Inondations dans l'Aude : premières destructions de maisons à Couffoulens dans le cadre du fonds Barnier

Le 15 octobre 2018, une partie du département de l’Aude subissait de graves inondations. Depuis, les services de l’Etat ont identifié 170 maisons trop dangereuses pour être habitées. Les propriétaires ont pu bénéficier du fonds Barnier. Les premières démolitions commencent cette semaine.

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Un amoncellement de gravas, de limon et d’objets du quotidien recouverts de boues. Difficile d’imaginer aujourd’hui, plus d'un an et demi après les inondations du 15 octobre 2018, que cet endroit a accueilli les joies et les peines d’une famille pendant plus de 60 ans. Cette famille, c’est celle de Régis Taburet et cet endroit, c'est son ancienne résidence principale.
 


La nuit du 15 octobre 2018, Régis est chez lui, avec sa femme Catherine et leurs deux chiens. Habitué, les nuits de fortes pluies, à surveiller le niveau du Lauquet, la rivière qui coule au fond du jardin familial, il ne dort que d’un œil. Et se rend régulièrement sur le site internet Vigicrues, qui permet de surveiller le niveau des cours d'eau en temps réel: 
 

A 5h30, ils annonçaient un niveau de plus de 6 mètres en amont du village. Je suis retourné au fond du jardin, j’ai vu que la rivière changeait de couleur. Avec ma femme, on a décidé  de prendre les voitures avec les deux chiens, on a tout laissé. Vers 7h du matin la maison était submergée. C’est passé au dessus des dépendances... A un endroit, dans la salle à manger, l'eau est montée à 2m30 !

Régis Taburet

Des quartiers fantômes

Gonflée par des pluies diluviennes, le Lauquet, habituellement une petite rivière tranquille, se transforme en torrent de boue qui dévaste tout sur son passage. D’abord les villages de Verzeille et Saint-Hilaire, puis Couffoulens. Aujourd’hui encore, le quartier entre la voie ferrée et le Lauquet témoigne de la violence de cette nuit-là et de l’abandon du quartier depuis : des maisons aux fenêtres cassées, ou barrées de planches de bois, des herbes hautes qui témoignent du manque d’entretien des jardins. Et sur la plupart des maisons, un signe qui ne trompe pas : un permis de démolir.
 
L'impression est similaire dans le quartier de l’Aiguille à Trèbes, ou à Conques-sur-Orbiel, dans le quartier pavillonnaire à la sortie du village. Mais aussi autour de la mairie de Saint Hilaire, ou dans le centre historique de Villegailhenc. Autant de quartiers ravagés par les violentes inondations de 2018 et qui semblent figés depuis, en attente d'une démolition inéluctable. Le risque ? Que les propriétaires ne souhaitent pas ou ne puissent pas vendre leurs maisons dépréciées à la fois par les dégats subis, et à cause du risques d'inondations, violemment rappelé en 2018.
 

C'est précisément pour répondre à ce type de situation qu'a été créé, en 1995, le "Fonds de prévention des risques naturels majeurs", plus connu sous le nom de "Fonds Barnier", du nom de son créateur, le ministre de l'environnement de l'époque, Michel Barnier. Abondé par un prélèvement sur les contrats d'assurance habitation et automobile, il permet de financer le rachat  par les communes des biens immobiliers que l'administration considère comme trop dangereux, trop exposés aux risques naturels.
 
Les mairies peuvent ainsi exproprier les propriétaires et surtout, disposent d'un financement global : le Fonds Barnier permet aussi de payer, en plus du prix du bien, pour la démolition et la remise en état du terrain. Après les inondations de l'automne 2018, la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de l'Aude (DDTM), a recensé plus de 170 maisons jugées trop dangereuses.

Rachat "à valeur d'usage"

es services de l'Etat proposent aux propriétaires de leur racheter leur bien "à valeur d'usage", c'est à dire sans prendre en compte les dégâts, ni la vulnérabilité aux crues. Vincent Cligniez, le directeur de la DDTM de l'Aude explique les critères :
 

Pour les maisons de plein-pied, à partir de 80cm d’eau relevé à l’intérieur de la maison, les personnes peuvent être expropriées effectivement, et toucher cette indemnisation. Et pour les maisons qui disposent d’un étage, le seuil c’est 2m d’eau. Donc au-delà, on considère que les personnes ne peuvent plus être à l’abri dans leur maison et on leur propose cette expropriation.

