Le Coronavirus touche davantage les personnes vulnérables. L'information est diffusée en boucle par les médias. Un homme atteint d'un cancer de la peau, et une personne âgée se sont confiés à France 3 Occitanie. Ils gardent le moral malgré tout. Une belle leçon de vie.
En 2013, c'est presque par hasard que Jean-Christophe Boisguerin découvre qu'il est atteint d'un cancer de la peau. Ce jour-là, il reçoit un courrier de la Sécurité Sociale pour un check-up complet, gratuit. Le jour proposé, il ne travaille pas. Lors de la visite, rien à signaler. Au moment de partir, la médecin remarque un grain de beauté sur la joue de Jean-Christophe Boisguerin, et lui conseille de consulter un dermatologue. Le diagnostic tombe : il souffre d'un mélanome malin. Depuis trois mois, il suit une chimiothérapie à l'oncopole de Toulouse. Et avec le confinement, les choses se compliquent.
Des rendez-vous médicaux reportés
Chaque mois, Jean-Christophe Boisguerin, 57 ans, doit se rendre à l'oncopole pour suivre sa chimiothérapie et faire ses bilans sanguins. La dernière fois qu'il s'y est rendu, c'était le 16 mars. Il a obtenu ses médicaments auprès de la pharmacie hospitalière, la seule à les fournir. Mais sa consultation a été reportée au 15 avril, puis au 29 avril.
Ca m'embête car ça retarde la reprise de la chimio, mais d'un autre côté, ça m'évite de voir des gens et de risquer d'attraper le Coronavirus. Au moins, je ne m'expose pas. Parce que si je le chope, je suis cuit, raconte Jean-Christophe Boisguerin.
Le patient a préféré se rendre à son dernier rendez-vous avec sa femme qu'avec son chauffeur vsl (véhicule sanitaire léger) habituel, pour ne pas prendre de risque. "Je ne vois personne. Je reste à la maison. Ma femme fait les courses une fois par semaine, en prenant toutes les précautions", raconte-t-il. Optimiste, Jean-Christophe Boisguerin se dit chanceux d'avoir été dépisté très tôt "car le mélanome est très malin". Et d'ajouter : "On a aucune prise sur le cancer, on subit. C'est pénible et décourageant, mais on n'a pas d'autre solution que d'accepter".
Jouir de l'absence de la pollution sonore
Ce jeudi 2 avril après-midi, Jean-Christophe Boisguerin n'est pas au top de sa forme. La chimiothérapie précédente se fait sentir, autant que la fatigue. Et depuis une semaine, il est fiévreux. Pour autant, il ne se décourage pas. Il est confiné dans le petit village de Pradines près de Cahors avec sa femme, "un luxe!" s'exclame-t-il, "en comparaison des conditions dans lesquelles les citadins sont confinés".
Dans son jardin, un potager. Près de chez lui, un producteur à qui il achète des produits frais et locaux. "Avec le confinement, on a le temps de se préparer des bons petits plats sains" se réjouit-il. Toujours près de sa maison, un petit bois, et la rivière du Lot dont voici deux photos prises par Jean-Christophe Boiseguerin, l'une en été, l'autre en hiver :
On profite de l'absence de pollution sonore grâce à l'absence de circulation routière et aérienne pour écouter le silence, et les oiseaux. Je me régale à les entendre chanter le matin, j'ouvre la fenêtre, et je les écoute. Et le soir, ce sont des crapauds que l'on a la chance d'entendre, rapporte Jean-Christophe Boisguerin.
Muni de son attestation, dans le petit bois à quelques centaines de mètres de sa maison, cet ancien agent de l'Office Française de la Biodiversité (anciennement ONCFS : Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) écoute les chants d'une quinzaine d'espèces, qu'il répertorie le soir venu. Adhérent à la ligue de protection des oiseaux, il fournit ses enregistrements à Faune Occitanie pour développer une base de données de science participative. "C'est un régal pour les oreilles. C'est terrible de devoir subir le Covid 19 pour profiter de ce luxe" remarque Jean-Christophe Boisguerin.
