Luc Caraguel, l'abbé de Carcassonne, partira en août vers un diocèse voisin de l'Aude. La communauté gitane s'est mobilisée pour son maintien. En vain. Situation des prêtres africains, mission des moines traditionalistes de l'abbaye de Lagrasse, patrimoine immobilier diocésain, les dissensions entre l'abbé et l'évêque sont profondes et nombreuses.
Il partira. Cette fois, c'est sûr, vers d'autres cieux. Luc Caraguel, abbé de Carcassonne, ne sera plus là à la rentrée. L'abbé est en profond désaccord avec Mgr Bruno Valentin, son évêque, et il n'a jamais manqué une occasion de l'exprimer. "Je ne me dédierai pas", confie le prêtre longuement interviewé par France 3 Occitanie.
Le statut des moines africains
Les sujets de discorde sont nombreux et profonds à commencer par la gestion des prêtres africains en fin de mandat. Luc Caraguel s'est opposé à l'évêque sur la situation de plusieurs d'entre eux.
"Certains sont ici dans le cadre d’un jumelage avec le Burkina Faso et aux prises avec le terrorisme islamiste. Un attentat dans une église a récemment fait 15 morts. Il n’est pas judicieux de les faire repartir dans ce contexte alors que leur évêque là-bas a été obligé de fermer plusieurs paroisses à cause des risques d’attentats."
Les chanoines traditionalistes de l'abbaye de Lagrasse
Autre sujet de discorde et pas des moindres, la place des chanoines de l'abbaye de Lagrasse dans le diocèse. Des moines traditionalistes qui ne respecteraient pas les consignes d'ouverture du pape François notamment sur le catéchisme. "La manière dont ils présentent la confession aux enfants et aux jeunes, et l’approche de la sexualité ne sont pas acceptables : centrées autour des dix commandements de ce qui est 'impur'. Je conteste leur vision du prêtre comme tout-puissant représentant de Dieu. Cela fait d'ailleurs partie des dérives dénoncées par le rapport Sauvé sur les abus dans l'église. Le rapport de la CIASE, commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église demandait à ce qu’on aille aux racines des abus. En outre, leur conception omnipotente et omnisciente du prêtre n’est pas bonne et à remettre à plat", martèle le père Caraguel.
"Cette communauté de Lagrasse n'est pas en rupture avec le pape, a assuré l'évêque lors d'une rencontre enregistrée avec les paroissiens à Carcassonne, elle fait partie du périmètre de l'Église catholique et je n'ai pas d'autres éléments pour porter un autre jugement que celui-là, a-t-il martelé. Je ne leur ai pas confié de mission supplémentaire que celles qu'ils avaient déjà."
Sur cette question comme sur les autres, l'évêque, n'a pas donné suite à nos sollicitations. Son chargé de communication nous a demandé de nous en tenir à ce qui a été rapporté dans la presse écrite. Il répond au journal L'Indépendant que: " si certains n’apprécient pas la prière en latin, ou leur manière de traiter certains points du catéchisme. C’est tout à fait légitime, mais mon job consiste à faire travailler tout le monde ensemble".
Dissensions sur la gestion du patrimoine religieux
L'abbé Luc Caraguel est en désaccord avec Monseigneur Bruno Valentin sur la gestion du patrimoine religieux audois, notamment le déplacement de l'évêché du centre-ville à Notre-Dame de l'Abbaye au pied de la cité médiévale. "Le déplacement de l’évêché va nous coûter cher. L'église classée en centre-ville est en état de péril, et on va arrêter les travaux. Il aurait fallu qu'elle reste en centre-ville près des plus pauvres".
Suicide d'un prêtre
Avant d’être nommé dans l'Aude, Mgr Bruno Valentin était évêque auxiliaire de l'évêché de Versailles. En décembre 2021, un an avant son arrivée à Carcassonne, François de Foucauld, prêtre depuis 18 ans à Versailles, avait signé une tribune publiée dans le journal La Croix. Il affirmait avoir été victime d’abus de pouvoir "et contraint au silence" au sein de son évêché. Il s'est pendu dans la forêt de Rambouillet le 1er juillet 2022.
Lors de son discours aux fidèles du diocèse, en référence au suicide du prêtre, Mgr Valentin s'excuse : "Le drame que nous venons de vivre, comme d'autres moments d'épreuves traversés ensemble, me rappellent vivement, s'il en était besoin, combien prendre soin les uns des autres est difficile. Je demande pardon à ceux qui d'entre vous ont eu à souffrir de mes insuffisances et de mes manques en la matière."
Critiques
Un discours vivement critiqué, notamment sur les réseaux sociaux. "Ah Bruno, comme je suis triste pour ceux qui te voient arriver, mais comme je suis heureux de te voir partir", réagit alors le père Thierry de Lastic sur Facebook.
Monseigneur Valentin est l'un des cinq évêques français (dont Marc Aillet, à Bayonne qui a défrayé la chronique pour ses positions contre l'avortement, qualifié d’"élimination pure et simple d’un être humain", et la bénédiction des couples homosexuels) à avoir saisi le conseil d'État en novembre 2020 pour demander la réouverture anticipée des lieux de culte après le reconfinement pendant l'épidémie de Covid. Une saisie effectuée par un chapelet d'associations dont l'organisation catholique, intégriste et homophobe Civitas, dissoute en octobre 2023.
Mgr Bruno Valentin est ,depuis quelques jours, le nouveau président du pôle communication de l’Église de France. Il a été désigné à l'issue de l’Assemblée plénière bisannuelle des évêques de France qui s'est tenue à Lourdes (Hautes-Pyrénées).