Guilhem de Vitot, sculpteur et tailleur de pierre près de Millau, a reçu une commande très particulière : il doit reproduire la statue d'un poilu qui orne le monument aux morts de Saint-Rome de Cernon. Et perpétuer ainsi le devoir de mémoire.
Chaque détail est étudié, mesuré, puis reproduit sur un nouveau bloc de calcaire. Dans son atelier non loin de Millau dans l'Aveyron, Guilhem de Vitot redonne vie à un poilu : celui du monument aux morts de Saint-Rome de Cernon.
Travail d'orfèvre
Précision, patience et justesse historique : pour cette commande un peu spéciale, le sculpteur-tailleur de pierre prend son temps. Et essaie de coller au plus près à la vision de l'artiste original, le Saint-Affricain Jules Roustan :La statue est encore sous droits d'auteurs, mais on ne peut pas la refaire totalement à l'identique. J'ai été obligé de modifier la tête, la branche de laurier et le chêne.
Pour arriver à créer le jumeau presque parfait du poilu d'origine, le sculpteur travaille la pierre à la disqueuse, au marteau-piqueur ou même au burin. Ainsi, les soldats morts lors de la Première Guerre Mondiale ne tombent pas dans l'oubli.
36 000 monuments en France
En 1918, en sortant de ce conflit meurtrier, la France doit faire son deuil : 1,4 millions de personnes sont mortes, 3 millions blessées. Dès 1919, des monuments aux morts sont érigés un peu partout sur le territoire français : plus de 36 000 en tout. Dans chaque commune, on inscrit le nom des soldats qui y résidaient en 1914 et sont tombés au combat. Chaque monument a sa propre conception, mais on retrouve souvent de simples plaques, des obélisques, des statues ou encore des sculptures colossales.
Cent ans après, elles ont pris de l'âge : abimées, cassées, dégradées... Érigés rapidement après la guerre avec des matériaux de mauvaise qualité, les monuments subissent de plein fouet l'usure du temps.
Chantier onéreux
Selon la loi du 25 octobre 1919, les communes ont l'obligation de s'en occuper. Elles peuvent demander à des bénévoles de nettoyer les sculptures, mais quand il s'agit de les restaurer, c'est une autre histoire. Elles doivent faire appel à des artisans compétents et supporter le coût de l'opération, qui peut aller jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Une subvention de l'État, délivrée via l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), peut couvrir 20% du coût total des travaux (hors TVA) dans la limite de 1 600 euros.
Pour ce 11 novembre 2019, Saint-Rome de Cernon s'est donc acquittée de cette tâche noble mais onéreuse et retrouve son poilu comme neuf. Le monument aux morts pourra continuer à honorer la mémoire des soldats tombés au combat pour les cent ans à venir.