A la veille de l’intervention du Président de la République concernant le secteur de la culture, les intermittents du spectacle expriment de vives inquiétudes pour leur avenir. Dans l’Aveyron, 120 professionnels vivent directement de la scène. 70 d’entre eux ont le statut d’intermittent.
Qu’ils soient artistes ou techniciens, travailleurs ou entrepreneurs, seuls en scène ou réunis en groupe, tous sont aujourd’hui très inquiets. Alors que les événements culturels estivaux sont annulés les uns après les autres, une seule question se pose pour les professionnels du spectacle : comment arriver à cumuler 507 heures de travail sur l’année et ainsi conserver leur statut, leur régime d’indemnités ?
Pour Benoît Sanchez, membre du collectif des intermittents de l’Aveyron qui regroupe une centaine de professionnels dans le département, la priorité absolue reste « la prolongation des droits pour tout le monde pendant toute la durée d’incapacité de travail. Que ce soit pour les techniciens et artistes de l’annexe 8 et 10 mais également pour l’ensemble des intermittents de l’emploi, comme on les appelle. C’est-à-dire tous ceux qui bossent dans le milieu du spectacle mais qui ont des contrats précaires dans le régime général : intérimaires, CDD, contrats courts. Quand il y aura une reprise totale de l’activité culturelle, à 100%, on veut que tout le monde soit renouvelé au taux journalier d’indemnisation que l’on avait avant le début du confinement. C’est comme si on mettait sur pause, mais avec une prolongation de droit ».
Ce que déplore le collectif aveyronnais c’est un manque de clarté dans le discours des autorités. La question de la jauge à 5000 personnes, n’est pas suffisamment explicite et rajoute une forme d’inquiétude pour l’avenir.
Dans les faits, commente Benoît Sanchez, plein de festivals qui se déroulent après le 15 juillet sont annulés parce que les organisateurs se rendent bien compte qu’il sera impossible de gérer du public dans les conditions sanitaires exigées. Même s’il n’y a que 5 ou 600 personnes. On préfèrerait donc une position claire plutôt de nous dire tous les 15 jours, on annule, ou on baisse la jauge, ou je ne sais quoi d’autre.
De l’intervention d’Emmanuel Macron demain, il n’en attend pas grand-chose au final. « Je ne pense pas qu’il s’en foute mais quand on voit le ministre de la culture annoncer que des spectacles avec 50 personnes peuvent se faire à 1.50 mètres les uns des autres avec un masque, je pense qu’il n’a jamais mis les pieds dans un festival, qu’il n’a jamais mis les pieds dans l’organisation d’un festival en extérieur où il faut tout installer, la scène, le matériel électrique, les bars… Il ne se rend pas compte que ce sont des centaines de bénévoles et de techniciens qui viennent, qui travaillent sur des longues périodes dans une totale promiscuité. Je ne vois pas comment on peut préconiser de faire des spectacles pour 50 personnes avec un musicien sur scène… C’est juste ubuesque. Et puis dans ces conditions, merci la convivialité des spectacles ! Rencontrer un artiste, rencontrer du monde, boire un coup, échanger, n’a plus aucun sens ».
Le collectif s’inquiète de ce que vont devenir les subventions régionales à la culture et craint qu’elles ne soient utilisées à d’autres fins. On se rend compte depuis le début de la crise que certaines collectivités ne jouent pas le jeu. Alors qu’elles ont les ressources grâce aux subventions régionales de la culture qu’elles touchent, elles ne payent pas pour autant les intermittents avec qui elles s’étaient engagées. Ceux qui jouent le jeu, ce sont plutôt des entreprises privées ou des associations en difficultés. Ces structures-là vont nous payer les dates qui étaient prévues alors que certaines collectivités, qui se reconnaitront dans l’Aveyron, ne le font pas. Ce n’est pas normal. On ne veut pas être les oubliés de cette crise.
Rencontre avec François Douziech, intermittent du spectacle aveyronnais
François Douziech est éclairagiste et machiniste. Cet intermittent du spectacle aveyronnais qui réalise 40% de son activité dans le département a une activité relativement étalée sur l’année mais c’est bien évidemment en été, qu’il travaille le plus : « entre juin et septembre j’ai un pic de boulot. Là par exemple en juin, je devais faire une centaine d’heures. Ces dates-là ne sont même pas reportées, elles sont annulées. C’est poubelle. Je ne vais jamais pouvoir rattraper les quatre mois d’activités estivale entre octobre et janvier ».
Lui aussi est donc très inquiet pour les mois à venir. Pour l’heure, il arrive à vivre grâce à son indemnité qu’il touche tous les mois mais cela ne va pas durer : « si je n'ai pas des dates qui tombent après de déconfinement, je ne toucherai plus rien à partir de novembre. Et là, c’est vraiment l’inconnu. Si je perds mon statut, je ne suis pas sûr de le récupérer ».
Pour François, une des solutions pourrait peut-être se trouver dans la fameuse « date anniversaire ». Cette date à laquelle les intermittents doivent avoir effectué leurs 507 heures pour conserver leur statut et être indemnisés. « Il faudrait que les dates anniversaires soient repoussées de huit mois, mais pour tout le monde... sinon ça va faire de la casse énorme pour tout le milieu culturel. Beaucoup d’intermittents vont dégager et des structures aussi ».