Vincent Cligniez

Le "Fonds Barnier" est  devenu aujourd'hui essentiel pour la "réparation" des territoires touchés par une catastrophe naturelle : il permet aux collectivités de rebondir, de dessiner un projet pour le territoire et offre un répit aux propriétaires. Ils risqueraient sinon d'être frappés par une sorte de double peine : déjà victimes d'une catastrophe naturelle ayant dégradé leur habitation, ceux-ci risqueraient en plus de se retrouver propriétaires d'un bien fortement dévalué, sinon invendable.

Mais l'instruction administrative du fonds Barnier peut prendre du temps : pour les inondations de 2015, dans les Alpes-Maritimes, les premières démolitions n'ont commencé qu'en 2018.

Une innovation dans l'Aude

Pour raccourcir ces délais, l'Etat a innové dans l'Aude. Habituellement, les mairies rachètent les maisons expropriées et font faire les travaux sur le budget communal, avant, dans un second temps, de se faire rembourser par le fonds Barnier.

Les inondations de 2018 ont touchés beaucoup de petites communes, dont les budgets auraient pu être fragilisés par de telles opérations, et qui n'avaient pas forcément l'expertise administrative et juridique pour mener l'instruction des dossiers. Dans une convention signée en février 2019, le Préfet de l'Aude chargeait l'Etablissement Public Foncier d' Occitanie d'assurer la mise en place du Fonds Barnier dans l'Aude.         
 
Ce ne sont plus les mairies qui ont acquis les maisons, mais l'Etablissement Public Foncier d'Occitanie. Cet organisme d'Etat est un spécialiste de l'acquisition de terrain et de leur remise en état : "Notre activité traditionnelle, c'est d'accompagner des projets, en phase de développement pour construire de l'habitat, pour construire de l'économie. On a l'habitude d'acheter, de négocier, de porter le temps que le projet murisse puis après de revendre aux porteurs de projet", explique Sophie Lafenêtre, sa directrice générale. Et c'est précisément ce que fera l'EPF Occitanie : une fois les maisons démolies, il revendra les terrains nus aux communes.

C'est un soulagement, ça nous permet d'avancer et d'aller vers un projet...

Régis Trabuchet

L'expertise de l'EPF a permis d'accélerer le déploiement du Fonds Barnier, notamment pour les propriétaires. A Couffoulens, un peu plus d'un an après les inondations, Régis Taburet signait la vente définitive de son ancienne maison. De quoi lui permettre de se projeter sur la vie d'après.
 

Moralement et physiquement, on était usés. Déjà les nuits étaient pas facile. Et à un moment donné, ça nous a rassurés. On pouvait se projeter. Il faut qu'on avance. Savoir que toute la partie financière et la partie administrative sont closes, c'est un soulagement, et ça nous permet d'avancer et d'aller vers un projet. Nous... c'est une maison en haut du village !

Régis Trabuchet


Début juillet 2020, l'EPF annonce être propriétaire de 87 biens dans l'Aude, en lien avec les inondations de 2018, pour un montant de 10,6 millions d'euros. Mais annonce que 27 autres bâtiment sont en cours d'acquisition. Une étape essentielle pour les villages concernés : la première de la future reconstruction.
 


Être enfin à l'abri

Régis Taburet, ancien cadre chez le fabricant de glace Pilpa, avait vécu les inondations de novembre 1999 (ndla : les inondations sur une grosse partie du département de l'Aude avaient provoqué la mort de 25 personnes) mais n'imaginait pas l'enchainement rapide des événements de 2018 :

Jamais je n’aurais pensé qu’il y avait tant d’eau qui allait arriver. C’est vrai que déjà - en 1999 - on avait été un peu inondé donc quand il y avait des orages, c'était angoissant. On se posait déjà des questions...

Régis Taburet

Aujourd'hui, plus question de revivre un tel déchirement. Comme bien des habitants de l'Aude, il veut simplement pouvoir mettre sa famille à l'abri... pour de bon cette fois.
 
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