Les policiers qui témoignent au procès Merah ont presque tous requis l'anonymat, comme leur permet désormais la loi. Mais certains ont donné des interviews dans la presse. Colère des avocats.
Un enquêteur de la police judiciaire peut-il demander à témoigner de manière anonyme devant la Cour d'assises spéciale de Paris qui juge l'affaire Merah lorsqu'il s'est exprimé à plusieurs reprises dans la presse ?Mercredi, au troisième jour du procès, l'avocat de la défense Maître Eric Dupont-Moretti a soulevé le problème au sujet d'un membre du SRPJ de Toulouse qui témoignait à visage câché. Ce même fonctionnaire de police avait donné plusieurs interviews dans la presse, au titre de ses activités syndicales.
Vous vous moquez du monde, lui adresse Maître Dupont-Moretti, montrant à la cour la photo et l'interview du fonctionnaire toulousain en question. C'est ici que se rend la justice, pas dans les médias".
La loi permet désormais aux policiers de demander l'anonymisation de leur témoignage, pour des raisons de sécurité. Les avocats de la défense et des parties civiles sont alors consultés par le président de la Cour d'assises qui décide s'il accorde ou pas l'anonymat.
Le policier est alors placé dans une salle hors de la salle d'audience et témoigne sans que l'on voit son visage. Ce mercredi, ce sont les policiers N°30 et 35 qui témoignaient. Deux fonctionnaires de police toulousains dont les avocats connaissent l'identité. Il n'était donc pas difficile pour les avocats de faire une recherche sur internet.
Seuls des policiers ont été égorgés à leur domicile, pas des avocats !
"De qui avez-vous peur ?" demande-t-on au policier. "Toulouse et la région sont un fort bassin de radicalisation et des affaires récentes en attestent, notamment des interpellations, répond le policier. Travaillant sur place, ayant famille et enfant sur place, je me refuse d’apparaître devant des mis en cause qui ont toujours des connaissances, des contacts sur place".
Et le policier ajoute : "Seuls des policiers ont été égorgés à leur domicile jusqu'ici, pas des avocats !", faisant référence au couple de policier tués à Magnanville en juin 2016.
Si j'avais eu connaissance de ces interviews, j'aurai refusé votre anonymat !"
Colère du président de la Cour d'appel, qui n'avait pas eu connaissance de cette situation et qui affirme que s'il l'avait su, il aurait refusé que le policier requiert l'anonymat.
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Cet incident aura eu un mérite : pour une fois, avocats de la défense et des parties civiles sont d'accord. "Je suis contre cette anonymisation des policiers, s'exclame Maître Olivier Morice, avocat de la famille du soldat Mohamed Legouad. Désormais, je m'y opposerai à chaque fois qu'un policier le demandera".
EN VIDEO / l'interview de Maître Dupont-Moretti à ce sujet :