Avec la sécheresse, les pâturages de l'Aubrac ont été décimés, et les éleveurs contraints de puiser dans les réserves pour nourrir correctement leurs bêtes. Résultat : face au surcoût, les ventes de bétail augmentent. Exemple dans l'Aveyron.
À Laissac-Sévérac l’Église, il y a grosse affluence ce mardi 23 août 2022 sur le foirail. En cet été marqué par la canicule et une sécheresse prononcée, le 1er marché aux bestiaux de France enregistre des records. Faute de pouvoir nourrir correctement leurs bêtes, les éleveurs de l'Aveyron doivent se résigner à les vendre.
Un millier de veaux et vaches à la vente par jour de foire
Sur le marché ce jour-là, on ne s'entend plus, tellement il y a de bêtes. Habituellement, "la période estivale n'est pas une période avec de gros volumes d'animaux", commente le maire de la commune, également gestionnaire du marché aux bestiaux. Mais aujourd'hui, David Minerva évoque un phénomène de "décapitalisation des cheptels", conséquence de la sécheresse.
Cela fait 2 marchés au mois d'août où l'on atteint quasiment le millier de têtes, c'est très rare. On a cette sensation de voir un changement, une anticipation des éleveurs qui prévoient un automne compliqué pour nourrir leurs animaux et qui diminuent leur cheptel.
David Minerva, maire de Laissac-Sévérac l’Église
Chaque jour de marché aux bestiaux, ce sont 100 à 150 vaches de plus que les années précédentes qui sont mises à la vente. Problème d'eau, problème de fourrage... Pour les éleveurs, cela devient compliqué de nourrir leurs animaux.
"On n'a pas vraiment le choix"
"Tout a cramé, c'est cuit par terre", se lamente Élodie Millau en arpentant la prairie où paissent ses veaux à Argences-en-Aubrac. Faute d’herbe fraîche, le bétail est exclusivement nourri avec du fourrage. Du foin stocké dans la grange pour l'hiver. Un tiers de cette réserve a déjà été "mangé".
Sur la cinquantaine de veaux de son cheptel, trente vont être vendus dans les jours qui viennent. "D'habitude on les fait partir vers le 15 septembre. Là, avec le manque de fourrage, on a décidé de les vendre plus tôt. On n'a pas vraiment eu le choix", explique l'agricultrice.
On est obligé de vendre. Car nous, on garde toutes les bêtes ici, et il faut trouver une solution pour les nourrir correctement. C'est aussi pour survivre à toutes les augmentations : le fioul, le carburant, l'engrais, le granulé pour nourrir les veaux, etc.
Élodie Millau, agricultrice
Du foin et des granulés en plus. L'éleveuse fait ses calculs. Il faut compter "20 à 30 euros par botte de foin. Un surcoût de 1200 à 1300 euros pour le granulé". De quoi mettre en danger l'équilibre financier d'une exploitation.
Baisse sur le prix de vente ?
Retour sur le marché aux bestiaux de Laissac. Jean-Paul Boyer y est négociant. Le fait que les éleveurs et agriculteurs soient de plus en plus nombreux à sacrifier une partie de leur bétail ne sera pas sans conséquence sur les prix. Surtout si les animaux sont plus légers.
"Si un veau fait 30 à 40 kilos de moins qu'une année où il mange de l'herbe avec abondance, ne serait-ce qu'à 3 euros du kilo, ça fait une moins-value de 100 à 120 euros", explique-t-il. Et les ventes à l'export risquent elles-aussi d'être impactées, sans inquiéter toutefois le négociant en bétail.
On était fortement en concurrence avec l'Amérique du Sud sur le Moyen-Orient et le Maghreb. Le fait que l'euro ait baissé va peut-être compenser un petit peu les choses et fluidifier un peu les ventes.
Jean-Paul Boyer, négociant en bétail
Toujours est-il que pour faire face à cette sécheresse exceptionnelle, les agriculteurs aveyronnais demandent à l’État des mesures d’urgences. Surtout que les conséquences sur les élevages pourraient perdurer. David Minerva, le maire et gestionnaire du marché au bestiaux de Laissac évoque ainsi une baisse des naissances de veaux cet automne-hiver. "Et il va nous manquer des animaux en 2023."