Témoignage. Après 3 ans en prison et son acquittement à Hong-Kong, Mathias Echène revient en Aveyron pour y rester

Témoignage exclusif. Le 7 avril 2021, l'homme d'affaires aveyronnais Mathias Echène était acquitté à Hong-Kong, après avoir passé trois ans en prison à Bali puis Hong-Kong. Il était accusé d'escroquerie par ses anciens associés. Il est rentré en France et il est depuis deux jours en Aveyron. 

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Le retour de Mathias Echenne en Aveyron. L'homme d'affaires est resté emprisonné 3 ans à Bali puis Hong-Kong, accusé d'escroquerie par des associés chinois. Il retrouve enfin les siens. Il a fait escale pour quelques jours dans sa maison familiale de Valady. Et c'est un homme souriant qui a reçu Rouzane Avanissian et Clément Alet de France 3 Quercy Rouergue pour parler de ces 3 années de calvaire dont il sort la tête haute.

  • Comment vous sentez-vous ? Comment allez-vous ? Comment revient-on d’un « voyage » comme celui-là ?

On en revient meurtri, avec des souvenirs de souffrance terrible. Mais ça fait maintenant plus de 5 mois que je suis libre même si au départ j’étais libre sous caution, j’étais libre pendant 4 mois et demi à Hong-Kong et j’ai donc pu retrouver une bonne forme physique. J’ai pu faire des examens de santé qui ont tous conclu que j’étais en bonne forme physique et qu’aujourd’hui il n’y avait pas de séquelle de ces 3 ans et demi de cauchemar. Des séquelles psychologiques, il y en a peut-être, mais les amis, la famille  que j’ai retrouvés me disent tous : c’est incroyable Mathias, tu n’as pas changé. Et ça, ça réconforte. Cela me fait me dire que j’arrive à tourner la page et que les 5 mois que j’ai passés à Hong-Kong à me remettre en forme tout en me défendant à mon procès pénal, ont été un sas qui m’a permis de rentrer en France à peu près en bonne forme.

  • Vous avez passé 3 ans en prison, qu’est-ce qui a été le plus éprouvant ? Que gardez-vous de ces 3 années-là ?

Le pire souvenir a été d’être privé de tout moyen de communication avec mes enfants pendant toute la partie d’incarcération à Hong-Kong.

Mathias Echene

Pendant 13 mois, donc de septembre 2019 à mi-novembre 2020, je ne pouvais passer qu’un seul coup de fil par mois, 10 minutes maximum et enregistré, écouté. C’était mon seul moyen pour avoir une interaction avec les enfants. Bien-sûr, je leur écrivais tous les jours, je faisais passer des messages par le consulat de France mais pour entendre leur voix, ça m’était limité à une fois par mois. J’ai trois enfants donc je devais choisir et je devais aussi parler à ma famille et à mes sœurs qui animaient le comité de soutien. Donc c’était à chaque fois des dilemmes horribles de savoir qui j’allais appeler ce mois-là. Mes deux filles sont nées en décembre, j’ai pu parler qu’à une seule le jour de son anniversaire et la seconde, la petite, je n’ai l’ai appelée que 10 jours après son anniversaire à cause de cette contrainte, cette horreur d’être coupé du monde comme ça pour quelqu’un qui, je le rappelle a été blanchi. J’ai donc été incarcéré pour rien du tout.

  • Vous avez vécu des moments difficiles à Bali dans des conditions sanitaires plus que douteuses puisque c’est là que vous avez entamé votre grève de la faim ?

Les conditions sanitaires étaient horribles. C’est une prison qui ne fournit pas d’eau potable à ses prisonniers, qui fournit une nourriture dans des chariots où l’hygiène est plus que déplorable.

On dort au milieu des bestioles, que ce soient des rats, des cafards, des araignées et je passe sur les serpents et les espèces d’énormes iguanes qu’on croise de temps en temps.