On joint l'utile à l'agréable, le confinement a de bons aspects malgré tout, note Jean-Christophe Boiseguerin.
Son confinement, bien qu' étant une personne vulnérable, il le juge "largement supportable".
Sevrage des informations liées au Coronavirus
Depuis trois jours, Jean-Christophe Boisguerin et sa femme ont décidé de se défaire de toute information liée au Coronavirus. "Ca fait plus de 15 jours qu'on est inondé de chiffres de décès, ça nous pèse !" explique-t-il.
Leur temps, le couple le passe plutôt à contempler la nature donc, ou à méditer en pleine conscience. Et le soir venu, ils prennent des nouvelles de leurs proches. "Il faut profiter de tout ce qui est accessible et gratuit, que ce soit le chant des oiseaux ou les liens amicaux et familiaux" précise Jean-Christophe Boisguerin. Sa fille, âgée de 22 ans, vit en Guyane où elle est née. Inquiète pour la santé de son père, ce dernier la rassure tout en restant très transparent. "On sait tous que si besoin, elle rentre".
Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine, conclut-il.
72 ans, à risque mais préoccupée pour les autres
Autres personnes considérées à risque lors de cette crise sanitaire liée au Coronavirus : les plus âgés. Marie-Claude a 72 ans. Elle vit dans la petite commune de Trespoux-Rassiels, à 13 kilomètres de Cahors. Confinée dans sa maison avec son mari et l'un de ses petits-fils, elle se porte bien.
Pour l'instant on tient le coup, on a rien contracté, on touche du bois, rassure-t-elle.
Marie-Claude ne se considère pas comme la plus à plaindre. "A nos âges, on sortait pas tous les jours. C'est pour les jeunes que ça doit être plus difficile" remarque la retraitée. En connaissance de cause. Son petit fils âgé de 18 ans vit avec elle. Alternant en mécanique poids lourd, il a travaillé jusqu'à jeudi 26 mars. Il la préoccupe plus qu'elle-même : "c'est l'année du BAC, et il travaille difficilement tout seul, et je ne peux pas l'aider en anglais par exemple". Pourtant, Marie-Claude a fait AVC au mois de juin.
J'ai un suivi régulier mais mon dernier rendez-vous a été annulé. Tous les rendez-vous sont reportés à après le confinement. Ca va être la cohue ! Constate Marie-Claude. Mais c'est normal, reprend-t-elle, qu'ils gardent leur temps pour les malades.
Pour l'heure, c'est des autres qu'elle s'occupe. Bénévole au sein de l'association Aroc, elle prend régulièrement des nouvelles des retraités qui vivent seuls. C'est le but de l'association, encore plus indispensable aujourd'hui. Avant le Coronavirus, Aroc organisait des repas, des sorties, des anniversaires. Désormais leur mission se résume à se remonter le morale, par téléphone. "Dans des situations comme celle-là, il y en a qui perdent vite le moral" remarque Marie-Claude Pas elle en tous cas.
Projections futures impossibles
Marie-Claude n'est pas sortie depuis le début du confinement. "Je me suis lancée dans le tri de toute la paperasse qui traine dans le garage, ça m'occupe beaucoup !" raconte-t-elle.
Pour les courses, c'est son mari qui s'en charge. Ce qui manque le plus à la retraitée, c'est sa famille. Et ce qui la préoccupe vraiment, c'est l'incertitude de ses futurs projets.
J'avais l'anniversaire de ma fille et de sa fille début mai. On allait célébrer les deux guerres : l'une va avoir 45 ans, et l'autre 18 ! Et j'avais les baptêmes des deux fils de mon fils le 31 mai. Et maintenant, on ne sait plus. On ne peut pas se projeter dans l'avenir, détaille-t-elle.
Cette ancienne secrétaire de greffe, mère de quatre enfants et grand-mère de huit petits enfants espère seulement que les Français seront prudents, "et on sera tous contents de se retrouver!" conclut-elle.