La crise sanitaire n'est pas sans conséquence pour la santé mentale des jeunes. Selon une récente étude, le sentiment de mal-être ne cesse d'augmenter chez les 12-24 ans depuis quelques mois. À Carcassonne, une structure leur propose un accompagnement psychologique.
Cours à distance, espaces de loisirs fermés, contacts sociaux limités : la crise sanitaire a mis à l'épreuve les adolescents. Pour ces jeunes adultes en pleine construction, difficile parfois de garder le moral dans un monde où tous les repères semblent désormais bouleversés.
Depuis plusieurs mois, deux spécialistes de la santé mentale étudient les statistiques de huit centres anti-poison français pour tenter de traduire ce mal-être en chiffres. Dans un entretien au journal Le Monde, le médecin Dominique Vodovar explique que le nombre d'appels quotidiens dans ces structures augmente depuis l'automne 2020. La hausse s'accentue particulièrement chez les 12-24 ans depuis le début de l'année 2021.
Cette tendance est d'autant plus préoccupante que le nombre de tentatives et de suicides chez les jeunes était plutôt en baisse ces dernières années.
"C'est un tabou"
Le 17 février dernier, Dimitri, lycéen audois de 16 ans, a mis fin à ses jours. Désemparée, sa famille peine encore à expliquer son geste.
"Ça fait trois mois que notre vie a complètement basculé. Dimitri ne nous a rien laissé, pas même un mot. Il n'a rien laissé paraître : on n'a pas vu sa détresse ni sa souffrance. Ça nous est tombé dessus", raconte Christelle Rouchon, sa maman.
La mère de famille tente depuis de trouver des réponses. Selon elle, les chagrins d'amour, l'impossibilité de faire du sport et la privation de vie sociale sont des facteurs qui ont conduit son fils à se donner la mort.
Je me rends compte que c'est un tabou : on est confronté à un mur quand on parle du suicide. Ce sujet doit s'inviter dans tous les foyers. On doit dire aux jeunes qu'il y a des solutions, des oreilles et qu'on les entend. Il y a aussi des mains tendues et il faut les prendre.
Tendre la main aux jeunes
Depuis dix ans, la Maison des Ados de Carcassonne vient en aide aux jeunes en détresse. Elle propose des consultations de psychologie gratuites et anonymes aux 12-25 ans et les accompagne dans leurs démarches médicales, voire sociales et juridiques.
Mélissa, 14 ans, a franchi la porte de l'établissement audois il y a un an. La jeune fille a pu y trouver une oreille attentive.
Je faisais beaucoup de crises : je n'étais pas bien dans ma peau. J'ai entendu parler de la Maison des Adolescents et j'ai pris rendez-vous. Comme ça m'aidait de plus en plus, j'ai continué. Aujourd'hui, je suis contente de m'être améliorée et d'avoir réfléchi.
Présentes dans tous les départements, ces structures épaulent également les professionnels et les familles. C'est le cas de Johanna, la maman de Mélissa : grâce à l'accompagnement, elle a pu recréer un lien avec sa fille. "Ça a pu libérer la parole pour toutes les deux : il y avait un blocage", confie-t-elle.
Hausse du nombre de prises en charge en 2021
Depuis le début de l'année, l'activité de la structure est en forte augmentation. Sur ces cinq derniers mois, elle a accueilli autant de personnes que sur l'ensemble de l'année 2020. Pour Christelle Hortala, chef de service et coordinatrice de l'établissement, cet afflux soudain n'est pas si étonnant.
L'adolescence se crée autour des interactions sociales, qui ont été en sourdine pendant un temps. Le manque d'activité, le manque de temps avec ses pairs : c'est tous ces éléments-là qui font qu'aujourd'hui les gens souffrent.
Bien que le déconfinement s'enclenche progressivement en France, la réadaptation à la vie normale prendra sûrement du temps pour certains. Aurélia Laval, psychologue, incite les parents à donner l'alerte en cas de doute sur la santé mentale de leurs enfants. "Si l'on observe des changements de comportement radicaux (par exemple si l'ado s'isole de sa famille ou de ses amis), ce sont des choses qui peuvent mettre la puce à l'oreille", détaille-t-elle.
Sensibiliser les familles et les jeunes, c'est aussi devenu l'objectif de Christelle Rouchon. La maman de Dimitri souhaite désormais s'investir dans la prévention du suicide dans l'espoir peut-être de sauver des vies.