Depuis un an, toutes les adoptions sont bloquées entre Haïti et la France. Le gouvernement estime que la sécurité des Français n'est pas assurée sur cette île des Caraïbes en crise. Mais les familles en attente d'enfants se rebiffent. Le témoignage à Villalier de Laurence, à bout de patience.
Elles sont 39 familles, en France, à contester la décision gouvernementale de bloquer les adoptions d'enfants haïtiens. Parmi elles, Laurence Cormouls-Houlès, à Villalier. Cette jeune Audoise avait obtenu tous les agréments pour accueillir deux enfants. Seulement voila, depuis un an, aucune démarche n'est possible pour la première rencontre entre parents adoptifs et enfants. Même par visio-conférence, comme le font les autres pays européens, c'est impossible. Le gouvernement estime que la sécurité des Français ne peut pas être assurée sur cette île des Caraïbes qui traverse à nouveau une grave crise. Mais les familles françaises en attente d'adoption protestent et ont formulé une requête au Conseil d'Etat pour débloquer la situation.
Des chambres en suspens
Depuis un an, Laurence préfère éviter deux pièces de sa maison, à Villalier. Quelques peluches sur un lit, mais la quadragénaire n'a toujours pas entamé les travaux pour les transformer en chambres d'enfants.
J'ai préféré garder les chambres telles quelles et quand j'aurai l'appel magique, ces chambres d'amis deviendront les chambres de mes deux enfants.
Un dossier d'adoption bouclé
Depuis 2017, après trois ans de démarche, Laurence dispose de toutes les autorisations nécessaires pour adopter deux jeunes Haïtiens âgés de 0 à 6 ans. En principe, elle aurait déjà dû voyager à Haïti pour débuter son "apparentement", un terme administratif pour désigner la première rencontre avec ses futurs enfants. Mais un arrêté gouvernemental, pris en mars 2020, interdit le voyage des adoptants vers cette île des Caraïbes, jugée trop dangereuse. Un arrêté pris pour 3 mois mais renouvelé depuis régulièrement.
"En Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Italie, au Québec, ils continuent les apparentements. Ils les font par visio-conférence." compare Laurence.
En France, le ministre a décidé qu'on ne ferait pas la première socialisation avec les enfants par visio-conférence, parce que ça pourrait être un échec, plus tard, à l'adoption...
Un recours devant le conseil d'Etat
Un délai insuportable pour les adoptants qui ont donc déposé un recours au conseil d'Etat, pour casser l'arrêté gouvernemental. Au total, 39 familles sur toute la France portent ce recours, dont Laurence, qui lance un cri du coeur.
On se bat pour avoir ces enfants qui sont là, qui sont nés, qui existent et qui sont seuls. Et nous, on est totalement impuissants même si on sait qu'eux, là-bas, nous demandent.
"Des deux côtés on a envie de se rencontrer" conclut Laurence, qui espère une évolution de la situation prochainement. En effet, rejeté une première fois en référé ce mois de mars, le recours devrait être jugé sur le fond par le Conseil d'Etat dans le courant du mois de mai prochain.
Le reportage à Villalier d'Alexandre Grellier et Frédéric Guibal pour France 3 Languedoc-Roussillon.