons pour recherche de la bactérie sur les plantes hôtes.

 Peut-on stopper sa progression, ou juste la ralentir ?

La maladie peut être stoppée si les mesures sont mises en œuvre le plus tôt possible. Cela signifie que l’on a été capable de détecter la présence de la bactérie très précocement, au plus près de la contamination initiale, lorsque le niveau d’infection est encore faible. C’est le rôle du laboratoire national de référence (LNR) de développer et d’améliorer la sensibilité des méthodes d’analyse afin de mettre en évidence la présence de la bactérie à ce stade. Toute observation de symptômes permettant de suspecter la bactérie Xylella fastidiosa, tout signalement de plants pouvant provenir de zones ou pays connus pour être contaminés peut concourir à une détection précoce et à l’application de mesures de manière efficace.
Des dispositions règlementaires sont établies par le Ministère pour les professionnels. Pour les particuliers, il est recommandé de ne pas ramener de fruits, de graines, de plants ou de boutures lors de voyages. Elles peuvent contribuer à propager des ravageurs et des maladies.
 
En cas de doute sur des végétaux qui semblent impactés, consultez la fiche de reconnaissance de la Xylella fastidiosa.
 

Le laboratoire de la santé des végétaux d'Anses publie une plaquette pour identifier la présence éventuelle de la bactérie tueuse d'oliviers.


 
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