Alors que la loi pousse les collectivités à penser à la gestion des déchets en terme d’économie circulaire, la déchèterie de Carcassonne valorise ses encombrants. Les objets peuvent avoir une deuxième vie. Une solution écologique qui limite le gaspillage et la pollution.
Sur le parking de la déchèterie les usagers défilent. Leurs voitures sont remplies de gravats, cartons, végétaux mais aussi de mobiliers, d’électroménagers ou encore de vieux vélos. Ce jour là, un automobiliste a apporté un bureau dont les pieds montrent des signes certains de fatigue. Il est encore en bon état mais son propriétaire souhaite s’en débarrasser. C’est là que tout commence. Son meuble ne va pas finir dans la benne tout venant. Il va suivre une filière bien particulière grâce au recydrive mis en place depuis 2017.
« Cela fonctionne comme un drive de supermarché inversé. L’usager arrive avec ses encombrants, les dépose dans un bac et un agent va trier et mettre de côté tout ce qui peut être valorisé en fonction du potentiel de revente de l’objet. »
Avant de créer ce reydrive les bennes de la déchèterie ont été passées au crible. L’enquête a montré que 5% des encombrants qui finissaient jusque-là enfouis ou incinérés étaient réutilisables. Fort de ce constat, la déchèterie de Carcassonne a imaginé ce système de valorisation des encombrants. Et c’est ainsi que chaque mois, la déchèterie en récupère en moyenne 4 tonnes. Ce sont au final 10% des objets qui ne finiront pas dans la benne tout venant. « C’est important de ne pas jeter des objets qui sont en bon état. Quand on voit tout ce gaspillage qu’il y a partout, c’est insupportable. Il faut arrêter avec cette monstrueuse consommation. Cela m’effraie pour mes enfants » confie cette usagère du service de recydrive.
Seconde vie et système D
Et pour revendre ces objets, ils vont d’abord devoir être réparés, retapés, repeints ou encore recousus. Le déchèterie de Carcassonne a fait le choix de réserver le marché public aux acteurs de l’économie sociale et solidaire. Les employés des associations le Parchemin ou MP2 entrent alors en action. A Limoux les salariés du Parchemin déchargent des objets en tout genre dans un vaste hangar. Un capharnaüm. Et pourtant la filière est très bien organisée.Après avoir été pesé, chaque objet part dans l’un des ateliers de l’association pour y subir une cure de jouvence. Chaque technicien du réemploi a sa spécialité et s’évertue à sauver ces meubles, frigos, téléphones, ou machines à laver d’une mort prématurée. Dans ce dédale, des salariés trient, bricolent, repeignent.
Lionel Pastor, responsable de l’atelier électroménager, cherche à comprendre ce qui cloche sur cette plaque de cuisson. « Je suis en train de la démonter. Si c’est un fil brûlé ou un condensateur à changer, la panne sera simple à réparer. Mais souvent il nous manque des pièces détachées car nous ne disposons que de notre stock. Nous avons les pièces les plus courantes mais nous n’en achetons jamais. Les deux tiers des appareils ne sont malheureusement pas réparables. » détaille Lionel. Frustré de ne pas pouvoir tout remettre en état faute de matériel ou de compétences, il est tout de même fier de contribuer à limiter la pollution.
Surconsommation et gaspillage
Car l’association gérée notamment par Pascal Durand est confrontée à 2 phénomènes : la surconsommation et l’obsolescence programmée des objets.Mais l’association parvient tout de même à donner une deuxième vie à un tiers des objets qui atterrissent dans ses locaux. Autant d’objets qui ne finiront pas enfouis dans des décharges mal contrôlées. Et pour appuyer son argument, Pascal Durand de nous montrer des photos. « Avec les inondations cette décharge sur la commune de Puilaurens dans l'Aude s’est ouverte et les déchets ont pollué la rivière sur 2 km » regrette t-il.« Nous récupérons en déchèterie des objets neufs qui sont encore dans leur emballage. Il y a beaucoup de gaspillage. Mais quand les objets sont défectueux nous avons de plus en plus de mal à les réparer car leur fragilité est telle que leur réutilisation serait trop courte. »
Le réemploi à dimension sociale
Le réutilisation, une bonne initiative pour la planète mais pas seulement. Car la filière du réemploi est aussi une manière de développer l’emploi à dimension sociale. Dans l’association le Parchemin, une trentaine de travailleurs sociaux remet en état les objets.Ils sont chômeurs longue durée, travailleurs handicapés, bénéficiaires des minima sociaux, et pendant leur parcours d’insertion de 2 ans, ils en profitent pour renouer avec l’emploi. C’est le cas de Lionel, ancien réparateur d’électroménager. « Dans l’idéal j’aimerais retrouver un métier dans le dépannage ou faire une formation pour évoluer dans un poste d’encadrant technique ou pédagogique à l’issue de mon contrat. » explique t-il.
Grâce à ce poste financé par l’Etat, la déchèterie de Carcassonne qui rémunère les associations a pu aussi mettre en place ce nouveau service sans plomber ses comptes. « Ce n’est pas un modèle rentable mais cela ne nous coûte pas plus cher que d’envoyer ces déchets sur la plateforme de Narbonne qui depuis l’année dernière trie et broie les encombrants. Et nous faisons ainsi un geste pour la planète » explique Déborah Calvet.
La boutique solidaire
Une fois remis en état, tous ces objets sont vendus dans une boutique solidaire à côté de l’atelier ou bien sur le site même de la déchèterie de Carcassonne.Tous les produits en rayon sont des modèles de seconde main et pourtant il y a foule dans le magasin de Limoux. Des clients cherchent des objets en tout genre attirés par les prix défiants toute concurrence à l’image de cette mère de famille qui a renoncé à l’acquisition systématique d’objets neufs. Elle a trouvé des jouets pour sa fille en bas âge.
Dans le rayon d’à côté, ce client fidèle cherche un rétroviseur pour sa voiture. « Je ne sais pas s’il va s’adapter mais pour le prix cela vaut vraiment le coup de le prendre. On vient aussi en aide aux gens qui sont dans le besoin et veulent travailler. »« C’est bien d’acheter des objets déjà utilisés, de leur donner une seconde vie. Et c’est vraiment très intéressant pour le porte monnaie. »
Participer à l’économie solidaire et circulaire tout en réduisant ses déchets : un enjeu sociétal et environnemental qui rencontre aujourd’hui un franc succès.