Mathias Echene

Les égouts avaient été bouchés 6 mois avant mon incarcération du fait d’une évasion. Dès qu’il se mettait à pleuvoir, on avait des remontées du sous-sol qui étaient catastrophiques. J’ai eu la chance de ne pas tomber malade mais l’hygiène et les conditions sanitaires étaient horribles. C’est bien pour cela que l’ONU, quand on s’est plaint lors de ma grève de la faim, a rendu un rapport demandant ma libération immédiate aux autorités indonésiennes. Et qu’est-ce qu’elles ont fait ? Elles m’ont extradé à Hong-Kong plutôt que de me libérer.

  • Comment fait-on pour tenir quand on est dans une situation comme la vôtre ?

Il y a en fait des éléments positifs pendant l’incarcération, ce sont les rencontres humaines. Et je me suis fait des amis dans ces endroits, dans ces lieux carcéraux avec des gens que je n’aurais jamais rencontrés dans ma vie « normale ». J’ai notamment rencontré un Libanais qui était lui aussi en attente d’extradition dans la prison à Bali et avec qui on a créé des liens d’amitié incroyables, une solidarité très forte entre nous deux. Et plus généralement, les prisonniers tous ensemble ont plutôt tendance à être très solidaires, s’entraider, se prêter, se donner des médicaments, des livres… Tous les moyens possibles pour aider la situation des autres sont mis en œuvre. J’ai aidé un prisonnier français qui était là pour 5 ans, un jeune homme en deuxième année d’étude à Centrale à Lyon. Je l’ai aidé du mieux que je pouvais, je lui donnais des livres, je lui faisais passer un peu d’argent. C’est quelqu’un qui sort de prison dans 3 mois. Des solidarités comme ça, j’en ai eues pratiquement à chaque fois que je changeais d’endroit, de prison, etc… Et cela crée de très bons souvenirs finalement.

  • Et ce procès a été aussi quelque chose d’éprouvant ?

Cela a été terrible d’un point de vue moral. Tout d’abord parce que mes conditions de préparation du procès ont été difficiles dans le sens où j’ai été libéré sous caution uniquement pour préparer mon procès. Je ne suis sorti de prison que 5 jours avant le début du procès.

Dans les pièces à charge, il y avait près de 8000 pages. Donc mon avocat commis d’office devait digérer ces 8000 pages seuls avant je sois libéré.

Mathias Echene

Et les 5 jours, entre ma libération sous caution et le début du procès, ont été une véritable course contre la montre. Ensuite le procès a été très très long, et dans un sens c’était plutôt en ma faveur puisque cela m’a donné du temps pour préparer le procès. Mais d’un point de vue moral, ça a été une épreuve terrible. Je me suis retrouvé confronté à des gens qui auparavant étaient des amis, notamment un monsieur de 80 ans qui me considérait comme son fils, et qui est venu témoigner à la barre pendant 4 jours des soi-disant escroqueries que je lui avais fait subir. Il a finir par reconnaitre dans les yeux du juge que oui, je lui avais fait gagner beaucoup d’argent, mais apparemment pas assez. De la même manière, le milliardaire chinois, ancien député, et à cause de qui toute cette affaire a pris des proportions démesurées, a dit au juge : oui, oui je savais que Mathias m’avait fait gagner beaucoup d’argent mais pour autant, je le soupçonnais de m’avoir escroqué donc je voulais qu’il soit puni. Et il a même rajouté ensuite : ah mais Mathias m’a fait énormément de propositions de séparation à l’amiable, je n’en voulais pas parce que je voulais l’amener au procès. Je voulais qu’il soit puni. Et le résultat des courses, c’est que je n’ai pas été puni puisque j’ai été complètement innocenté. Mais vous voyez, je me suis retrouvé face à ces gens avec qui je faisais des affaires, à qui j’ai fait gagner énormément d’argent, ils l’ont reconnu et qui pour autant souhaitaient que je passe le plus de temps possible en prison.

C’était donc terrible et en même temps, c’était une leçon de vie de se dire que pour des gens comme ça, qui sont extrêmement riches, l’argent les a rendu fous…

Mathias Echene

Il y en a jamais assez. C’est enrichissant, c’est passionnant, mais je l’ai payé très très cher.

  • Vous avez été acquitté le 7  avril, comment s’est passé ce moment ?

Je suis arrivé le jour de l’audience du verdict avec un petit baluchon, un livre et ma brosse à dent. J’étais prêt, si jamais le juge le décidait, à repartir en prison. J’étais donc à un des carrefours de ma vie. Ce jour-là, la suite de ma vie se décidait mais elle pouvait prendre des chemins complètement opposés et puis voilà, j’ai été acquitté. C’est ce que j’attendais puisque je le criais haut et fort depuis 9 ans. Ma première pensée a été pour mes enfants que je n’avais pas vu depuis 3 ans et demi et que je pouvais enfin aller serrer dans mes bras et reprendre une vie normale avec eux. Bon, c’est juste une page qui est tournée maintenant. Cela a été extrêmement éprouvant. Le jour où j’ai moi-même témoigné à mon procès, ça a été éprouvant en particulier parce que le procureur m’a cross-examiné. Il m’a posé des questions en essayant de me faire me contredire, en essayant de me piéger et là ça été une espèce de joute oratoire qui a duré toute une journée extrêmement éprouvante. Le rôle du procureur, c’est de vous faire condamner donc il vous pose des questions pièges, des questions à rallonge avec des implications extrêmement pernicieuses mais en fin de compte, le juge a décidé que la manière dont j’avais présenté tout ça était en ma faveur et ça s’est terminé comme ça. Mais quel marathon, 39 jours d’audience quand même ! Ce n’est pas du jamais vu mais des procès-fleuves dont on a pu parler depuis des décennies, ça dépasse rarement 20 jours d’audience et là on en a eu 39. C’est une démesure incroyable.

  • Et maintenant, quels sont vos projets, qu’allez- vous faire ?

Des projets, j’ai eu le temps d’en faire, j’ai eu le temps d’imaginer tellement de choses quand j’étais incarcéré et maintenant j’ai la possibilité de les concrétiser. Mon projet principal c’est de retrouver une vie familiale stable avec mes enfants puisque je suis divorcé depuis 8 ans. D’un point de vue professionnel, j’ai toujours dans un coin de ma tête mon pays, l’Aveyron.

Mathias Echene

Et en Aveyron, quand je suis parti, il y a 4 ans, j’avais un projet qui me tenait beaucoup à cœur. C’était pas un projet, contrairement à la première partie de ma carrière qui était à but financier, c’était plus un projet de vie où j’apportais mon expérience à une dynamique qui s’est installée à Rodez depuis l’ouverture du musée Soulages il y a 7 ans et où beaucoup d’étrangers viennent à Rodez et n’ont pas forcément le lieu approprié qui les accueille, notamment s’ils veulent rester longtemps à Rodez… 2 jours, 3 jours, une semaine, deux semaines. Donc ce projet qui était de convertir le Palais Episcopal en hôtel de luxe avec une partie événementiel, exposition, pouvoir faire un restaurant peut-être étoilé, ou deux, avoir un spa, cela devait devenir un carrefour culturel avec une vocation financière c’est-à-dire accueillir des clients aisés. Mais ce n’était pas un projet qui devait rapporter énormément d’argent. C’était avant tout un projet d’illumination de ce lieu. On m’en a dépossédé, j’estime de manière injuste et j’ai envie de faire valoir mes droits. J’espère que le président du conseil départemental saura entendre mes revendications et l’historique que j’ai avec le conseil départemental depuis plus de 6 ans maintenant. Donc ça c’est un projet professionnel à Rodez où j’habite une partie du temps. A Paris, j’ai des projets dans l’immobilier aussi qui sont aujourd’hui à l’état embryonnaire mais le groupe d’amis qui m’a soutenu dans toute cette épreuve souhaite aussi me mettre le pied à l’étrier. J’ai donc pas mal de marrons au feu et surtout beaucoup d’enthousiasme. Je suis tellement content de retrouver mon pays ! Ce matin je suis allé faire des courses à Marcillac et j’ai côtoyé de gens qui m’ont reconnu et qui m’ont dit : « Mathias, M. Echène, on est tellement contents que vous soyez de retour, vous avez tellement dû souffrir… » Donc il y a de la bienveillance et ça c’est tellement agréable

Je me sens de retour et bien entouré, que ce soit par les gens qui me connaissent bien que par des inconnus qui ont appris mes déboires et qui compatissent.

Mathias Echene

Tout ça, c’est vraiment très agréable.

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